Récits d’enfants du siècle

Les confessions et témoignages d’enfants du siècle de Russie, pour reprendre la formule d’Alfred de Musset, sont maintenant accessibles au public francophone grâce à une nouvelle collection des éditions de l’Aube, qui reprend les très jeunes auteurs russophones récompensés par le prix littéraire Début, né avec le siècle.

Crédit : Dimitri de Kochko

Ce prix récompense de jeunes auteurs russes, tous âgés de moins de 25 ans et donc ayant tous grandi après l’ère soviétique mais dans le tourment des années 90 et le triomphe ultra-libéral de la mondialisation. D’où tant de similitudes avec notre jeunesse dans les désenchantements, les frustrations et l’absence de perspectives dans une société ressentie comme hostile par ceux dont ces jeunes auteurs sont les porte-paroles. Mais avec la Russie en plus.

Ils sont tous très jeunes, la sérénité et le relatif ne sont pas de leur âge. Et comme beaucoup de gens de la génération de leurs parents ont aussi eu du mal à retrouver des repères après la fin des certitudes et de la sécurité soviétiques, les interrogations propres aux nouvelles générations partout dans le monde sont plus intenses encore. C’est leur génération qui a vu arriver les signes extérieurs de la société de consommation dans leur pays et des réflexions presque soixante-huitardes se retrouvent dans plusieurs écrits quand les narrateurs s’irritent contre les pubs, la télé, les feuilletons, les vendeurs…

Le narcissisme de l’âge et de la première œuvre est souvent là mais ils sont déjà de vrais écrivains : des personnages prennent de l’épaisseur, le fantastique et l’allégorie sont maitrisés, les choix de société sont abordés.

Ainsi la daghestanaise Alissa Ganieva, journaliste littéraire, dans Salam, Dalgat !, campe un narrateur dans sa république caucasienne où la guerre et l’extrémisme religieux ajoute aux incertitudes que connait la génération Début dans les autres régions de Russie et du monde. L’enfant perdu d’Anna Lavrinenko, juriste de Iaroslavl, fait dans l’allégorie en imaginant un enfant « perdu » par sa mère dans un aéroport, pour toujours… mais à trente ans, il claque la porte de chez lui avec les clefs à l’intérieur et erre en ville : « essayant de comprendre où était ma place dans la vie »  jusqu’à comprendre que « ce que je voulais ne se réaliserait jamais car je voulais l’impossible ». Le fantastique, si présent dans la littérature russe, est  choisi par le jeune médecin de Novgorod, Alexeï Oline dans La Machine de la mémoire, qui sort de son ordinateur et de ses bouquins pour tomber amoureux fou, au sens propre, d’une Diane qui l’entraine dans des réalités si diverses qu’elles semblent irréelles. C’est la fuite devant l’avenir en autostop sur l’interminable route russe que choisit dans la ville blême, Igor Savelev, qui a étudié la littérature dans sa ville d’Oufa, dans l’Oural bachkire, où il choisit de regrouper ses personnages routards. Enfin, Victoria Chikarneeva, voit un enfer d’adolescente dans « la vie quotidienne » de la province russe à laquelle elle veut échapper à tout prix. Par exemple en partant avec Igor Savelev et avec Les Russes à la conquête de Mars, qui pousse décidément ses voyages toujours plus loin.

Au total, les éditions de l’Aube publient sept titres dans cette série joliment éditée : L’enfant perdu de Anna Lavrinenko, traduit du russe par Joëlle Dublanchet,  La machine de la mémoire de Alexeï Oline Traduit par Joëlle Dublanchet, Salam Dalgat ! de Alissa Ganieva, traduit par Joëlle Dublanchet, La ville blême d’Igor Saveliev Traduit par Irène Sokologorsky et Claude Frioux, Bye Bye Vichniovka de Victoria Tchikarnieeva, traduit par Christine Mestre, et enfin Les Russes à la conquête de Mars de Igor Saveliev, traduit par Marie-Noëlle Pane, à paraître en novembre.

 

 

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