Une Kalachnikov « made in USA » voit le jour

Grigori Syssoiev / TASS
La semaine dernière, la société américaine Russian Weapon Company (RWC), distributeur officiel de la marque Kalachnikov jusqu’à l’introduction de sanctions contre le groupe éponyme russe, a entamé la vente des légendaires fusils d’assaut soviétiques AK-47 de sa propre fabrication. La Russie n’est pas étonnée et promet de réagir en diversifiant les marchés d’écoulement, en améliorant la qualité des armes à usage civil et en augmentant les recettes tirées des ventes d’armes à usage militaire. Y a-t-il lieu d’être aussi optimiste ?

Symboledel’URSS

Pour commencer, il faut voir qui achète les Kalachnikov aux Etats-Unis et comment. Il ne s’agit pas d’achats pour l’armée ou les structures de force, mais de la vente au détail.

Les Etats-Unis sont le pays ayant le plus haut pourcentage d’armes légales par habitant et la demande solvable la plus élevée dans le monde. Ce marché est essentiel pour n’importe quel fabricant d’armes. Toutefois, il faut non seulement y trouver une place, mais s’y cramponner de toutes ses forces et le plus longtemps possible. La société Kalachnikov ne fait pas exception.

Vassili Brovko, responsable des relations publiques, indique que Kalachnikov vendait jusqu’à 90% de sa production civile sur le marché américain.

La société livrait en Amérique des fusils de chasse et de sport, notamment sa célèbre carabine Saïga (la version civile de la légendaire Kalachnikov) avec différents types de munitions, ainsi que les carabines Los, Bars, Sobol et Rekord et des armes de chasse. Kalachnikov fabriquait également des fusils à pompe semi-automatiques Saïga-12 pour la police américaine.

Mais la majeure partie des exportations aux Etats-Unis (un peu plus de 50%, soit plus de 100 000 fusils par an) était réservée aux versions civiles de l’AK-47 qui sont prisées par les collectionneurs comme un symbole de l’Union soviétique, un peu comme les poupées « matriochkas » ou les bonnets de fourrure arborant une étoile rouge.

Ces fusils sont achetés pour être plutôt conservés et ne sont sortis qu’occasionnellement, ce qui fait que leur qualité n’a pas vraiment d’importance aux yeux de leurs éventuels propriétaires.

Les titulaires des droits russes gardent le silence

Le vice-président de l’ancien partenaire de Kalachnikov, RWC, Jay Portz, explique la logique des consommateurs américains comme suit : « On peut faire l’analogie avec le vin. Quand vous dites « vin », quelle est la première idée qui vous vient ? Les vins français. C’est un peu la même chose. L’AK-47 est meilleur s’il est de fabrication russe, car il est original. Peu importe si c’est vrai ou pas. » 

Ce qui n’a pas empêché la société de Jay Portz d’entamer la fabrication de l’AK-47 après que l’original eut été interdit. Il n’y a d’ailleurs rien de foncièrement nouveau dans ce fait. L’Union soviétique ne s’intéressait pas aux questions de droits d’auteur, et une vingtaine de pays au moins fabriquent depuis longtemps des copies du fusil russe. Aux Etats-Unis, des armes basées sur les Kalachnikovs étaient produites avant même l’introduction des sanctions dans seize entreprises de onze Etats. 

Après le départ de l’original du marché américain suite aux sanctions occidentales contre la Russie, RWC veut jouer la carte de son passé commun avec le groupe Kalachnikov et gagner des points supplémentaires dans la lutte concurrentielle. Preuve en est le slogan des Kalachnikovs Made in USA : « Héritage russe – Innovations américaines ».

La réaction des titulaires de droits russes se résume à des déclarations évasives selon lesquelles il fallait « s’attendre » à ce qui s’est passé. Il se peut qu’ils espèrent reconquérir ce marché après la levée des sanctions.

Pour l’instant, le groupe prévoit de remplacer l’énorme marché américain par un grand nombre de « petits » marchés en Afrique, au Proche-Orient, en Asie du Sud-Est et en Amérique latine, ainsi que par des ventes plus énergiques de production militaire. Cette dernière doit tripler cette année, a déclaré Kalachnikov (avant tout grâce aux marchés publics de défense russes).

Pour ce qui est de la qualité et des performances de l’arme, la tendance existante profitera à Kalachnikov dans la lutte contre ses concurrents étrangers, mais uniquement sur le marché intérieur, dont seulement 30% est occupé par les Russes, tous fabricants d’armes civiles confondus. 

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