Quel avenir pour le cessez-le-feu syrien ?

Damas, Syrie, 25 octobre 2015. Le président syrien Bachar el-Assad parle avec le chef du Comité de la Douma d'Etat sur la propriété Sergueï Gavrilov (absent sur la photo).

Damas, Syrie, 25 octobre 2015. Le président syrien Bachar el-Assad parle avec le chef du Comité de la Douma d'Etat sur la propriété Sergueï Gavrilov (absent sur la photo).

Valery Sharifulin/TASS
L’accord de cessez-le-feu qui devrait être mis en œuvre à partir du 27 février soulève autant de questions qu’il n’apporte de réponses.

Négocié par les deux principaux acteurs, la Russie et les Etats-Unis, l’accord aurait été approuvé par le régime de Damas et par certaines factions de l’opposition. Celle-là même qui cherche, depuis plus de quatre ans, à renverser Bachar el-Assad. L’entente suscite trois sentiments  dans le domaine public : l’optimisme prudent des diplomates, le scepticisme des experts du monde arabe et le cynisme des adversaires qui se regardent mutuellement à travers de viseur de la mitrailleuse sur le champ de bataille.

D’un côté, les avancées militaires du régime de Damas ont réduit la marge de manœuvre de l’opposition syrienne, la privant de « profondeur stratégique » pour une retraite digne. Pour autant, épingler au mur ceux qu’on regarde comme partie bona fide aux négociations n’était pas une solution optimale : une telle approche aurait pu contraindre l’opposition à se battre jusqu’au bout, sans aucun compromis.

D’un autre côté, l’opération visant à débloquer Alep a fait peu de cas de l’éventail de formations paramilitaires comprenant tant des groupes islamiques modérés que les islamistes radicaux, qui, pendant des années, ont assiégé cette ville stratégique du nord d’un pays autrefois unifié. Pour le régime de Bachar el-Assad, tout retard dans la reconquête plus ou moins fluide des territoires occupés pouvait signer un revers, ralentissant l’offensive et offrant de l’air aux ennemis qui auraient pu l’utiliser pour se regrouper, se réarmer, reconstituer des stocks de munitions, puis contre-attaquer.

En outre, tout cessez-le-feu n’est que le début d’une série d’événements, un interlude dans un long processus. C’est une sorte de carrousel, car chaque terme et condition de l’accord final doit être régulièrement « revisité » dans le but de surveiller les progrès atteints et préciser les moyens d’affronter les nouveaux défis susceptibles d’émerger.

Trop de défis

La possibilité de transformer l’accord de cessez-le-feu en plateforme de lancement pour un processus de transition en Syrie laisse sceptique Grigory Kossatch, expert de la politique du monde arabe et professeur de l’Université d’État des sciences humaines. « J’ai étudié la plupart des quotidiens de l’Arabie saoudite au lendemain de l’annonce du cessez-le-feu et à la veille de la traditionnelle réunion du gouvernement qui se déroule tous les lundis sous la présidence du roi Salmane ben Abdelaziz Al Saoud. Aucun ne mentionnait l’accord de trêve. Tant que l’Arabie saoudite et les monarchies du Golfe ne signeront pas cet accord, sa valeur réelle sera sérieusement mise en doute », a indiqué le spécialiste.

Contrôler ses protégés

Dans son discours pour le Jour du défenseur de la patrie, célébration annuelle des forces armées (perçue également comme la journée de la virilité en Russie), le président russe Vladimir Poutine s’est engagé à mobiliser les efforts de la diplomatie russe afin de persuader les alliés de la Russie dans la région de respecter le cessez-le-feu. Poutine a exprimé l’espoir que les Etats-Unis feraient de même en influençant les acteurs régionaux qui naviguent dans l’orbite de leur politique étrangère.

Cette tactique pourrait être la bonne. Cependant, la réputation des Etats-Unis en tant que garant de la sécurité à long terme au Moyen-Orient étant considérablement ébranlée, il n’est pas certain que les royaumes sunnites prêtent une oreille aussi attentive à Washington que par le passé.

Ce n’est pas l’unique obstacle qui attend l’accord. Le président sortant Bachar el-Assad étant toujours au pied du mur, Moscou pourrait se retrouver dans une position délicate. Sur ce point, le professeur Grigory Kossatch enfonce le clou : le président syrien est un client difficile, et la situation pourrait se retourner contre la Russie.

À l’instar du taureau de Bagdad, surnom donné jadis à Saddam Hussein, le leader assiégé de Damas pourrait nourrir des intentions cachées, tout en étant sincèrement reconnaissant à Moscou d’avoir inversé la situation.

Pour le moment, les facteurs négatifs semblent l’emporter sur les gains positifs. Mais rien n’empêche les acteurs sur le terrain de faire mentir ces prévisions décourageantes lues dans le marc des cafés d’Ankara à Riyad.

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