La Russie s’élève contre l’adoption hâtive d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU sur la création d’un tribunal chargé de juger les responsables du crash du vol MH17 en juillet 2014. « Si elle [la proposition] est soumise au vote, j’estime qu’elle n’a aucune chance d’être adoptée », a déclaré l’ambassadeur de Russie aux Nations unies, Vitali Tchourkine. La position de Moscou a suscité de vives critiques, certains ayant même accusé la Russie de vouloir esquiver toute responsabilité.
Moscou ne s’oppose pas à l’idée de juger les coupables. La preuve : il y a un an, elle a soutenu la résolution 2166 qui exige d’organiser une enquête minutieuse et indépendante. Toutefois, elle soupçonne la présence d’un « jeu politique teinté de propagande » visant à forcer la main du Conseil de sécurité et insiste sur le fait qu’il s’agit d’un crime ordinaire, qui ne nécessite pas la mise en place d’un tribunal international en arguant d’une « menace pour la paix et la sécurité internationales ». « La Malaisie et les autres pays reconnaissent que c’est un délit pénal. Or, le Conseil de sécurité n’a jamais pris de décision dans des enquêtes sur des délits pénaux », a expliqué Vitali Tchourkine.
Selon les officiels russes, ce n’est pas la première fois qu’un avion civil est abattu, mais jamais l’ONU n’avait par le passé créé de tribunal spécial. « Si un tribunal international est mis en place, il doit enquêter sur tous les cas où l’emploi d’armes a provoqué la destruction d’un avion civil. Tout le monde sait parfaitement qui a abattu l’appareil de la compagnie Sibir et l’avion iranien », a affirmé pour sa part Alexeï Pouchkov, président de la commission des affaires internationales de la Douma. En qualité d’exemples, il a cité l’appareil civil iranien abattu en 1988 par les forces armées américaines et l’avion russe anéanti en 2001 par les militaires ukrainiens.
L’enquête sur le drame du Boeing malaisien est politisée, constatent certains experts. « Un accident ou la destruction d’un avion ne mettent pas en danger la paix ni la sécurité et ne tombent donc pas sous le coup de l’article de la Charte des Nations unies qui permet de créer un tribunal, a déclaré à RBTH Kirill Koktych, de la chaire de théorie politique de l’Institut des relations internationales de Moscou. Ainsi, il se peut que ce tribunal se transforme en show politique dont l’objectif sera de renforcer la pression internationale sur Moscou ».
En outre, sur fond d’hostilité généralisée envers la Russie, Moscou a de bonnes raisons de douter de l’objectivité de l’enquête. « Les spécialistes russes se voient de facto refuser un accès égal et intégral aux documents dont dispose l’équipe internationale d’enquêteurs », a constaté le ministère russe des Affaires étrangères.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a exigé que toutes les informations soient mises à la disposition des experts russes. « Ce n’est que lorsque ce sera fait qu’il deviendra possible d’aborder l’examen préalable de la responsabilité des coupables et de décider comment s’y prendre pour éviter tout abus de fonction, de prérogative et de crédibilité du Conseil de sécurité de l’ONU », a-t-il déclaré.
« Nous voyons se poser aujourd’hui le problème des preuves, étant donné qu’il n’y a pour l’instant que des preuves indirectes dont la liste est gardée secrète. En outre, les exécutants n’ont toujours pas été établis et les principaux témoins n’ont toujours pas été interrogés », a constaté Dmitri Ofitserov-Belski, politologue à la Haute école d'économie.
Il rappelle l’attitude notoirement négative de l’Occident vis-à-vis de la Russie et l’idéalisation des autorités de Kiev : « Il est très difficile dans le contexte actuel de s’imaginer que les politiques européens puissent accuser les autorités officielles de Kiev ».
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