Le conflit russo-turc vu par les citoyens des deux pays

Le présiednt russe Vladimir Poutine (à gauche) tourne le dos à son homologue turc  Recep Tayyip Erdogan lors de la cérémonie d'accueil des dirigeants de G20 à Antalya (Turquie) le 15 novembre 2015.

Le présiednt russe Vladimir Poutine (à gauche) tourne le dos à son homologue turc Recep Tayyip Erdogan lors de la cérémonie d'accueil des dirigeants de G20 à Antalya (Turquie) le 15 novembre 2015.

Reuters
Suite à l’épisode du chasseur russe abattu le 24 novembre en Syrie par l’aviation turque, les relations entre les deux pays se dégradent à vue d’œil. Au cours des deux dernières semaines, la Russie a aboli de manière unilatérale le régime d’exemption de visa pour les citoyens turcs, a introduit des sanctions économiques et a adressé plusieurs déclarations virulentes au président Recep Tayyip Erdogan. Pour le moment, la Turquie n’a pas adopté de mesures de rétorsion, mais la rhétorique turque laisse peu de place à l’optimisme sur les relations futures avec la Russie.

La situation s’embrase et les citoyens des deux pays ressentent déjà les conséquences du conflit politique. Ils en parlent.

Efe Tanay,  30 ans, juriste,Moscou : « Les relations turco-russes traversent un moment difficile »

Dans un conflit où chaque pays et dirigeant ont des points de vue divergents, c’est toujours le peuple qui souffre.

Nous savons que depuis l’éclatement du conflit entre Moscou et Ankara, la Russie a déjà pris de nombreuses décisions : elles vont à l’encontre des produits turcs, mais aussi du peuple turc. Outre la suspension de l’accord sur les visas, la Russie a interdit l’entrée à de nombreux Turcs qui ont des permis de travail. Souvent, ils sont rejetés sans explication. Parmi eux, il y a des citoyens turcs mariés avec des Russes. Les maisons de nombreux Turcs ont été perquisitionnées et leurs objets de valeur sont déclarés perdus. Des gens ont été détenus en garde à vue pendant plusieurs heures. Les enregistrements de ces événements peuvent être consultés à l’ambassade de Turquie. Depuis, l’ambassade de Turquie attend des explications sur ces traitements injustes.

Nous voyons et savons tous que les relations turco-russes traversent un moment difficile, mais reporter cela sur des gens ordinaires ne fera que détériorer les relations encore plus.

Différents types de produits sont arrêtés à la frontière russe sans aucune explication légale claire. Ces produits ont été payés par les entrepreneurs russes. Peu importe la nationalité inscrite dans les passeports de ces entrepreneurs, l’argent est russe. Outre le peu de profit que ces gens ont perdu avec leurs importations, la Russie a perdu sa fiabilité aux yeux des entrepreneurs en Europe. Après une réaction aussi très dure, il ne sera pas facile de convaincre ces investisseurs et entrepreneurs de travailler avec la Russie.

Elena Kyr, 26 ans, enseignante, Antalya : « Ici, le soleil brille comme avant » 

Mes proches et mes amis sont nombreux à me demander si je vais bien. Oui, je vais bien. À Antalya, il n’y a pas de troubles, de persécutions contre les Russes ni de manifestations antirusses. Du moins, je n’en ai pas vu ni entendu parler. Ici, le soleil brille comme avant ! 

La population locale ne montre aucune agressivité. Ils sont nombreux à condamner les actions du gouvernement turc, d’autres les soutiennent. Mais personne ne vient exprimer son mécontentement ou accusations devant les Russes. 

Les familles mixtes russo-turques sont, bien sûr, inquiètes. Elles sont nombreuses à avoir rêvé de célébrer le Nouvel an en Russie avec leurs familles, mais le contrôle strict et les éventuels interrogatoires interminables dans les aéroports les ont poussées à y renoncer.

Actuellement, Antalya se prépare pour le Nouvel An. Tous les grands centres commerciaux sont décorés de sapins de Noël, de guirlandes et de ballons. Les foires sont déjà ouvertes, bientôt, les programmes de fin d’année pour les enfants commenceront.

Les gens sont pris en otage par les jeux politiques. C’est pourquoi je voudrais appeler les peuples des deux pays d’être plus gentils l’un avec l’autre, de résister à la provocation, d’éviter les rumeurs et de ne pas aggraver la situation déjà si difficile !

Emel Cecen, 39 ans, journaliste, Moscou : « Nous sommes pris en otages »

Je n’oublierai jamais ce matin clair de printemps. C’était il y a 20 ans. J’étais alors une jeune femme qui voyageait pour la première fois à Moscou. Une nouvelle page s’est ouverte alors dans ma vie dans un pays que je ne connaissais absolument pas. Une nouvelle partie, la « Russie ».

La semaine dernière, l’incident de l’avion russe abattu a tout chamboulé – la vie s’est séparée en un avant et un après. Les dirigeants des deux pays n’imaginent même pas que 20 ans ont été effacés en un jour.

La presse des deux pays continue à publier des provocations, et persiste dans les accusations mutuelles. On apprend que nous avons accumulé des tas de problèmes dans les domaines socio-culturel, politique, économique et autres !

Cette situation me rappelle le divorce où deux parents adultes règlent leurs comptes et en oublient complètement leurs enfants. Qu’arrivera-t-il à ces enfants ? Et qu’arrivera-t-il aux enfants issus des mariages mixtes – plus de 50 000 familles russo-turques ? Que nous arrivera-t-il ?

Nous sommes otages de la situation actuelle. Tout dépend des dirigeants des deux pays. Nous ne savons pas ce qui va nous arriver. Mais je suis persuadée que nos amis russes qui nous connaissent depuis des années ne mesureront pas la situation actuelle avec les « mots » d’une personne et les « actions » d’une autre et nous aideront à surmonter ensemble la crise actuelle. Nous avons tous beaucoup travaillé pour créer ces relations malgré les divergences historiques. Nous n’allons pas les détruire. 

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