Léon Tolstoï se serait intéressé à Internet

Vladimir Tolstoï Crédit : service de presse

Vladimir Tolstoï Crédit : service de presse

La Russie d’Aujourd’hui s’est entretenue avec Vladimir Tolstoï, arrière-arrière-petit-fils de Léon Tolstoï mais aussi directeur du musée du domaine de Iasnaïa Poliana et conseiller du président russe en matière de culture. Nous avons parlé de son célèbre ancêtre et de ses relations avec la culture mondiale, tout en essayant de savoir comment Léon Nikolaïevitch aurait réagi aux derniers événements de l’actualité internationale.

La Russie d'Aujourd'hui : Nous écrivons souvent sur Tolstoï car nos lecteurs l’aiment beaucoup. Ils regrettent même parfois qu’il n’écrivait pas en anglais. Il est connu que Tolstoï parlait parfaitement le français, mais connaissait-il d’autres langues ?

Vladimir Tolstoï : Léon Nikolaïevitch connaissait treize langues avec différents niveaux de maîtrise. Il parlait impeccablement le français et l’allemand. Il maîtrisait assez bien l’anglais, mais aussi d’autres langues moins communes comme le tatar, par exemple, ou quelques langues slaves. Il a étudié et lisait le grec ancien. Il les a toutes apprises de manière autodidacte et avait même sa propre méthode pour étudier les langues.

Bio

Vladimir Tolstoï est un journaliste professionnel diplômé de l’Université d’État de Moscou. Il est depuis déjà vingt ans directeur du musée Iasnaia Poliana, situé au domaine de Léon Tolstoï dans la région de Toula. Depuis 2012, il travaille en tant que conseiller du président en matière de culture. Expert de Léon Tolstoï, il a été consultant sur le film Tolstoï, le dernier automne (The Last Station, 2009) de Michael Hoffman, nominé aux Oscars.

La bibliothèque de Iasnaïa Poliana (propriété familiale de Léon Tolstoï dans la région de Toula) abrite des livres dans 37 ou même 38 langues, dont beaucoup contiennent les traces de lecture et les annotations de Tolstoï. Il paraît donc évident qu’ils ne sont pas là (et n’étaient pas là durant sa vie) simplement pour décorer. Il lisait ces ouvrages et les utilisait.

Décrivez-nous un peu sa méthode pour étudier les langues ?

V.T.: Il élargissait son lexique grâce aux œuvres littéraires et à ses traductions. C’était sa propre méthode, c’est pourquoi il serait actuellement assez compliqué de l’appliquer. Mais elle fonctionnait pour Tolstoï.

Quelles relations Tolstoï entretenait-il avec l’Occident et les écrivains occidentaux ? Il disait tout de même que « la civilisation européenne menait au précipice »…

V.T.: Il avait un grand respect pour les écrivains et la littérature. Dès sa jeunesse, il s’est passionné pour les idées de Rousseau, et connaissait très bien Voltaire et Montaigne. Dans le domaine des fictions littéraires, il aimait et lisait les œuvres de Jules Verne, tout en mettant un point d’honneur à lire l’Iliade et l’Odyssée dans l’original afin de s’immerger dans le texte, ce qui lui procurait un plaisir colossal. Il commençait ces œuvres de manière plus ou moins indifférente et s’y intéressait au fur et à mesure qu’il comprenait et sentait la langue et le contexte.

Tolstoï était quelqu’un de sensible. Selon vous, qu’aurait-il pensé de la mondialisation, d’Internet et, plus généralement, des événements importants de l’actualité ?

Contexte

Premières lignes du roman Résurrection : « En vain quelques centaines de milliers d’hommes, entassés dans un petit espace, s’efforçaient de mutiler la terre sur laquelle ils vivaient ; en vain ils en écrasaient le sol sous des pierres, afin que rien ne pût y germer ; en vain ils arrachaient jusqu’au moindre brin d’herbe ; en vain ils enfumaient l’air de pétrole et de houille ; en vain ils taillaient les arbres ; en vain ils chassaient les bêtes et les oiseaux : le printemps, même dans la ville, était toujours encore le printemps ».

V.T.: C’est difficile à dire. Il suffit toutefois de lire les premières lignes du roman Résurrection pour comprendre que Tolstoï voyait de manière plutôt négative le progrès pour le progrès, estimant que cette voie ne menait nulle part. C’est pourquoi de nombreuses choses consterneraient certainement Léon Nikolaïevitch aujourd’hui.

Il n’a cependant jamais été un conservateur borné. Il s’intéressait toujours aux nouveautés. L’apparition du cinématographe l’a inspiré car grâce à lui, il aurait pu conserver l’image de sa mère, dont il ne se souvenait pas : elle est décédée lorsqu’il n’avait qu’un an et demi. Tolstoï a directement compris que le cinéma offrait la possibilité de garder sur la pellicule un être vivant, de reproduire son discours et son image.

Je pense qu’il se serait fortement intéressé à Internet. Certains aspects l’auraient probablement excédé et auraient pu le mettre en colère. Je pense néanmoins que la possibilité même de concentrer autant d’informations et de perspectives l’aurait intrigué.

 

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