La France renonce au gaz de schiste : une bonne nouvelle pour la Russie ?

AFP / East News
Le gouvernement français a proposé d’interdire l’importation de gaz de schiste. Selon des experts, si cette décision devait être adoptée, elle favoriserait les compagnies russes.

Les autorités françaises étudient la possibilité d’interdire l’importation de gaz de schiste des Etats-Unis, a déclaré Ségolène Royal, ministre de l’Economie et de l’Energie, citée par l’agence Reuters. D’après la ministre, la question porte sur le gaz naturel liquéfié en provenance des Etats-Unis.

En effet, depuis le 1er juillet 2011, la France a interdit l’exploitation de gaz par fracturation, et il est question d’étendre cette interdiction aux importations.

Deux compagnies françaises, EDF et Engie, ont conclu des contrats d’importation de gaz américain. Les premières livraisons de gaz naturel liquéfié doivent arriver au port de Dunkerque à l’été 2016. Environ 40% de ces importations sont constituées de gaz de schiste. « Ces compagnies [françaises] devront se réorienter vers d’autres marché de façon à n’importer que du gaz produit de façon traditionnelle », a déclaré Mme Royal.

Selon certains experts, une telle décision de la France pourrait renforcer les positions des compagnies russes.

Bénéfices pour Novatek

Cette potentielle interdiction des importations de gaz américain renforcerait la position d’une autre compagnie française, Total, et de son partenaire russe, Novatek, principal producteur de gaz du pays.

La déclaration de la ministre française permettra de renforcer la position de Total contre EDF et Engie, explique Gueorgui Vachtchenko, directeur des opérations sur les marchés financiers russes de la société d’investissement Freedom Finance.

En particulier, la compagnie développe avec Novatek son propre projet de production de gaz naturel liquéfié sans fracturation au nord de la Russie, Yamal SPG, et n’a pas intérêt à voir apparaître des concurrents.

Selon Alexeï Kalachev, analyste expert chez Finam, le géant gazier russe Gazprom maîtrise lui aussi la fracturation hydraulique et l’utilise même pour exploiter le gisement Markovsky en Sibérie. Par conséquent, en cas d’interdiction des importations dans l’Hexagone du gaz obtenu par cette méthode, la Russie pourrait, tout comme les Etats-Unis, perdre par le biais de Gazprom un client important, si le gaz obtenu par fracturation était livré à l’Europe.

Effet sur Gazprom

Le gaz russe couvre environ un quart de la demande française, le pays est le cinquième consommateur de gaz russe en Europe, et les autorités françaises ne s’étaient jusqu’alors jamais intéressés à la méthode de production du gaz russe, explique Alexeï Kalatchev. Par comparaison, les volumes de gaz américain achetés par les compagnies françaises Engie et EDF semblent peu significatifs, affirme Alexeï Kalatchev.

« Le gaz russe livré par pipeline revient moins cher à l’Union européenne que celui acheté aux Etats-Unis », ajoute Ivan Kapitonov, doyen de la Haute école de management des entreprises de l’Académie russe de l'économie nationale. Ainsi, selon lui, le refus des français d’importer du gaz américain pourrait être moins lié à des considérations écologiques ou politiques qu’à des impératifs économiques.

Quoi qu’il en soit, en cas d’interdiction d’importer du gaz de schiste, Gazprom perdra un concurrent important en Europe, ajoute M. Kapitonov.

En avril 2016, la compagnie américaine Cheniere Energy a livré le premier chargement de gaz américain sur le continent européen, au Portugal. De plus, les compagnies américaines sont prêtes à construire des terminaux flottants de réception et de stockage de gaz naturel liquéfié près des côtes grecques et croates. Les consommateurs de ce gaz seraient les pays des Balkans et d’Europe de l’Est, consommateurs traditionnels de gaz russe.

Cependant, les volumes attendus d’importations de gaz américain sont nettement inférieurs aux prévisions concernant le combustible russe. Selon les accords signés avec les compagnies françaises, le volume des importations de gaz américain doit s’élever au moins à 770 000 tonnes, soit environ 1 milliard de mètres cubes par an.

À titre de comparaison, Gazprom a exporté en France 9,7 milliards de mètres cube de gaz en 2015, affirme Boris Gorodilov, directeur du département d’analyses de Conomy.

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