Crédit : Lori / Legion Media
On considère que l’histoire de la Kunstkamera commence avec le long voyage de Pierre Iᵉʳ à l’étranger, surnommé la « Grande Ambassade » (1697-98). L’empereur se rendit en Europe afin d’étudier la construction navale.
Lors de son voyage, il fut grandement impressionné par la vie et la culture des Européens. Il fut, notamment, émerveillé par les Kunstkameras naissantes en Europe et se fixa l’objectif de créer son propre musée des curiosités.
Sur instruction de Pierre, la Kunstkamera russe regroupait tout ce qui pouvait étonner l’empereur même. La collection était appelée à montrer la diversité du monde et des mystères de la nature. Dès 1706, le périodique français Journal de Trevoux écrivait que les muses et les sciences se déplaçaient vers le Nord « où le tsar Piotr Alekseïevitch, actuellement sur le trône, a affirmé son intention d’éduquer son État ».
On considère que la date de création du premier musée russe remonte à 1714, quand, sur ordre de Pierre, toutes les collections formées lors de ses voyages furent transférées de Moscou à Saint-Pétersbourg. Au début, pour attirer les visiteurs, on leur proposait des friandises et des cadeaux. Mais le musée devint rapidement célèbre et, peu après, la visite fut réglementée par la distribution de billets gratuits.
La collection de Pierre trouve une maison
La Kunstkamera de Saint-Pétersbourg se distinguait particulièrement des musées européens par l’objectif poursuivi par sa création. Dès sa genèse, le musée était créé non comme une collection privée, mais comme une institution éducative. Selon la légende, Pierre définissait ainsi l’objectif de la Kunstkamera : « Je veux que les gens regardent et apprennent ! ».
Au XVIIIe siècle, le musée s’installa sur l'île Vassilievski. Selon la légende, Pierre choisit lui-même l’emplacement de la future Kunstkamera, après y avoir découvert un sapin d’une forme insolite.
Le bâtiment érigé ici par la suite fut construit dans le style baroque de Pierre et demeure à ce jour l’un des symboles de Saint-Pétersbourg. L’édifice majestueux sur la rive de la Neva est surplombé d’une tour voûtée armillaire symbolisant le modèle du système solaire.
La collection du musée
Au cours des premières années d’existence de la collection, aux côtés des livres, appareils, outils, armes rares et des curiosités naturelles, la Kunstkamera exposait également des objets « vivants ». Il s’agissait d’enfants aux malformations congénitales qui résidaient auprès de la Kunstkamera et recevaient un salaire annuel élevé.
Les Kunstkameras apparurent en Europe aux XVIe—XVIIe siècles et réunissaient des curiosités dans les palais de la noblesse européenne instruite. Le terme « kunstkamera » signifie cabinet d’œuvres insolites, créées par la main de l’homme ou par la nature. Aux côtés des animaux empaillés, spécimen rares de minéraux et coquillages, ils pouvaient réunir des œuvres d’art.
Au fil des ans, la collection de curiosités et bizarreries de la Kunstkamera se transforma en un véritable ensemble scientifique. Avec la création en 1724 de l’Académie russe des sciences, la Kunstkamera devint son premier établissement.
Désormais académique, le musée se concentra sur la collecte de curiosités ethnographiques : objets de la vie quotidienne et habits des différentes ethnies. La collection permanente du musée est à ce jour consacrée aux cultures traditionnelles de l’Amérique du Nord, de l’Asie et de l’Afrique.
La collection de « monstruosités » - raretés et anomalies anatomiques conservées dans l’alcool - de la Kunstkamera est celle qui a toujours rencontré le plus grand succès auprès du public. Pierre racheta la grande partie de cette collection au professeur hollandais Frederik Ruysch.
Ruysch collectait et traitait lui-même les « monstruosités » pendant plusieurs décennies et n’accepta de ventre sa collection qu’au tsar russe, espérant que celui-ci pourrait la préserver pour les générations futures. Les embryons aux malformations congénitales insolites conservés dans l’alcool choquaient le public au XVIIIème et impressionnent les visiteurs jusqu'à ce jour.
La Kunstkamera aujourd’hui
L’actuelle Kunstkamera, l’un des plus grands musées ethnographiques du monde, mène un travail scientifique actif. Les fonds du musée comptent plus d’un million d’objets et sont régulièrement complétés grâce à des expéditions et de nouvelles acquisitions.
La Kunstkamera organise annuellement une cinquantaine d’expéditions scientifiques dans différentes régions russes, ainsi qu’en Asie et en Afrique. Au cours de chaque expédition, le musée s’enrichit de nouveaux objets.
Le directeur du musée Iouri Tchistov souligne que la Kunstkamera ne parvient plus à « loger » ses objets dans le bâtiment historique. La direction discute actuellement avec les autorités municipales du projet de la création d’un fonds de réserve.
Le musée est célèbre pour ses programmes éducatifs et visites thématiques variées allant de l’histoire du costume à l’anthropologie. Actuellement, seules les visites générales sont proposées en langues étrangères, mais le personnel de la Kunstkamera promet de renouveler prochainement son offre de programmes proposés aux touristes étrangers.
« Nos collections intéressent le public étranger, car leur création démarra bien avant celles qui sont proposées en Europe. Tous nos objets ethnographiques sont uniques, car ils sont vierges de toute influence de la culture européenne », nous a expliqué Iouri Tchistov dans un entretien.
Au cours de la conférence de presse consacrée au tricentenaire du musée, le président de l’Union russe des musées Mikhaïl Piotrovski a indiqué : « Avec l’anniversaire de la Kunstkamera, nous célébrons le tricentenaire de l’histoire muséale de Russie tout entière, car c’est le premier et le plus ancien musée de notre pays et une étape importante dans le développement des musées en Europe ».
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.