Sarkozy aurait-il mal compris la stratégie russe des sanctions?

L'ex-président français, Nicolas Sarkozy, sourit lors de la discussion "Europe : Quo Vadis ?" dans le cadre du Forum économique international de Saint-Pétersbourg le 16 juin 2016.

L'ex-président français, Nicolas Sarkozy, sourit lors de la discussion "Europe : Quo Vadis ?" dans le cadre du Forum économique international de Saint-Pétersbourg le 16 juin 2016.

Stoyan Vassev/TASS
Le chef du parti français Les Républicains (droite) Nicolas Sarkozy a suggéré que la Russie retire ses sanctions contre les produits alimentaires produits en Union européenne en signe de « bonne volonté ». L’ancien président français est sans doute bien intentionné, mais ses propositions montrent que les élites européennes ont souvent une compréhension superficielle des affaires russes.

Cette année, des commentateurs et autres faiseurs d’opinion ont suscité beaucoup d’émoi au Forum économique international de Saint-Pétersbourg (SPIEF) lorsqu’ils ont suggéré que les hauts responsables occidentaux devraient boycotter l’événement. Le dialogue est vital, surtout en ces temps troublés. Et plus particulièrement encore, alors que l’Otan mène d’importants exercices dans la mer Baltique, à proximité des frontières russes, et alors que la rhétorique de Moscou se fait parfois de plus en plus belliqueuse.

L’abandon des discussions bilatérales, prônée par certains membres de l’UE et de nombreux leaders d’opinion, particulièrement aux Etats-Unis, ne ferait qu’ajouter du vide au vide. Et cela serait un désastre. Pour cette raison, la décision du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker de se rendre à Saint-Pétersbourg est judicieuse. 

« Certains apprécient l’idée que je sois là, d’autres non. J’aime cette idée », a-t-il déclaré, sous les applaudissements, dans son discours au SPIEF le 16 juin.

Juncker est le premier haut responsable de Bruxelles à voyager en Russie depuis l’introduction des sanctions contre le pays suite à la prise de contrôle de la Crimée par Moscou en 2014. Le premier ministre italien Matteo Renzi s’est également rendu au forum, tout comme l’ancien président français Nicolas Sarkozy, qui pourrait reprendre ses quartiers à l’Élysée l’année prochaine.

Un manque de compréhension

Il y a dix ans, Nicolas Sarkozy était perçu comme un politicien pro-américain et ses propres propossemblaient confirmer cette image. En prenant ses fonctions, il a  déclaré : « Je veux leur dire (aux Etats-Unis) que la France sera toujours à leur côté quand ils en auront besoin ».

Cependant, M. Sarkozy semble souscrire à l’adage selon lequel « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ». Ces dernières années, il pratique sa propre version de la politique orientale et prône un rapprochement avec la Russie.

La bonne intention du Français, qui veut sincèrement aider à calmer les tensions entre Moscou et le reste d’Europe, ne fait pas de doute. Mais ses commentaires réalisés le 16 juin à Saint-Pétersbourg témoignent d’un manque de réelle compréhension de la position russe.

Voici ce que Nicolas Sarkozy a dit : « J'ai proposé au président Poutine qu'il lève des sanctions de son côté et, qu'en échange, Minsk 2 entre en application. Plutôt que de laisser les sanctions bloquer les affaires de toute part, tirons des conditions favorables de cette crise pour lever ces sanctions. J’aimerais que M. Poutine annonce la levée des sanctions de son côté et nous, les Européens, suivrons son exemple ».

Pratique vs théorie

En théorie, l’idée de tendre un rameau d’olivier semble attrayante, mais en réalité, les choses sont beaucoup plus compliquées. Sur fond de faiblesse des prix du pétrole, de manque de réformes réelles et de sanctions, l’économie russe est dans le tumulte, l’agriculture étant l’un des rares domaines se trouvant dans le vert ces derniers temps. Par exemple, les exportations de blé ont crû de 13% au cours de l’année dernière.

Par ailleurs, Bloomberg a annoncé le 7 juin que la production alimentaire russe était en hausse, aussi bien pour la viande que pour les fruits et légumes. C’important pour la Russie, car pendant trop longtemps, l’économie reposait sur l’idée folle que le pays pouvait simplement exporter ses ressources et acheter tout le reste.

Ainsi, le plus vaste pays du monde importait des produits alimentaires de base comme le lait et le fromage, laissant de larges portions de la terre la plus fertile au monde complètement vides. Sans parler des conséquences sur sa sécurité, cette stratégie économique était tout bonnement insensée.

Les contre-sanctions du Kremlin à l’égard des produits occidentaux ont ouvert une fenêtre en Russie permettant au pays de corriger cette politique erronée. Elles sont si efficaces que Poutine a personnellement admis qu’un fermier de Voronej lui avait demandé de ne pas les lever. Si M. Sarkozy semble chercher à aider la Russie, force est de constater que comme souvent, les choses ne sont pas aussi simples qu’elles ne le semblent. 

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