Sergueï Lavrov, chef de la diplomatie russe.
ReutersExaminant le 14 mars les relations entre l’UE et la Russie, les ministres européens des Affaires étrangères se sont entendus au sujet d’un « engagement sélectif avec la Russie » sur plusieurs problèmes, notamment ceux des migrations et de la lutte contre le terrorisme.
Mais qu’est-ce qui empêche les deux parties de passer d’un « engagement sélectif » à une coopération intégrale ? Les experts questionnés par RBTH ont cité au moins quatre sérieux défis.
Les sanctions contre la Russie, introduites par l’UE dans le sillage des Etats-Unis dans le contexte de la crise ukrainienne, enveniment sérieusement les relations Russie-UE, soulignent les experts. Tout comme l’embargo décrété en retour par la Russie contre une série de produits européens et américains, constatent-ils.
Dans quelques mois, l’UE devra prendre une décision sur les sanctions économiques contre la Russie. Les analystes estiment plus que probable leur prolongement.
Dans le même temps, Dmitri Orlov, directeur général de l’Agence de communication politique et économique, fait remarquer qu’il est aujourd’hui difficile de prouver le bien-fondé de ces sanctions, étant donné que « la Russie contribue efficacement à la stabilisation de la situation dans le sud-est de l’Ukraine et à l’application des accords de Minsk ».
Cette feuille de route qui doit conduire à la paix dans le Donbass a été concertée il y a un an dans la capitale biélorusse par les leaders de Russie, de France, d’Allemagne et d’Ukraine. Elle est la pierre angulaire de toute négociation sur les relations entre la Russie et l’Occident.
La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a déclaré à l’issue d’une rencontre avec les ministres européens des Affaires étrangères que « la mise en œuvre de l’accord de Minsk était la condition sine qua non pour tout changement substantiel dans la position de l’UE à l’égard de la Russie ». D’après Dmitri Orlov, la Russie et l’UE interprètent de manière différente les accords de Minsk. Pour Moscou, la responsabilité de la non-application du document incombe à Kiev, tandis que les capitales européennes jettent la pierre à la Russie.
Ainsi, le conflit ukrainien est dans une certaine mesure une manifestation des contradictions existant entre la Russie et l’UE. Andreï Souzdaltsev, vice-doyen de la faculté de la politique internationale et de l’économie mondiale de la Haute école d'économie, rappelle que l’Ukraine a changé de régime sous des slogans favorables à l’intégration européenne et à la signature de l’accord d’association avec l’UE. Cette politique du pays voisin n’avait aucune chance de réjouir Moscou.
Pour l’heure, les amendements concernant le statut du Donbass que l’Ukraine doit introduire dans sa Constitution dans le cadre des accords de Minsk restent en suspens au parlement du pays. Par conséquent, le sort des ententes établies l’année dernière par les leaders des quatre pays reste flou.
La crise syrienne est un autre dossier qui génère des tensions dans les rapports entre Bruxelles et Moscou.
Jusqu’ici, estime Dmitri Orlov, les acteurs étrangers – l’Occident et la Russie – avaient une attitude floue sur les relations mutuelles entre les deux coalitions rivales menées par Moscou et par Washington. Ceci freinait l’élaboration de décisions concernant aussi bien la politique de l’UE et de la Russie vis-à-vis de la Syrie que les autres problèmes, comme la crise des migrants. Certaines voix au sein de l’UE ont affirmé que l’afflux de réfugiés profitait à la Russie et que ce phénomène était la conséquence des frappes de l’aviation russe en Syrie.
La décision du président Vladimir Poutine de retirer la plus grande partie du contingent russe de Syrie devrait réduire le degré de contradiction entre la Russie et l’UE sur le sujet.
L’Europe a évoqué plus d’une fois un autre problème qui se dresse devant la Russie et l’UE, celui du fossé en termes de valeurs. Selon certains, les différends des parties prennent leur source dans la mentalité et l’idéologie.
« Les Européens actuels jugent de la politique intérieure et extérieure des autres pays, notamment de la Russie, en se fondant sur leurs régimes politiques », constate Maxime Braterski, du Centre des études européennes de la Haute école d'économie. D’après lui, pour l’UE « seul un pays fondé sur des valeurs libérales et démocratiques peut être un ami, un allié fiable et un pilier de sécurité ». Relevant la particularité russe qui est la nécessité d’un haut degré de centralisation du pouvoir, il ne voit aucune issue à cette situation.
Toutefois, ce problème n’est pas considéré comme insurmontable par tous les experts. Ainsi, Dmitri Orlov admet l’existence de divergences, mais assure que celles-ci ne sont pas en mesure d’empêcher un dialogue intégral.
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