Oscar Rabin et ses « images clandestines » au Musée d'Art Multimédia

Le 18 juin au Musée d'Art Multimédia, s'ouvre une exposition Oscar Rabine, un peintre russe vivant à Paris et l'un des soviétiques non conformistes les plus connus. L'exposition marque le 85e anniversaire de l'artiste.

La reconnaissance de l'œuvre de Rabin en Occident est arrivée rapidement, la première exposition de l'artiste a eu lieu à Londres en 1965. Cela en partie grâce à son parcours de vie, en partie grâce à son art, l'un comme l'autre alternatifs.

Rabin appartenait à cette époque à « l'école Lianozov », un groupe d'expérimentateurs avant-gardistes, auquel appartenaient également Vladimir Nemoukhine, Evgueny Kropivnitski, les poètes Vsevolod Nekrasov, Igor Choline et le jeune Edouard Limonov.

En 1970, il devient le leader de l'art alternatif soviétique et organise « l'exposition bulldozer », une tentative d'artistes underground d'exposer leur travail librement et sans censure. La tentative a échoué et l'exposition fût détruite.

Une demi-heure après le début de l'exposition sur un terrain vague où elle devait se tenir, des bulldozers, des lances à eau, des camions à benne et une centaine de policiers en civil furent envoyés et commencèrent à restreindre l'accès des artistes et du public. Certains des tableaux furent confisqués.

Les policiers cassèrent des tableaux, tabassèrent et arrêtèrent les peintres, les spectateurs et les journalistes étrangers. Oscar Rabin s'accrocha à la benne du bulldozer qui le traina à travers toute l'exposition...

Rabin travaille avec les schémas les plus typiques de la peinture, comme des représentations de paysages ou de natures mortes. Les lignes brisées expressives, les contours noirs, le coloris sombre et sans lumière... Rabin créé ainsi de poignants symboles du mode de vie existentiel soviétique, toute cette vie misérable dans des baraques en bois qui lui était familière.

Des harengs sur un journal, des bouteilles de vodka, un tapis à l'image de Staline, des lampes à pétrole, des mégots de cigarettes, des choses inhabituelles, des objets du quotidien rassemblés comme par hasard et parlant d'une réalité plus proche du sombre Manuscrit du souterrain de Dostoïevski, que de l'optimisme officiel du réalisme socialiste.

Sous Brejnev tout cela a été considéré comme une rébellion, une résistance artistique à la construction soviétique. En 1978, par un décret spécial du Présidium du Soviet Suprême de l'URSS, Rabin fût déchu de la citoyenneté soviétique et expulsé à l'étranger. Il s'est finalement installé à Paris.

C'est seulement dans les années 2000 que son travail a commencé à revenir en Russie. Aujourd'hui les « images » de Rabin, comme ils les appellent, sont rassemblées dans les collections de la Galerie Tretiakov et du musée russe. Et cette année l'artiste a été décoré par l'Académie russe des arts, « Pour le service de l'art ».

Sa reconnaissance tardive est triste et son attitude envers la patrie irrévocablement perdue s'est manifestée dans un triptyque en 2006 représentant des images de passeports : l'un soviétique, l'autre français et le nouveau passeport russe. Sous le passeport russe le fond reste flou : l'avenir est incertain.

L'exposition se tiendra jusqu'au 8 septembre.

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