Implication russe en Syrie : ce qu'en disent les experts

Des manifestants pro-syriens réunis devant l’ambassade de la Russie à Beyrouth (Liban) le 5 février 2012. La Russie et la Chine ont opposé leur véto au Conseil de sécurité de l’Onu à une résolution occidentale condamnant le bombardement de Homs.

Des manifestants pro-syriens réunis devant l’ambassade de la Russie à Beyrouth (Liban) le 5 février 2012. La Russie et la Chine ont opposé leur véto au Conseil de sécurité de l’Onu à une résolution occidentale condamnant le bombardement de Homs.

AP
Les informations selon lesquelles la Russie renforcerait sa présence militaire en Syrie font dernièrement la « une » des journaux. Moscou dément la nouvelle, sans toutefois nier les livraisons d’armes au régime de Bachar Al-Assad. Nous avons interrogé les experts sur les objectifs réels de Moscou en Syrie.

Les médias occidentaux affirment que la Russie a dépêché un corps expéditionnaire en Syrie et a entamé la construction d’une base aérienne non loin de l’aéroport international dans la province de Lattaquié (nord de la Syrie). Moscou dément ces informations, mais ne nie pas l'octroi d'un soutien technique et militaire à la direction syrienne. « Nous leur (autorités syriennes, ndlr) avons toujours livré du matériel pour lutter contre les terroristes, a déclaré au New York Times la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova. Nous les soutenons et nous continuerons de les soutenir. »

Washington préoccupé

La nouvelle de l’intensification de la présence militaire de la Russie en Syrie a suscité l’inquiétude de Washington qui se trouve, depuis août 2014, à la tête de la coalition internationale luttant contre l'État islamique (EI), groupe terroriste qui contrôle d’importants territoires en Syrie et en Irak.

Le 5 septembre, le secrétaire d'État américain John Kerry a appelé son homologue russe, Sergueï Lavrov, pour évoquer le problème. Selon John Kerry, l’accroissement du nombre de militaires et de matériels russes dans la région risque d’exacerber le conflit et de déboucher sur la mort d’un grand nombre de civils, sur l’augmentation du flux de réfugiés et sur un risque de confrontation avec la coalition en lutte contre l’EI.

Washington a également demandé à la Grèce, son alliée au sein de l’Otan, de fermer son espace aérien aux vols de l’aviation russe à destination de la Syrie. Le ministère grec des Affaires étrangères a confirmé avoir reçu la demande des États-Unis et a déclaré qu’il l’examinerait prochainement.

Conserver une bonne image dans la région

Les experts estiment que l’intensification supposée de la présence militaire de la Russie en Syrie pourrait être due avant tout à la nécessité d’aider le président syrien Bachar Al-Assad. « Depuis plus de quatre ans et demi, Moscou soutient le régime légitime en Syrie en la personne de Bachar Al-Assad, a déclaré à RBTH Tatiana Tioukayeva, experte de l’agence analytique Politique extérieure et enseignante à l’Institut des relations internationales de Moscou. Compte tenu de la politique des États-Unis, qui forment des groupes de l’opposition syrienne, du soutien par la Turquie et l’Arabie saoudite des opposants, parmi lesquels on trouve des extrémistes, et de la déclaration de Bachar el-Assad sur les difficultés qu’éprouvent les forces de son régime en raison du manque de cadres et d’armements, les informations sur l’accroissement du contingent militaire de la Russie en Syrie semblent logiques. Moscou garde ainsi sa bonne image de partenaire fiable ayant une position immuable, ce qui est important pour la région. »

Daniel Pipes, président du Middle East Forum, objecte. Dans un commentaire pour RBTH, il fait remarquer que « les actions de la Russie en Syrie visent non pas à soutenir le régime de son partenaire Assad, mais à se faire valoir aux yeux de l’Iran et à irriter l’Amérique ». Rappelons que l’Iran est le principal allié du régime syrien dans la région, et que les troupes iraniennes ont participé plus d’une fois aux combats aux côtés de l’armée de Bachar el-Assad.

Sauver Assad et les autres

« Le soutien de Bachar el-Assad n’est pas l’unique objectif de la Russie en Syrie, affirme Mark Galeotti, professeur du Centre pour les affaires mondiales de l’Université de New York. Les activités actuelles de la Russie reflètent tant son inquiétude croissante face au danger réel que présente l’EI, qui commence à s’infiltrer dans le Caucase du Nord, que l’espoir de la Russie à trouver une issue à « l’impasse diplomatique » dans ses relations avec l’Occident, en faisant front commun contre l’EI. »

Les experts rappellent les déclarations qui mentionnent depuis longtemps la nécessité d’une large coalition pour organiser une opération terrestre. « Le composant essentiel de l’initiative russe est la participation de Damas à cette coalition antiterroriste, la Syrie étant l’un des rares acteurs de la région à être vraiment intéressé à la victoire sur l’EI et à lutter depuis plusieurs années, et ce non sans succès, contre les islamistes », a souligné Tatiana Tioukayeva.

« Notre proposition est d’unir les forces de tous les acteurs étrangers, de tous les voisins de la Syrie, de tous les représentants de la coalition d'opposition, de tous ceux qui sont impliqués », a noté Maria Zakharova en précisant au New York Times le sens de l’initiative russe.

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