Sécurité et développement : l’Eurasie se mobilise

Les dirigeants des six pays membres de l’OSC lors du sommet annuel à Douchanbé (Tadjikistan), en septembre 2014.

Les dirigeants des six pays membres de l’OSC lors du sommet annuel à Douchanbé (Tadjikistan), en septembre 2014.

AP
Lutte contre l’État islamique et stratégie de développement sont au menu du sommet de l’OCS, une union régionale regroupant la Russie, la Chine, le Kirghizistan, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan et le Kazakhstan, qui se tiendra lui aussi à Oufa, dans la république russe de Bachkirie, du 8 au 10 juillet.

La menace terroriste émanant de l’État islamique (EI), ainsi que la stratégie de développement du bloc à l’horizon 2025, seront au cœur des discussions du sommet de l’OCS, qui marquera le point culminant de la présidence russe de l’organisation.

Menace islamiste sur l’Asie centrale

Jusqu’à récemment, le principal objectif de l’OCS, créée initialement pour lutter contre le séparatisme, l’extrémisme et le terrorisme, consistait à protéger les frontières de ses pays membres contre l’Afghanistan, des cargaisons importantes de drogues, mais également des recruteurs et des combattants de la né­­­buleuse terroriste Al-Qaïda, pénétrant régulièrement depuis cet État sur le territoire des pays voisins.

Toutefois, la géographie des intérêts communs de l’organisation s’est désormais élargie pour intégrer le Proche-Orient : les membres de l’OCS sont confrontés à la menace de l’État islamique. Car les éléments de cette organisation terroriste islamiste pénètrent activement sur le territoire de l’Afghanistan, déjà instable.

Maria Nebolsina, chercheuse à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou (MGIMO), explique que les combattants de l’EI se concentrent principalement dans les provinces Nord de l’Afghanistan, à la frontière avec les pays d’Asie centrale. L’expert souligne que l’influence de l’EI pourrait déstabiliser encore plus la situation dans ces pays, qui font déjà face à leurs propres organisations extrémistes. Ainsi, selon l’ONG International Crisis Group, jusqu’à 4 000 ressortissants des anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale combattent pour l’EI au Proche-Orient.

Moscou juge désormais l’EI plus dangereux qu’Al-Qaïda. Lors de la conférence Sécurité et stabilité dans la région de l’OCS, qui s’est tenue à Moscou le 4 juin, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a proposé aux membres de l’union de répondre à cette menace en apportant un « soutien politique au rétablissement de la paix et de la stabilité en Afghanistan ». Le ministre a également souligné que les membres de l’organisation devraient coordonner leurs efforts avec les pays observateurs (dont l’Afghanistan) afin « d’empêcher toute tentative d’implication des citoyens dans les mouvements radicaux, ainsi que d’identifier les terroristes potentiels et les combattants qui reviennent au pays après avoir participé à des conflits armés ».

Timofeï Bordatchev, directeur du programme eurasien du club international de discussion Valdaï a expliqué à RBTH que les membres de l’OCS pouvaient prendre des mesures concrètes dans trois domaines principaux : « Premièrement, ils peuvent mettre en place un échange d’informations entre les services de renseignements. L’OCS a instauré une coopération efficace en matière de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. C’est l’axe le plus développé de la coopération. Deuxièmement, ils peuvent lancer un dialogue à grande échelle avec l’Iran, une force directement opposée à l’EI, et l’impliquer dans les activités de l’OCS. Troisièmement, ils peuvent développer la coopération avec l’Organisation du Traité de sécurité collective [OTSC, une union militaro-politique comprenant six anciennes républiques soviétiques, parfois appelée "OTAN russe"] ».

Plateforme de développement

Un autre événement important attendu au prochain sommet est l’adoption de la Stratégie de développement de l’OCS à l’horizon 2025 et le lancement de la procédure d’adhésion de deux nouveaux pays, l’Inde et le Pakistan, qui disposent actuellement du statut d’observateurs.

Les détails de la Stratégie de développement n’ont pas encore été rendus publics, mais les diplomates russes assurent que l’OCS n’envisage pas de se transformer en un bloc militaro-politique. « La dimension militaire de l’OCS et les forces collectives ne sont pas à l’ordre du jour. Ce rôle est assumé par l’Organisation du Traité de sécurité collective », explique-t-on au ministère russe des Affaires étrangères.

Ainsi, la coopération économique constituera l’axe prioritaire de l’activité de l’OCS. Les diplomates expliquent qu’il s’agit avant tout de projets régionaux importants, tels que l’initiative russe d’intégration l’Union économique eurasienne (UEEA), ainsi que le lancement ambitieux par la Chine de la création d’une infrastructure commerciale dans la région, lа Ceinture économique de la Route de la Soie (CERS).

L’OCS pourrait devenir une plateforme de développement de coopération entre ces deux mégaprojets, sachant surtout que la Russie et la Chine font, d’après les diplomates russes, tout leur possible pour éviter une concurrence entre ces deux organisations.

Timofeï Bordatchev estime toutefois qu’il ne peut y avoir aucune concurrence entre l’UEEA et la CERS, car la nature de ces projets n’est pas la même. « La CERS propose surtout des investissements, alors que l’UEEA crée un cadre juridique », explique l’expert.

« Pour les Chinois, l’intégration eurasienne encadre les conditions juridiques relatives à leurs investissements ». En d’autres termes, on tend vers une symbiose. « Le jumelage de l’UEEA et de la CERS est une décision rationnelle. La règlementation technique russe, inspirée de la règlementation européenne, formera la base de la règlementation technique de l’UEEA. Ainsi, les Chinois, qui cherchent finalement à se rapprocher de l’Europe, travailleront en réalité dans le cadre des normes et exigences européennes », conclut Timofeï Bordatchev.

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