Olga Sviblova : la vie comme œuvre d’art

Olga Sviblova avoue ne jamais avoir voulu être actrice, c’est le seul métier qui ne l’ait jamais attiré. Crédit : Itar-Tass

Olga Sviblova avoue ne jamais avoir voulu être actrice, c’est le seul métier qui ne l’ait jamais attiré. Crédit : Itar-Tass

Olga Sviblova est la fondatrice du Musée d’art multimédia (MAMM) à Moscou. A 60 ans, elle a plus d’un titre honorifique dans son sac : commissaire d’exposition, membre de l’Académie des Beaux-Arts, chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur, titulaire du prix Mont-Blanc du patronage des Arts et de la Culture 2013.

Le MAMM : son bébé

Aujourd’hui, difficile d’imaginer le paysage culturel moscovite sans le MAMM (Musée d'Art Multimédia de Moscou), ex-Maison de la photographie. Diplômée en psychologie, scénariste et réalisatrice de films documentaires et surtout commissaire d’exposition d’art contemporain, Olga Sviblova affiche près de 2000 expositions à son actif, aussi bien en Russie qu’en Finlande, Suisse, Hollande, Royaume-Uni et France.

« Quand j’ai commencé à travailler à l’ouverture du musée, j’avais conscience que la photographie était une sorte de média. Une œuvre d’art peut être réalisée avec de la peinture mais aussi avec des excréments d’éléphant, comme  le fait Chris Ofili. Le travail d’un grand artiste n’en pâtit pas ».

    Olga Sviblova parle de la « magie » de la photographie, car c’est à la fois de l’art et un témoignage. Même un cliché mis en scène ou travaillé à l’ordinateur sera toujours pour le spectateur le témoignage d’un fragment de réalité.

    « Quand j’ai commencé avec le musée, je savais qu’on se dirigeait vers l’art contemporain et les nouvelles technologies qui ne sont pas simplement un changement de technique mais aussi de conception. A l’époque, dans les années 90, la photo était un support assez populaire, le seul moyen d’attirer un public suffisant. Ensuite, ce public, il a fallu l’éduquer. »

      Olga Sviblova voulait, dans ces années 90, où il était plus question du futur d’une nouvelle Russie, avec ce musée, non seulement faire découvrir au public russe les nouvelles formes d’art, mais aussi l’aider à se réapproprier sa propre histoire. La photo était également le moyen idéal de donner un aperçu du monde, dont l’homo sovieticus n’avait qu’une idée stéréotypée.

      « Certains pensaient que l’occident était le paradis, d’autres que c’était l’enfer. Nous avons montré qu’il était peuplé de gens réels », se remémore Olga.

      Sa collection

      Les travaux de photographes dont le style ou les convictions ne correspondaient pas au « réalisme socialiste » en vigueur étaient menacés. D’ailleurs, souvent, les artistes n’avaient pas d’atelier, il n’y avait pas de place dans les appartements communaux où stocker les archives, et on risquait gros à conserver chez soi les clichés des photographes modernistes « qui discréditaient l’image de l’Union Soviétique ». A la fin des années 90, ces archives photographiques ont commencé à prendre de la valeur et beaucoup d’héritiers et de collectionneurs ont fait confiance à Sviblova et ont soutenu ses projets dans le cadre du nouveau musée de la photo.

      « Les résultats de notre travail en disaient plus que les mots. Je ne suis pas comme un politicien avec toutes ses promesses de campagne électorale, je suis une pragmatique avec de grands rêves. C’est important. On ne peut rien faire sans le rêve et une stratégie de développement efficace », ajoute-t-elle.

        Encore un objectif : réhabiliter la notion d’histoire en Russie, où tant de monument ont été détruits et remplacés par d’autres.

        « A travers la notion de monument authentique, nous voulions montrer à la Russie la variété des visions esthétiques, notamment dans l’art contemporain, raconte Sviblova. Ce que nous avons réussi à faire. »

          Un curateur à l’écoute

          « L’image d’un curateur qui serait démiurge est quelque peu exagérée. Quand je travaille avec un artiste, j’essaie de révéler sa propre voix. Parfois, cela passe par le conflit, dautres fois par une idylle joyeuse. Il faut savoir se taire pour entendre l’artiste. »

            A l’instar du héros de La vie de John Malkovitch, Sviblova penètre dans le cerveau de l’artiste et même dans son « système sanguin », selon sa propre expression.

            Directrice, traductrice, ouvrière et hôtesse

            Depuis 17 ans déjà, le musée occupe le plus clair du temps et des pensées d’Olga Sviblova, mais elle affirme pouvoir se plaindre de tout sauf de la monotonie.

            « Tout tourne plus au moins autour du musée. Même lorsque je suis chargée de monter le pavillon russe à la Biennale de Venise et que l’objectif principal est qu’il tienne droit, je suis consciente que les cinq années passées sur le chantier de notre musée m’ont appris à résoudre des milliers de questions, autant financières, qu’organisationnelles, pratiques. Par exemple, si le personnel de nettoyage se sert de mauvais produits d’entretiens, c’est moi qui vais leur parler ».

              De même, il arrive que Sviblova fasse office d’intérprète pour les fréquents invités français ou encore lors des grosses journées d’inauguration de nouvelles expositions, qu’elle aide au vestiaire.

              La vie sous toutes ses formes

              Olga Sviblova avoue ne jamais avoir voulu être actrice : c’est le seul métier qui ne l’a jamais attirée. Ce qui l’intéresse, c’est la réalité et non sa mise en scène et la pièce qu’elle écrit sans cesse n’est autre que celle de sa vie. Et elle n’a pas peur d’endosser les rôles les plus variés : mannequin pour des défilés ou balayeuse.

              « Pendant six ans, j’ai travaillé comme gardienne d’immeuble et je peux vous dire que je faisais bien mon travail, c’était propre chez moi. »

                Une fois rentrée après la journée de travail, quelle que soit l’heure, elle lit six journaux et quatre revues politiques, deux revues littéraires ou artistiques sans compter les livres. Pas une journée ne se termine sans sa dose de nouvelles et d’articles. Depuis vingt-deux ans, le mois d’août, c’est les vacances : elle rejoint la maison flottante de son mari Olivier Morand au beau milieu d’une nature luxuriante et sauvage : un marais, les oiseaux, les animaux et son potager.

                « J’ai la main verte. Je fais pousser des tomates, des aubergines et des poivrons, tout ce qu’il me faut pour bien vivre. J’aime la vie sous toutes ses formes. » 

                 

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