Marché aux puces : comment dénicher un trésor dans le bric-à-brac

Crédit : RIA Novosti

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Tous les ans, sur la place Tichinskaya à Moscou, se tient une exposition-foire « Le marché aux puces ». Ce projet artistique recrée l’atmosphère des « lieux de force » que sont les brocantes et les Puces.

Crédit photos : Anton Agarkov

Avant la guerre, il y avait ici l’un des plus grands marchés de la capitale. Dans les années 60-90, la place Tichinskaya est devenue un lieu de pèlerinage pour la jeunesse dans le vent. On pouvait y trouver les choses les plus originales pour trois fois rien. Dans un contexte de déficit et de difficultés généralisés, c’était La Mecque des fashionista de l’époque. L’un des clients les plus célèbres de la « Tichinka » a été l’artiste et couturier Alexandre Petlioura, le fondateur des squats artistiques à Moscou dans les années 90 et un fan de vieilleries par vocation. Sa renommée tient surtout à une collection impressionnante de raretés, trouvés dans les décharges et les marchés aux puces. Sur la Tichinka, il était un chouchou des babouchkas locales qui lui mettaient de côté leurs trésors. Aujourd’hui, une foire annuelle rappelle la fameuse brocante, qui a cédé la place à un centre commercial moderne.

Il reste encore, toutefois, des lieux plus ou moins authentiques. Il existe à ce jour à Saint-Pétersbourg un endroit qui s’appelle « Oudelnaya », considéré comme le plus important marché aux puces du pays. Le troc semi-clandestin à Moscou a longtemps eu lieu sur le quai d’une ligne train de banlieue, « Mark ». C’était un endroit vrai, hardcore. Une expédition au « Mark » n’était pas pour les faiblards. Il fallait d’abord y arriver en train de banlieue, puis s’aventurer dans les allées commerciales qui s’étiraient sur plusieurs kilomètres à partir du quai. Personne ne parlait anglais, les objets étaient disposés à même le sol sur du papier journal ou des chiffons, la plupart de vendeurs ressemblaient aux personnages des Bas-fonds de Gorki. Mais pour 30 roubles, on pouvait s’y procurer un assortiment étonnant composé d’une ombrelle en toile, une minuscule cuillère à café, un calot en lin brodé d’un petit avion et un pin’s coréen qui s’allume. En 2010, le marché a déménagé sur une autre plateforme, sur la ligne de Saint-Pétersbourg, et a pris une forme plus civilisée. Il est toujours considéré comme la plus authentique des brocantes, malgré les rumeurs récurrentes sur sa fermeture.

Certains marchés, civilisés et faciles d’accès, sont activement soutenus par les autorités de la capitale. C’est une sorte de compromis qui rassemble de pauvres retraités vendant leurs effets personnels et des marchands d’antiquités. L’un de ces marchés se trouve au nord-est de Moscou, à Izmaïlovo. Sous l’enseigne « Vernissage » commence un boulevard qui mène aux coupoles multicolores du kremlin d’Izmaïlovo. Ce château de pierre blanche qui rappelle le Kremlin de la place Rouge accueille un bazar imposant de toutes sortes d’objets. On y trouve aussi des cafés, un stand de tir, une savonnerie, un clocher et un grand nombre de musées – du pain et du jouet russe, de la vodka et de la marine…

Le commerce commence dès l’entrée où des mémés dégourdies proposent de vielles fourchettes et cuillères, des magazines de l’année dernière. La surpaye sur leur petite retraite est garantie. Un homme demande à l’une des vendeuses le prix d’une boite de fer-blanc décorée d’un esturgeon (avant, ces conserves étaient remplies de caviar). 300 roubles. La mémé, dans ses petits souliers, ajoute : « ça date des années 50 ! » À côté, une jeune femme en bottes de caoutchouc et blouson fluo hurle dans son iPhone : « J’ai acheté un super phonographe ! Il marche ! »

Indéniablement, c’est ici qu’il faut venir acheter des souvenirs. Avec une approche méthodique, sans se jeter sur la première matriochka kitsch venue, on peut trouver des choses réellement originales, rares et précieuses. Il faudra toutefois mettre la main au porte-monnaie. Les vendeurs font leur argent sur les touristes, les prix sont donc relativement élevés. En revanche, tout le monde est très aimable avec les étrangers et de nombreux commerçants sont prêts à s’exprimer dans la langue de Shakespeare.

Dans le magasin « Aviator », on peut acheter des  montres d’aviateur de marques célèbres comme « Polet » et « Bouran », pour 4000 roubles en moyenne (92 euros). Et quelques mètres plus loin, vous allez tomber sur les mêmes montres, anciennes, celles-là, avec une histoire, datant des années 40 et pour deux fois moins cher. Le vendeur vous expliquera qu’il collabore avec des collectionneurs. Toutes les montres fonctionnent, certaines sont fabriquées à partir de modèles ancien, certaines n’ont jamais été utilisées.

Le week-end, le choix est très grand, surtout le matin. En semaine, seulement deux rangées sont ouvertes. Les comptoirs en bois sculpté dans un style slave créent l’atmosphère d’une véritable foire russe. Tout l’artisanat national est représenté ici : dentelle, châles, foulards fleuris, céramique, fer forgé, cuir, peaux d’animaux sauvages, ambre, cristal… Certaines allées sont thématisées : « la rue des métiers », « l’allée de la peintures », « la rangée des icônes »…

L’histoire du pays est déballée sur les étalages : uniformes militaires, habits de plongeurs, bustes de Lénine (le plus petit coute dans les 1000 roubles (22 euros). Même les cigarettes soviétiques « Belomor » que l’on trouve encore dans quelques magasins pour trois kopeks, coûtent ici 350 roubles (8 euros) : un vieux paquet froissé devenu un objet rare.

Parmi les vendeurs, beaucoup sont des collectionneurs. Un monsieur de 50 ans présente son immense étalage d’insignes : « ça c’est 20% de ce que je possède. Je collectionne les insignes depuis l’âge de 20 ans et je connais bien sûr beaucoup d’autres collectionneurs. Impossible de survivre seul, il faut sans cesse procéder à des échanges. Ces petits avions sont modernes, sur commande, ils coutent 500-700 roubles, et sont très prisés. Cette chouette et cet insigne qui ressemble à un Batman, ce sont des emblèmes de différentes sections d’espionnage. La symbolique sportive se vend bien aujourd’hui, il y a un match ce soir, les supporters sont venus acheter des souvenirs… »

Tout n’est pas ancien, loin s’en faut. Souvent, il s’agit de stylisation : des artisans fabriquent de la vaisselle à l’ancienne, dans le style slave. Une dame à l’air aristocratique, les mains couvertes de bagues, discute avec un vendeur :

- Si au moins cela avait été fabriqué par des artisans contemporains dans des villages, comme Fedoskino, ça aurait de la valeur ! Mais les villages russes ont été détruits, et les métiers avec, et l’âme russe !

- Madame, on ne peut pas ressusciter le passé ! Vous avez entendu parler de la peintre Galina Maslennikova ? Elle n’arrêtait pas de ressusciter les métiers dans son village. Tout le monde était sollicité. Et comment ça a fini ? Des banquets à la vodka ! Le voilà votre art !

Non loin de là on peut acheter de jolies broches délicatement peintes à la main dans le fameux village de Fedoskino, célèbre pour son école de miniature. Celui qui cherche trouve toujours.

 

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