Une habitation médiévale reconstituée selon les résultats des fouilles archéologiques est située à seulement 45 kilomètres de Moscou. Crédit : Dmitri Vinogradov/RIA Novosti
Gadgets et outils du IX siècle
La veille du début de l’expérience, Pavel trie les objets modernes dont il n’aura pas besoin pendant les six prochains mois. Son iPad et son iPhone, ainsi que le ruban adhésif ou les allumettes. Pour faire ce voyage « dans le passé », il a besoin d’outils du IX siècle : un silex et un briquet médiéval pour allumer le feu, une fibule, une peigne qui lui servira, comme Pavel le répète à plusieurs reprises, à enlever des poux, des pierres à aiguiser, des anciens ciseaux à ressort, un peu de cire pour poisser des fils (ce qui permet de coudre le cuir plus facilement) et « l’outil le plus important qui est la hache ». « On peut tout faire avec une hache. Et s’il y a une chose qu’on ne peut pas fabriquer avec une hache, l’hache permet de fabriquer l’outil pour la faire », explique Pavel.
« Il y a beaucoup d’objets dons la forme ne change pas depuis des siècles, dit Pavel en contemplant la hache. Nos ancêtres ont pu créer la forme idéale ». Pavel aligne tous ses « gadgets » sauf la hache sur sa ceinture en cuire qu’il met autour de sa taille. Car à cette époque, même les poches n’existaient pas.
Il est temps de faire le feu. Pavel prend le silex et le briquet qu’il place au-dessus d’un amadou, un fragment de tissu carbonisé qui s’embrase facilement d’une étincelle. Il frappe le briquet contre le silex pendant un moment, mais n’arrive pas à allumer l’amadou. Il peut encore tricher pendant son dernier jour avant l’expérience, il utilise donc son briquet moderne en cachette. Mais demain il sera privé de ce briquet.
Vivre sans le maïs, les pommes de terre et les tomates
Une habitation médiévale reconstituée selon les résultats des fouilles archéologiques est située à seulement 45 kilomètres de Moscou, près de l’autoroute de Iaroslavl toujours très animée. Dans sa cour, on peut voir des chèvres et des poules, ainsi qu’un géant à la barbe rousse vêtu d’une chemise à l’ancienne et chaussé de bottes en cuire. Il essaie de faire du feu.
Il s’appelle Pavel Sapojnikov et il est le héros principal de l’expérience. Pendant six mois, il vivra tout seul dans une ferme reconstituée selon les données des fouilles archéologiques et qu’on pouvait voir à Novgorod au IX siècle. Il mangera comme on le faisait il y a mille ans et survivra à l’hiver russe sans le chauffage central.
Au milieu de la ferme se trouve une longue maison de trois pièces. Au centre de la maison – la pièce habitée avec un petit four. Au lieu d’un lit familier on peut trouver un banc couvert de peaux. Au plafond sont attachés des poissons et des champignons séchés, dans le coin se trouvent des cuves remplies d’airelles rouges et de lard. Le poisson sent très fort, mais les organisateurs sont persuadés qu’il doit rester au chaud. Il y a aussi une grange remplie actuellement de toute sorte de céréales connues en Europe au IX siècle. Par exemple, ici vous ne trouverez pas de maïs, il sera découvert par Colomb en même temps que l’Amérique. C’est-à-dire dans 500 ans.
La dernière pièce de la maison sert d’étable pour les chèvres et les poules. Au début, les organisateurs ont fourni à Sapojnikov des produits et des animaux. Il pourra d’ailleurs chasser des lièvres et des renards dans les forêts avoisinantes. La seule condition : il devra utiliser les outils d’antant, par exemple, les collets.
« Nous nous sommes intéressées de voir comment la personne pourra survivre l’entre-saisons, c’est-à-dire, l’automne et l’hiver, quand la nourriture devient rare, les stocks diminuent et les journées sont courtes », explique l’auteur du projet Alexeï Ovtcharenko. Le projet doit durer jusqu’au 22 mars, le jour de l’équinoxe et du début de l’année selon le calendrier slave.
Mais plus que le froid Pavel craint la faim informatique : il a peur de manquer les livres, les journaux et l’internet.
Comment une chèvre peut survivre sans les aliments composés
On observe non seulement Pavel Sapojnikov, mais aussi les bottes en cuir qu’il porte, car un des objectifs de cette expérience est de déterminer leur durée de vie. Les participants du projet parlent de l’archéologie expérimentale. Les organisateurs expliquent : « Nous voulons vérifier plusieurs détails du quotidien : à quelle fréquence faut-il raccommoder les chaussettes en laine ? Pendant combien de temps peut-on se servir de skis et de couteaux ? Est-ce que le toit couvert de peaux est solide ? »
Ils observent d’ailleurs les animaux de la ferme. A leur arrivée, les chèvres donnaient un litre et demi de lait par jour. Aujourd’hui, sans les aliments composés et sans antibiotiques, leur productivité est réduite de moitié. « Nous voulons observer le changement de productivité des chèvres et de taille des œufs. Est-ce que les chèvres et les poules de la prochaine génération seront plus petites que maintenant ? De quelle manière elles seront influencées par le pâturage en plein air et le manque de produits chimiques dans leur nourriture ? » continue Ovtcharenko.
L’expérience touche aussi aux aspects sociaux et psychologiques. Les organisateurs se préoccupent de l’influence de la vie solitaire sur la personne. « Nous avons intentionnellement envoyé Pavel tout seul « dans le passé ». Ainsi, nous pourrons atteindre un plus grand niveau d’immersion et de rupture avec les réalités d’aujourd’hui, dit Ovtcharenko. Envoyé en tandem, les participants auraient involontairement parlé de sujets d’actualité ».
Suite logique de la reconstitution
Pavel n’est pas diplômé. Après avoir terminé sa quatrième année dans le domaine de la médecine de catastrophe, il a quitté l’université pour consacrer son temps à la reconstitution historique qui est devenue son métier. Ses proches approuvent ce choix. Sa fiancée Irina l’aide à aménager la ferme. Elle était prête à passer cette « frontière » historique avec Pavel, mais les organisateurs de l’expérience ont décidé autrement.
La mère de Pavel qui, elle aussi, s’appelle Irina, dit : « L’homme doit choisir son chemin. Ici, il sera plus en sécurité qu’à Moscou. Et je ne suis pas d’accord que ce soient six mois perdus. Après tout, il n’y a pas de limite d’âge pour finir les études et faire sa carrière ». Elle n’a pas peur que son fils « dans la force de l’âge » se condamne à une réclusion volontaire.
C’est une expérience difficile, mais l’état de Pavel sera suivi en permanence. Il sera observé par le chroniqueur spécial qui se trouvera derrière la haie et dont tout contact lui sera interdit. Une fois par mois, Pavel recevra des visites d’un médecin et d’un psychologue qui vérifieront son état. Bien sûr, ses proches viendront le voir le même jour. Pendant le reste du temps, ils pourront recevoir ses nouvelles grâce à son blog et aux messages du chroniqueur. En outre, les organisateurs comptent tourner un film sur cette expérience. Le budget total de l’expérience, selon eux, est de 2 millions de roubles (46,5 mille euros, ndt).
Article original publié sur le site de RIA Novosti
Cet article vous a intéressé ? Nous attendons vos questions et réactions ci-dessous ou sur notre page Facebook
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.