Poutine hausse le ton face au bouclier antimissile américain

Le président russe Vladimir Poutine répond aux questions d'un journaliste de la chaîne de télévision Rossia 1 le 10 octobre 2015 à Sotchi.

Le président russe Vladimir Poutine répond aux questions d'un journaliste de la chaîne de télévision Rossia 1 le 10 octobre 2015 à Sotchi.

Reuters
En réaction au déploiement du bouclier antimissile américain, Moscou concevra des armements de frappe capables de vaincre n’importe quelle défense antimissile, a déclaré le président russe Vladimir Poutine, en affirmant une nouvelle fois que le système américain était avant tout orienté contre la Russie.

Le 10 novembre, lors d’une réunion consacrée au développement du secteur militaro-industriel, Vladimir Poutine a indiqué que les Etats-Unis et leurs alliés continuaient d’élargir leur bouclier antimissile, dont l’objectif réel était de neutraliser le potentiel nucléaire de la Russie. « Nous avons déclaré à plusieurs reprises que la Russie prendrait les mesures nécessaires pour renforcer le potentiel de ses forces nucléaires stratégiques », a-t-il fait remarquer.

En effet, la direction russe souligne depuis plusieurs années – plus précisément depuis 2001, lorsque les Etats-Unis se sont unilatéralement retirés du Traité ABM signé en 1972 – la nécessité de développer les forces stratégiques en réaction au déploiement du bouclier antimissile américain. Dans le même temps, Moscou a toujours affirmé qu’une course aux armements et une confrontation intégrale avec l’Occident n’étaient pas souhaitables. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, a lui aussi noté dans une interview exclusive accordée à Rossiyskaya Gazeta le 11 novembre qu’il était indispensable d’éviter la confrontation militaire. « Notre Terre a vécu deux guerres mondiales. Il est évident que rien de tel ne doit être envisagé même en pensées », a-t-il affirmé.

Les experts estiment que ces déclarations de Vladimir Poutine n’auront pas d’influence sur les relations russo-américaines qui traversent actuellement leur période la plus tendue depuis la fin de la guerre froide. Selon Vassili Beloziorov, chef de l’Association des politologues militaires, les propos du président russe visent à affirmer le statu quo existant et l’aspiration de Moscou à préserver une parité stratégique avec Washington.

Missiles Yars et Boulava

Toujours d’après l’homme fort du Kremlin, l’industrie russe de défense a conçu et testé avec succès au cours des trois dernières années plusieurs systèmes sophistiqués d’armements capables d’accomplir des missions dans les conditions d’un système échelonné de défense antimissile. Les experts interrogés par RBTH n’ont pas pu préciser de quelles armes concrètes parlait Vladimir Poutine, en invoquant notamment le secret des études. Toutefois, ils ont rappelé les systèmes adoptés ces dernières années par l’armée, systèmes capables de franchir la défense antimissile la plus sophistiquée.

Il s’agit avant tout des missiles balistiques intercontinentaux basés au sol RS 24 Yars. Les troupes de missiles stratégiques se dotent rapidement de ces engins. Selon les prévisions, dans cinq ans, les Yars, capables de franchir les boucliers antimissiles tant existants qu’en voie d’élaboration, constitueront la charpente du groupe nucléaire russe basé au sol. A la différence de son prédécesseur, Topol M, Yars est doté de trois ogives et non d’une seule. En outre, Yars est moins vulnérable face aux systèmes antimissiles, car il accélère plus vite et ses ogives guidées indépendamment peuvent manœuvrer à l’étape finale du vol.

Boulava, un missile basé en mer, peut lui aussi « percer » les systèmes de défense antimissile. Il est doté de dix ogives nucléaires hypersoniques à visée indépendante capables de modifier l’altitude et la destination de leur vol. Malgré les échecs des premiers essais, Boulava s’est « réhabilité » par la suite.

Konstantin Bogdanov, expert militaire indépendant, indique que pour franchir la défense antimissile, il est également possible d’avoir recours au système Iskander M, dont les missiles peuvent être dotés d’ogives nucléaires, ainsi qu’aux nouveaux missiles de croisière Kalibr, dont les performances ont été testées pendant un tir récent depuis des bâtiments russes en mer Caspienne.

Les ressources nécessaires seront débloquées

Pour ce qui est du potentiel nucléaire de dissuasion, la Russie finance énergiquement les études prometteuses. Le pays met au point depuis plusieurs années le nouveau missile lourd à propergol liquide Sarmat, censé remplacer d’ici quelques années le missile R 36M, appelé Satan en Occident pour sa capacité destructrice.

Au cours de cette réunion du secteur militaro-industriel, les caméras ont pris dans leur objectif un plan secret tenu par un participant à la rencontre. Le document porte sur la conception et des délais de mise au point d’un nouveau système polyvalent baptisé Status 6. D’après Konstantin Bogdanov, il pourrait s’agir de torpilles à charge nucléaire lancées par des sous-marins. Pour lui, cette image n’a pas été diffusée par erreur, comme l’affirment certains : les autorités voulaient sciemment montrer la présence d’études dans ce domaine.

Dans ce contexte, ajoutent les experts, la crise qui a d’ores et déjà malmené l’économie russe ne devrait sans doute pas entraver la création de nouvelles armes pour les forces nucléaires stratégiques et ni empêcher les troupes de missiles stratégiques de se doter d’armements sophistiqués. « Les forces nucléaires stratégiques sont l’une des priorités absolues. Maintenir la stabilité stratégique est un devoir évident du ministère de la Défense et du gouvernement », a déclaré à RBTH Prokhor Trébine, expert du Conseil des affaires internationales de Russie, qui estime que les ressources nécessaires à ces programmes seront trouvées en toutes circonstances.

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