Gazprom se plie aux exigences de l’Union européenne

Des installations de stockage de gaz d'Incukalns, en Lituanie, le 5 octobre 2007.

Des installations de stockage de gaz d'Incukalns, en Lituanie, le 5 octobre 2007.

EPA
Le géant pétrogazier russe a décidé de vendre sa part dans les actifs lettons afin de se conformer aux règles du Troisième paquet énergie.

La holding russe Gazprom accepte de vendre ses actifs dans la société lettonne Latvijas Gaze, dont elle est le plus grand actionnaire avec une part de 34%. Il est prévu de former sur la base de la société deux filiales dont l’une s’occupera de la vente et de la distribution du gaz et l’autre du stockage et du transport, annonce le journal des milieux d’affaires Kommersant. Ainsi, Gazprom accepte pour la première fois les modalités du Troisième paquet énergie en Europe. Ce document qui prévoit la séparation des réseaux de production et de distribution d’énergie est à l’origine de l’arrêt du projet South Stream fin 2014. Ce gazoduc devait relier la Russie à l’Europe par une conduite posée au fond de la Baltique. Toutefois, le géant russe explique les exigences européennes par la conjoncture politique.

Raisonsprincipales

Gazprom n’a pas cherché à contester les modalités du Troisième paquet énergie en Lettonie suite à une expérience négative en Lituanie voisine, expliquent les analystes. En 2012, sur exigence de la Commission européenne, la société Lietuvos dujos, dont 37% appartenaient à Gazprom, a été divisée de force. Le géant russe a même saisi à la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI) pour poursuivre la Lituanie et en et obtenir l’annulation du partage de Lietuvos dujos. En 2014, Gazprom a décidé d’abandonner et a vendu ses actifs lituaniens pour 164 millions de dollars. « En 2012, Gazprom a déjà participé à des procès et des guerres en coulisse et ne veut plus répéter sa triste expérience », a indiqué le directeur général de la communauté analytique ThetaTrading, Dmitri Ederman. Selon lui, un nouveau procès n’aurait donné aucun résultat tout en coûtant très cher.

Qui plus est, Gazprom a réalisé qu’il pourrait vendre efficacement son gaz en Lettonie et en Lituanie à des prix avantageux, indépendamment du contrôle des infrastructures. Du 15 au 17 mars, Gazprom export, l’opérateur de Gazprom, a organisé des enchères, les deuxièmes de son histoire et les premières dans les pays baltes. A leur issue, il a vendu aux consommateurs de la région 420 millions de mètres cubes de gaz, soit plus de 10% de ses livraisons annuelles. A titre de comparaison, on peut citer les chiffres de 2015, quand Gazprom export avait fourni 4 milliards de mètres cubes de gaz aux pays baltes. « Les prix ne sont pas dévoilés, mais à en juger d’après les commentaires positifs des représentants de la multinationale, ils ont été intéressants », a expliqué Alexeï Kalatchov, analyste chez Finam. D’après lui, Gazprom a compris que pour assurer le succès de ses affaires, il n’avait nullement besoin de contrôler les infrastructures et qu’il ne perdait rien en renonçant à Latvijas Gaze.

Nouvelledonne

La réorganisation de la présence de Gazprom en Lettonie signifie que le géant russe est prêt à jouer d’après les nouvelles règles. « Le Troisième paquet énergie change les règles du jeu sur le marché gazier européen en excluant tout monopole, tant dans l’ensemble de l’Europe que dans chaque pays de l’Union européenne », a poursuivi Alexeï Kalatchov. Selon lui, Gazprom a le choix : il peut soit s’y opposer et lutter, soit assimiler dans les nouvelles règles et apprendre à en profiter. Qui plus est, d’après l’analyste de la société d’investissement IC Premier, Ilia Balakirev, la décision de Gazprom peut traduire sa disposition à « être sage comme une image » compte tenu de Nord Stream 2, car le projet doit encore obtenir l’aval de la Commission européenne. La conduite d’une capacité de 55 milliards de mètres cubes de gaz par an passera par le fond de la Baltique et reliera la Russie à l’Allemagne. Avec le premier tronçon de ce gazoduc, les livraisons de gaz en Allemagne doubleront pour atteindre 110 milliards de mètres cubes par an. 

« L’offensive contre la multinationale pourrait se poursuivre et Gazprom sera éventuellement obligé avec le temps de céder le transport et la maintenance des tuyaux en Europe à ses partenaires », estime Gueorgui Vachtchenko, chef du département des opérations sur le marché des titres russes chez Freedom Finance. Le géant russe devra alors se concentrer uniquement sur la vente du gaz, a-t-il indiqué.

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