Près de 50 langues coexistent sur le territoire du Daghestan. Sur la photo, un habitant de la région de Botlikh. Crédit : Sergueï Piatakov/RIA Novosti
La langue russe est promue à un bel avenir. Elle fait l’objet d’études poussées, même à l’étranger, elle est en constante évolution. Il en est de même pour les langues des grands peuples autochtones comme les Tatars, Bachkirs, Tchouvaches et Ïakoutes (langues turques). En effet, les 500 000 Ïakoutes dispersés sur 3 millions de km², la plus vaste république russe, n’ont rien à craindre pour leur langue. Ils ont des écoles et des instituts en ïakoute, des livres, la presse, des organismes culturels en ïakoute. Leur langue fait l’objet de recherches ethnographiques et linguistiques.
En revanche, les langues des petits peuples indigènes sont en réel danger. Partout dans le monde, elles tendent à disparaître. Et souvent, ce n’est pas la faute de la bureaucratie ou de patriotes acharnés mais tout simplement des conditions naturelles, de l’environnement.
Une grande partie de la Russie prépolaire est couverte par la toundra ou la taïga, aussi impraticables que la jungle amazonienne, avec le froid en plus. C’est sur ces territoires immenses et inhospitaliers que sont dispersés des peuples nomades, des saamis aux peuples du Baïkal, vivant dans des conditions très rudes, luttant pour leur survie et incapables de vivre en ville à cause de leur régime alimentaire inadapté, de leur vulnérabilité à l’alcool et aux virus. Tels sont les porteurs de ces précieuses langues non écrites.
Les langues peuvent disparaître aussi autrement : par l’assimilation, quand les peuples autochtones sont « récupérés » par les grandes villes. C’est le destin des dialectes caréliens (les Caréliens regroupent les peuples finno-ougriens et les descendants orthodoxes de la Finlande actuelle, exilés en Russie à cause des persécutions religieuses au siècle dernier). Les derniers Caréliens de Valdaï (ville touristique située entre Moscou et Saint-Pétersbourg), ont été recensés comme Russes en 1897. Ils avaient déjà perdu leur dialecte depuis longtemps.
L’Etat tente de préserver les peuples autochtones nordiques, sibériens et extrême-orientaux : les jeunes sont exemptés de service militaire, les pêcheurs et chasseurs exonérés d’impôts. Mais il y a d’autres cas où les représentants de langues non écrites sont victimes d’abus. Au Daghestan, par exemple, dans le Caucase du Nord, région riche en dialectes surnommée « la montagne de langues », où près de 50 langues coexistent sur un même territoire. Selon la Constitution de cette république instable, souffrant du terrorisme et du chômage, toutes les langues sont reconnues officiellement, mais seulement 14 d’entreelles sont écrites et sont des langues vivantes. Les porteurs des autres dialectes (habitant les petits villages) sont souvent assimilés aux autres populations plus importantes (les Avaretz) et ainsi ne bénéficient pas du soutien sous forme d’aides.
Le linguicide (acte de tuer la langue) ne se fait pas ouvertement. Les scientifiques peuvent continuer à étudier ces langues, publier des manuels et travailler sur l’écriture. Le linguicide se fait d’une manière larvée. Prenons l’exemple du botlikh. Malgré toutes les manifestations et pétitions faites par le peuple du village Botlikh pour affirmer leur identité culturelle et faire vivre leur langue du groupe avaro-andi de la famille des nakho-daghestaniennes, ils continuent d’être recensés comme Avaretz. Et ce depuis l’URSS des années 20, où le commissaire aux Nationalités était Staline en personne. Résultat : seuls deux cents Botlikhs sur 6000 ont réussi à conserver leur langue d’origine.
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