L’opinion et les experts russes suivent de près la situation dans une Europe débordée par l’afflux des réfugiés, les migrations revêtant aujourd’hui un caractère global.
Le problème est d’une grande actualité pour la Russie qui vit un processus « trois en un » : elle est un pays d’accueil, un pays de départ en masse et un pays de transit. En effet, elle vient de voir déferler sur elle une vague de migrations et a accueilli environ un million de réfugiés ukrainiens, ce qui est comparable d’après son ampleur à la crise qui continue de monter en puissance en Europe.
Il faut dire que le problème des migrations n’est pas nouveau pour l’Europe. Ces dernières années, l’arrivée d’immigrés clandestins allait croissant sur fond de crises économiques et d’instabilité politique à la périphérie de l’UE. Cependant, l’apparition de l’Etat islamique (EI) et l’escalade du conflit au Proche-Orient ont déclenché une véritable crise qui a pris l’Europe au dépourvu. Et ce, pour plusieurs raisons.
Premièrement, bien que les documents nécessaires aient été élaborés et que le Conseil de l’Europe ait défini les mesures à prendre, celles-ci sont appliquées très lentement. Deuxièmement, les mécanismes bureaucratiques de concertation et de prise de décisions sont très lourds. Troisièmement, une absence de volonté politique est évidente chez une partie de l’establishment. Enfin, quatrièmement, nous constatons une lutte entre différents points de vue sur l’avenir de l’UE : de l'ultralibéral au sceptique.
Cela étant, il s’avère que les pays européens ne sont pas prêts à agir de concert ni à assumer une responsabilité commune, ce qui a dérouté la direction de l’UE. Désormais, chacun des pays cherche sa propre solution.
A mon avis, l’Europe a besoin dans la situation actuelle de mesures dirigées tant vers l’intérieur que vers l’extérieur. Pour ce qui est des efforts internes, les pays européens doivent revenir sur le Règlement Dublin, qui détermine l’Etat membre de l’UE en charge d'examiner les demandes d’asile, et uniformiser les règles et les procédures d’examen de telles requêtes.
Au niveau de la politique étrangère, il est indispensable de prendre des mesures administratives et coercitives pour consolider les frontières. Par exemple, patrouiller les frontières maritimes et renforcer la lutte contre les contrebandiers afin d’empêcher des accidents meurtriers. En outre, il importe d’aider les pays de départ de ces réfugiés afin de réduire le nombre de ces derniers. L’UE et l’ONU sont tenues d’accorder une aide aux migrants concentrés en Libye, principalement sur la côte.
Pour ce qui est d’un avenir prévisible, il faut s’attendre à ce que l’Europe accueille ceux qui sont déjà arrivés, bien que cela comporte d’importants risques. Il s'agit, avant tout, du danger terroriste, car il peut y avoir des extrémistes parmi les réfugiés. Parmi les autres menaces figurent les conflits interethniques susceptibles d'éclater entre différents groupes d’immigrés qui, récemment encore, étaient des deux côtés des barricades, l’hostilité de la population locale vis-à-vis des réfugiés et une crise de la politique du pluriculturalisme. On pourrait également faire face à une montée de l'extrémisme dans la société.
Cette affluence de réfugiés est une épreuve pour l’UE, sur fond de doutes croissants concernant Schengen et les valeurs européennes. Toutefois, l’UE tiendra bon, il ne faut pas en douter. Mais elle deviendra autre et une longue gueule de bois attend ses hommes politiques. Ces derniers comprendront que de nouvelles réalités doivent désormais être prises en compte, coûte que coûte.
Vladimir Zorine est le directeur adjoint de l’Institut d’ethnologie et d’anthropologie de l’Académie des sciences de Russie, membre du Conseil des relations interethniques auprès du président de Russie.
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