Les exercices britanniques en Jordanie témoignent surtout du renforcement progressif de la présence britannique au Proche-Orient, qui s’inscrit dans la stratégie globale de Londres. Depuis le début de la guerre de Libye en 2011, les Anglais cherchent, petit à petit, à revenir dans un Proche-Orient qu’ils ont quitté dans les années 1940. La Jordanie est l’une des composantes de cette stratégie.
Par ailleurs, ces exercices comportent une évidente composante antirusse. La Russie mène une opération militaire à proximité, en Syrie, et la réprobation de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis vis-à-vis de cette opération n’est un secret pour personne. Le scénario de déploiement des troupes jordaniennes et britanniques en Syrie sera donc étudié en Jordanie.
Une éventuelle confrontation entre la Russie et la Grande-Bretagne est également à l’étude. Et ce n’est pas une nouveauté. Dès 1993, les autorités militaires américaines et britanniques sont arrivées à la conclusion que si la guerre froide était bel et bien terminée, la Russie restait un adversaire militaire. Tous les scénarios d’un conflit armé ont été modélisés dès cette époque.
Une confrontation locale n’entraînerait pas forcément un conflit nucléaire, comme on l’entend souvent. Ici, on peut revenir sur l’expérience de la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, toutes les parties au conflit disposaient d’armes chimiques, mais aucune ne les a utilisées ne serait-ce qu’une seule fois.
Les adversaires ont mené des opérations militaires jusqu’à la capitulation et la perte de souveraineté, mais l’arme chimique est restée dans les dépôts. Pourquoi la bombe nucléaire ne suivrait-elle pas le sort de l’arme chimique pendant la dernière guerre mondiale ?
Par ailleurs, l’utilisation de l’arme nucléaire n’est pas du ressort des militaires. Elle nécessite l’aval de la haute direction des pays en question. Les conditions capables de justifier un tel « feu vert » sont une question qui préoccupe aussi bien les pays de l’Alliance que la Russie depuis la fin des années 1950.
Si nous devions imaginer les contours d’un conflit éventuel, il pourrait s’agir d’une confrontation armée sur le territoire d’un pays tiers, éventuellement, sur le sol d’un pays-membre de l’Otan.
Dans l’article du Daily Telegraph, la source du quotidien proche du ministère britannique de la Défense cite l’assistance éventuelle de la Grande-Bretagne aux Etats-Unis dans le conflit ukrainien en tant que mission susceptible d’être travaillée lors des exercices en Jordanie.
De toute évidence, l’éventualité d’une présence militaire des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne en Ukraine est sur le tapis. D’autant que grâce au mémorandum de Budapest signé en 1994, ces deux pays disposent d’un motif formel leur permettant de déployer une présence militaire en Ukraine sous prétexte de protéger Kiev contre une agression militaire.
Globalement, la menace de conflit armé entre la Russie et les pays de l’Otan ne fera que grandir au cours des dix prochaines années. Actuellement, cette menace est plus importante que dans les années de la guerre froide.
À l’époque, nous n’avions pas de raisons d’entrer en conflit. Nous ne pouvions échanger nos places de leaders des mondes capitaliste et socialiste avec les Etats-Unis, et il était techniquement impossible de s’occuper mutuellement. Pendant la guerre froide, nous étions comme deux conteneurs fermé l’un pour l’autre : ils avaient leur bloc et nous le nôtre. En Europe, il n’y avait presque aucune possibilité de confrontation ni de territoire disputé. La guerre ne pouvait se réduire qu’à un échange irrationnel de frappes nucléaires.
Cependant, on voit actuellement émerger les causes politiques d’un conflit potentiel. La principale d’entre elles tient au fait que la Russie propose une conception de monde multipolaire alternative à celle des Etats-Unis. Par ailleurs, Moscou conserve le statut de puissance capable de détruire les Etats-Unis en raison de son arsenal militaire exceptionnel. Ainsi, les Etats-Unis ne peuvent mener à bien leur projet de mondialisation sans désarmer la Russie.
Par ailleurs, la Russie doit contraindre les Etats-Unis au dialogue selon ses propres conditions et pour cela, elle a besoin de démonstrations de force. Si la Russie considère l’espace postsoviétique comme sa zone d’influence, elle devra le montrer par des mesures de force adéquates.
Ainsi, un espace disputé se forme en Europe pour la première fois. S’y ajoute le Proche-Orient, où les chances d’affrontement entre la Russie et l’Otan sont réelles. Et force est de constater que les territoires litigieux où un tel conflit est possible sont de plus en plus nombreux.
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