Barbe, rouflaquettes, tête rasée : les looks de la littérature russe

Même les gens qui n’ont lu aucun  livre russe de leur vie, connaîssent tout de même l’apparence des célèbres auteurs du pays : leurs portraits sont aussi connus que, par exemple, le logo de Coca-Cola ou d’Apple. Effectivement, c’est difficile de ne pas les reconnaître : un homme basané avec des rouflaquettes est bien sûr le grand poète Alexandre Pouchkine ; le gros vieillard barbu revêtu en une blouse est le prophète Léon Tolstoï ; et le géant morose à la tête rasée est le héraut de la révolution, Vladimir Maïakovski.

Les rouflaquettes de Pouchkine


Collage par Ekaterina Venediktova

La comédie russe Rouflaquettes, sortie il y a ving-cinq ans, raconte l’histoire d’une bande de fans du fameux poète russe Alexandre Pouchkine. Les membres de cette clique se laissaient pousser des pattes, pour ressembler à leur idole, et tabassaient tout le monde qui leur déplaisait.

Par ailleurs, les rouflaquettes étaient à la mode en Russie du XIXe siècle, et les hommes portaient des pattes très diverses – simples, façonnées, bouffantes… Mais c’étaient exclusivement les rouflaquettes de Pouchkine – frisées et très épaisses, en raison de l’origine du poète dont le grand-père venait d’Afrique – qui sont devenues cultes.

Actuellement, les Russes qui portent des pattes longues se voient constamment comparés à l’auteur.

La blouse à la Tolstoï


Collage par Ekaterina Venediktova

Le nom de Léon Tolstoï est associé en Russie à la soi-disant tolstovka ou « blouse à la Tolstoï » qui représente en effet une variation de kosovorotka, blouse traditionnelle russe. Grâce à Tolstoï, cette blouse est devenue un symbole, car cet écrivain aristocrate la portait pour exprimer sa volonté de s’unir avec les gens ordinaires.

Dans son domaine de Iasnaïa Poliana, Tolstoï apprenait aux enfants des paysans à lire et participait personnellement aux travaux agricoles. Cela ressemblait bien sûr à un show, mais correspondait en même temps aux idées qu’il exprimait : plus on est simple et pauvre, plus on est vertueux et noble.

Pour les adeptes de l’écrivain qui formaient des communes et promouvaient le pacifisme, le végétarisme et la renaissance des valeurs des premiers chrétiens, la « blouse à la Tolstoï » représentait une sorte d’uniforme. Cette chemise simple symbolisait une personne appartenant à la classe supérieure qui rejoignait les gens ordinaires pour des raisons idéologiques.

Le binocle de Tchékhov


Collage par Ekaterina Venediktova

Docteur, écrivain et dramaturge, Anton Tchékhov était l'un des plus grands intellectuels russes de la fin du XIXe siècle. Ses œuvres qui ont provoqué une véritable révolution dans le théâtre, étaient extrêmement populaires parmi les gens instruits de la Russie.

L’image de Tchékhov – un homme avec un visage intelligent, portant un binocle – est devenu un synonyme de l’intellectualité dans la culture russe. Maintenant, les Russes croient que si vous portez des lunettes, vous êtes un intellectuel, et s’il s’agit d’un binocle, vous êtes un intellectuel de la fin du XIXe siècle !

La moustache de Gorki


Collage par Ekaterina Venediktova

Durant sa jeunesse, l’écrivain Maxime Gorki, un des fondateurs du réalisme socialiste, adorait les philosophes allemands. Sa moustache bouffante fait d’ailleurs penser à celle de Friedrich Nietzsche, et c'est probablement à lui que Gorki voulait ressembler.

Beaucoup de jeunes ont été fascinés par les œuvres de Nietzsche, mais Gorki, contrairement aux autres, était très persistant et très laborieux : il écrivait constamment des livres, tout en soignant sa moustache.

La tête rasée de Maïakovski


Collage par Ekaterina Venediktova

Dans sa jeunesse, le poète Vladimir Maïakovski, l’un des leaders de l’avant-gardisme russe, se rasait la tête à zéro.

En effet le père de Maïakovski est décédé suite à un sepsis après s’être piqué un doigt avec une aiguille. Le petit Vladimir était si choqué par cette mort, qu’il a été atteint par la mysophobie, peur maladive d’être contaminé par des microbes.

Ajoutez à cela l’épidémie de typhus qui a ravagé la Russie entre 1917 et 1921, et vous aurez donc l’explication de la coiffure du poète et de son obsession par l’hygiène. Toutefois, indépendamment de ses motifs personnels, la tête rasée du poète a été associée par le public au radicalisme des avant-gardistes russes.

La barbe de Soljenitsyne


Collage par Ekaterina Venediktova

Au début des années 1970, Alexandre Soljenitsyne, lauréat russe du prix Nobel de littérature, s’est fait pousser une barbe « à la Lincoln », sans moustache. Aux États-Unis, où l’écrivain a immigré en 1976, le public le considérait comme un prophète barbu russe (il portait déjà une moustache avec sa barbe à l’époque).

D’un côté, il influençait les Américains, de l’autre, il n’était pas vraiment une personne désirable pour les autorités. Étant un patriote de la Russie, il ne voulait pas promouvoir des valeurs libérales et critiquait le mode de vie occidental.  

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