Lossionok, le nouveau roi du ski de fond venu de Russie

Janvier 2017, Sergey Ustiugov lors du prestigieux Tour de Ski

Janvier 2017, Sergey Ustiugov lors du prestigieux Tour de Ski

ZUMA Press/Global Look Press
Sergey Ustiugov a créé une révolution dans le monde du ski et a toutes les chances de devenir le nouveau visage masculin du sport russe.

Janvier 2017, Sergey Ustiugov lors du prestigieux Tour de Ski. Crédit : ZUMA Press/Global Look PressJanvier 2017, Sergey Ustiugov lors du prestigieux Tour de Ski. Crédit : ZUMA Press/Global Look Press

Cet hiver, un nom revenait sur toutes les lèvres dans le monde du ski. Et il ne s’agit pas de l’effrayant Norvégien Martin Johnsrud Sundby, surnommé « la Barbe », à qui l’on prédisait toutes les victoires possibles avant le début de la saison. Il a été éclipsé par un autre super-héros surnommé « Lossionok » (petit élan).

C’est ainsi que les Russes ont baptisé le fondeur de 24 ans Sergey Ustiugov qui se distingue, depuis les courses junior, par sa force physique et sa ténacité. Il faut dire que pendant la dernière saison, il est devenu si mature qu’il conviendrait plutôt parler d’un « grand élan ». Début janvier, il a littéralement balayé tous ses concurrents pour remporter 6 des 7 courses du prestigieux Tour de Ski, dont l’ardue montée de neuf kilomètres à Val di Fiemme.

« J’avais l’impression d’être un figurant quand je voyais ce que faisait Ustiugov. Je n’ai jamais vu une telle performance dans les courses de ski »raconte Sundby, pourtant donné favori dans la compétition. « Il est brutal, un vrai ours sibérien. Il n’est pas de ceux qui restent tranquillement dans votre dos, il a une intelligence tactique et donne le ton dans les courses », confirme un autre fondeur norvégien Niklas Dyrhaug.

« Prédateur aux yeux de biche »

Ustiugov est rapidement devenu la coqueluche de la presse norvégienne : on parle de lui, la télévision le sollicite pour des interviews. Rien d’étonnant : dans ce pays, où le ski de fond est une religion nationale, le skieur russe parvenu à détrôner l’équipe norvégienne qui semblait pourtant invincible, suscite un grand intérêt.

Ustiugov ne ressemble pas aux Norvégiens si réservés : c’est une véritable poudrière. «  Il est colérique, furieux, il a un regard de tueur. Un prédateur aux yeux de biche »écrit le quotidien norvégien Dagbladet à propos du nouveau roi du ski.

Nouveau héros du bon vieux ski

« À cause de ce mec, j’ai commencé à regarder les courses de ski pour la première fois depuis les Jeux olympiques de 1994 » : ce commentaire d’« Ivan Pomidorov », abonné du site sportif russe sports.ru, reflète assez bien l’état d’esprit des supporteurs. Sergey Ustiugov rappelle aux Russes que les courses de ski ont toujours été l’un des sports nationaux les plus populaires dans le pays.

En Europe, l’hiver est solidement associé au ski alpin, mais en Russie, le ski de fond a toujours été le principal sport d’hiver et les fondeurs-champions étaient aimés de tous. Ces dernières années, la popularité du sport s’est tarie, surtout par rapport au biathlon, mais Sergey Ustiugov pourrait changer la donne.

« Vainqueur typique »

La Russie n’a jamais connu un sportif avec une telle soif de victoires. Ustiugov déteste perdre. Deux mois après le Tour de Ski, il est allé chercher de nouveaux trophées au championnat du monde à Lahti (Finlande). L’idée est plus qu’ambitieuse : aucun vainqueur du Tour de Ski n’était jamais parvenu à arracher l’or au championnat du monde simplement parce qu’il est pratiquement impossible de rester au top de sa forme aussi longtemps. Pourtant, Ustiugov a prouvé que cette idée n’était qu’une convention.

Dans la première course, le sprint individuel, il n’a perdu que de peu face à l’Italien Federico Pellegrino. À l’arrivée, il tapait du bâton de frustration et, à la cérémonie de remise des médailles, il ne cachait pas son agacement. «  Je ne comprenais pas à quoi ça servait de participer à la cérémonie de remise des médailles si c’était pour recevoir l’argent »confiera-t-il plus tard aux journalistes norvégiens.

Pendant que les Norvégiens présentent Ustiugov comme un terminateur bourru, en Russie, son image est tout autre : il est considéré comme quelqu’un d’ouvert, aimable et blagueur. Son sourire est comparé à celui du premier cosmonaute Youri Gagarine. C’est ainsi, détendu et heureux, qu’il apparaît à la cérémonie de remises des médailles où Sergey reçoit l’or en skiathlon (15 km classique puis 15 km en style libre). « Sergey est un vainqueur typique. Il est peut-être même un peu trop obsédé par ça. Mais c’est peut-être pour ça aussi qu’il est le meilleur »,  suggère Nikita Kriukov, avec qui Ustiugov a remporté l’or au Championnat du monde-2017 au sprint par équipes.

« Je suis clean et je veux que tout le monde le sache »

En un an à peine, Ustiugov est devenu le skieur le plus couronné de l’histoire du pays. Ses cinq médailles au même championnat du monde viennent répéter le record des Norvégiens Bjørn Dæhlie (1997) et Petter Northug (2011). Dans un an, il assistera aux Jeux olympiques de Pyeongchang (Corée du Sud) en tant que capitaine de l’équipe russe aux côtés de la géniale patineuse Evgenia Medvedeva. Si Sergey continue à arracher des victoires, il pourrait très bien devenir l’un des principaux visages du sport russe, à l’instar de Maria Sharapova et Evgeni Plushenko.

Les records d’Ustiugov sont impressionnants, mais en Russie, c’est l’effet moral de ses victoires qui prime. En cette période particulièrement difficile, alors que le sport russe est entaché par des scandales de dopage, l’apparition d’un skieur russe super-performant à la réputation irréprochable est une source d’inspiration. « Je suis clean et je veux que tout le monde le sache » : Ustiugov clame son respect des règles anti-dopage dans chaque interview et ses adversaires n’ont aucune raison de ne pas le croire.

Il a passé tous les tests possibles et ne figure pas dans la liste de McLaren, qui pointe pourtant quatre skieurs russes, dont le champion olympique au 50 km à Sotchi–2014 Alexander Legkov. Ustiugov, lui, soutient ses co-équipiers et leur dédie toutes ses victoires. 

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