Pourquoi la messagerie russe Telegram gêne ses concurrents

Pavel Dourov, fondateur du réseau social russe Vkontakte.

Pavel Dourov, fondateur du réseau social russe Vkontakte.

TechCrunch
Au cours de ces cinq derniers mois, le nombre d’utilisateurs actifs de Telegram, un « WhatsApp russe », est passé de 12 à 62 millions. Ce service est-il en mesure de faire de l’ombre aux géants du secteur ?

A la mi-juillet, la messagerie Telegram, créée par le fondateur du principal réseau social russe Vkontakte Pavel Dourov, a subi une série d’attaques DDOS de grande envergure qui ont provoqué des incidents de fonctionnement de l’application à travers le monde. Peu auparavant, l’application avait été retirée pendant plusieurs heures de la boutique Google Play suite aux plaintes de son concurrent coréen Line.

Dourov estime que les attaques sont dues à la popularité croissante de l’application : au cours de ces deux derniers mois, l’activité des utilisateurs de Telegram a été multipliée par trois. Chaque jour, près de 2 milliards de messages sont envoyés via ce service.

Sécurisé, libre, dangereux 

Telegram a été créé en 2013. Dès le départ conçu pour le marché international, il était doté d’une interface en anglais. Dans un entretien avec le quotidien The New York Times, Dourov a expliqué qu’il avait eu l’idée de créer ce service après avoir été sommé par le Service fédéral de sécurité russe de retirer des groupes d’opposition du réseau social Vkontakte qu’il avait fondé.

Les agents de sécurité ont essuyé un refus, ont tenté de faire pression sur le programmeur et ont perquisitionné l’appartement de Dourov et celui de ses parents. L’entrepreneur a alors compris qu’il ne possédait pas de moyen de communication sécurisé pour correspondre avec ses proches. Ainsi est née l’idée de créer une messagerie sécurisée.

Pour la protection des données échangées par les utilisateurs, le protocole MTProto a été créé : celui-ci utilise plusieurs systèmes de cryptage. L’application dispose également de l’option « secure chat » : grâce à cette option, le décryptage des données personnelles et l’accès aux communications est impossible, même pour les développeurs du logiciel.  

Les créateurs promettent que l’application restera toujours libre et gratuite. Dans un entretien avec la revue Wired, Dourov a souligné que Telegram ne deviendrait jamais un projet commercial axé sur le profit et que sa mission était de fournir un moyen de communication sécurisé.

Loukachenko, Moi, moche et méchant et discussions de groupe

Telegram présente d’autres avantages appréciés par les utilisateurs. Il permet de se connecter depuis plusieurs appareils mobiles à la fois, d’envoyer des fichiers sans limite de taille et de paramétrer un délai pour la suppression des messages.

En outre, le programme intègre un éditeur de photo, une fonction de recherche de pièces jointes sur Internet, ainsi qu’un miltichat – une séance de discussion simultanée capable d’accueillir jusque 200 participants.

Comme les autres applications, la messagerie russe propose des autocollants, mais à la différence de ses concurrents, ceux de Telegram sont gratuits et peuvent être ajoutés par tout utilisateur de l’application.

Immédiatement après la mise en place de cette fonction, l’application s’est enrichie d’images représentant des mèmes, descomiques, des hommes politiques et des personnalités culturelles célèbres. Les utilisateurs ont particulièrement apprécié les autocollants humoristiques du président biélorusse Loukachenko et des personnages du dessin animé Moi, moche et méchant.

Méfiance envers Facebook?

L’application a connu son heure de gloire en février 2014, quand Facebook a racheté la messagerie populaire Whatsapp. Selon Telegram, après cette transaction, l’application russe a gagné plus de 4,95 millions d’utilisateurs, ce qui lui a permis de se classer parmi les applications iPhone les plus téléchargées dans 48 pays.  

Karen Kazarian, analyste en chef de l’Association russe des communications électroniques, explique cela par la perte de confiance vis-à-vis de WhatsApp chez une partie des utilisateurs. Telegram, en revanche, se positionne comme un service indépendant.

« Cela explique pourquoi, suite au rachat de WhatsApp, de nombreux utilisateurs ont migré sur Telegram », estime Kazarian. L’expert explique que la messagerie est parvenue à devenir populaire en Europe, Amérique latine, Inde, Asie du Sud-Est et dans les pays arabes.

Toutefois, l’application a également des inconvénients qui pourraient freiner sa progression sur les marchés internationaux. « On ne peut pas qualifier Telegram de véritable concurrent face à des géants comme WhatsApp et WeChat affichant des indicateurs d’utilisation active largement supérieurs à ceux de Telegram », a souligné Kazarian. L’expert doute également de la capacité financière de Telegram à poursuivre son expansion.

Cependant, les créateursestiment qu’à l’heure actuelle, le projet ne nécessite pas d’investissements supplémentaires. À l’avenir, ils envisagent d’utiliser le modèle économique basé sur les dons.  

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