Pour le 75ème anniversaire de Vladimir Vyssotski, son fils Nikita a réuni un gratin d’artistes de renom pour chanter, dire et faire revivre l’art de son père. Crédit : Benjamin Hutter
« Quand on demandait à mon père quel était son plus fort désir, il répondait toujours : je veux qu’on se souvienne de moi ». Nikita Vyssotski n’a pas beaucoup connu son géniteur, divorcé puis remarié en 1969 avec la Française Marina Vlady. Mais il a suivi sa volonté à la lettre : pour son 75ème anniversaire, Nikita a réuni un gratin d’artistes de renom pour chanter, dire et faire revivre l’art de Vyssotski le 19 janvier sur la scène du Crocus City Hall .
Sur le grand écran qui surmonte la scène, Vladimir Vyssotski parle. De son timbre hors-norme d’abord : « A six ans, quand je récitais des vers, les amis de mes parents disaient que j’avais une vraie voix d’alcoolique. Ça a toujours été comme ça, je n’ai rien forcé. Les plagieurs ont eu la tâche un peu plus compliquée... ». Il évoque aussi son premier enregistrement, alors qu’il était encore acteur au théâtre de la Taganka à Moscou : « J’étais chez des amis artistes et l’un d’eux a voulu m’enregistrer. On l’a fait. Puis la cassette a circulé ». En Union soviétique, ses chansons ne seront jamais autorisées et Vyssotski ne sera officiellement reconnu que comme acteur de théâtre et de cinéma.
Sur les planches, il révolutionnera Hamlet de Shakespeare en pullover et marquera les esprits sur grand écran avec Impossible de changer le lieu d’un rendez-vous (1979).
« Chaque chanson est une pièce de théâtre »
Vladimir Chakhrine, leader du groupe Tchaif, n’a pas découvert Vyssotski par les cassettes clandestines : son père lui a appris la guitare avec les morceaux du chanteur quand il était enfant. Crédit : Benjamin Hutter
Ses disques ne peuvent pas être enregistrés légalement ? Qu’importe. « Même si aucune affiche ne circulait, tout le monde savait où et quand se déroulerait son prochain concert clandestin », raconte l’acteur Sergueï Bezroukov, qui l’a incarné dans le film Vyssotski, merci d’être vivant (2011).
Vladimir Chakhrine, leader du groupe Tchaif, n’a pas découvert Vyssotski par les cassettes clandestines : son père lui a appris la guitare avec les morceaux du chanteur quand il était enfant, livre-t-il à La Russie d’Aujourd’hui. En 2013, Vladimir Chakhrine aura 54 ans et son groupe remplit des stades.
« Chacune de ses chansons est comme une pièce de théâtre : une tranche de dramaturgie que l’on peut relire, encore et encore, en y trouvant toujours de nouvelles sensations, une nouvelle signification », note Vladimir Chakrine.
« Le premier rockeur russe »
Elena Kambourova, fondatrice du Théâtre de musique et de poésie à Moscou, interprète un répertoire composé des chansons de Vyssotski et de Jacques Brel. Crédit : Benjamin Hutter
Jeune adulte, le leader de Tchaïf participait à la construction d’un nouveau quartier à Ekaterinbourg. Le principe : une fois les travaux achevés, il pourrait vivre dans l’un de ces appartements. « Avec des amis, nous avons milité pour que notre rue porte le nom de Vyssotski et nous avons réussi ! J’étais très fier d’avoir un passeport avec cette adresse... », sourit-il. Et de conclure : « L’Europe a eu sa Beatlemania. A cette époque, nous n’avions pas les Beatles, mais Vyssotski ».
Ilya « Tchiort » (le diable) Knabengof, leader du groupe Pilot, n’a pas connu cette période. Pour lui, l’héritage de Vyssotski est pourtant majeur : « Par son attitude et ses textes profonds, intellectuels, il a créé le rock russe tel qu’il existe aujourd’hui. Vyssotski est le premier rockeur de Russie ».
Malgré la force de son héritage, certains considèrent qu’aucun artiste n’arrive aujourd’hui à sa hauteur. « La chanson russe souffre d’un grand vide. Les gens perdent leur temps à essayer de redire ce que Vyssotski a déjà crié haut et fort », constate la chanteuse Elena Kambourova, fondatrice du Théâtre de musique et de poésie à Moscou. Sur scène, elle interprète un répertoire composé des chansons de Vyssotski et de Jacques Brel, qu’elle considère comme son frère spirituel.
Dans le public aussi la relève était assurée : les têtes grises, pourtant contemportaines du chanteur, se comptaient sur les doigts de la main. Pour ce jubilé, les milliers de Moscovites présents ont offert à Vyssotski ce qu’il désirait par dessus tout de son vivant : l’immortalité.
Vladimir Vyssotski est né à Moscou en 1938. En 1955, il a abandonné ses études dès sa première année à l’Institut d’ingénieur et de construction pour entrer à l’école du Théâtre académique artistique de Moscou. Au début des années soixante, il a sorti ses premières chansons qui, plus tard, seront écoutées dans toutes les maisons soviétiques. En 1964, Vyssotski est entré au théâtre de la Taganka où il a travaillé jusqu’à sa mort. Il a également joué dans quelques séries télévisées et films cultes comme Impossible de changer le lieu d’un rendez-vous (1979) ou Les petites tragédies (?). Le 25 juillet 1980, Vyssotski s’est éteint dans son sommeil succombant probablement à un infarctus dû à sa dépendance à l’alcool et à la morphine.
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