Une employée de l'imprimerie de billets de banque de Perm inspecte la qualité de l'emballage d'une liasse de billets.
RIA Novosti/Maxim BogodvidLe 12 novembre à Sébastopol (Crimée), Gueorgui Lountovski, vice-président de la Banque centrale de Russie, a annoncé l’impression prochaine de billets de banque pour un volume monétaire estimé à 14 milliards d’euros.
Selon la Banque centrale, le montant total des liquidités en Russie a dépassé 107,7 milliards d’euros le 1er octobre.
Elvira Nabioullina, gouverneur de la Banque de Russie, a expliqué que la décision d’émettre des billets était liée à une demande saisonnière cyclique (d’espèces), caractéristique de la fin de l’année.
D’où provient le manque de liquidités ?
Selon les statistiques de la Banque centrale, le volume des liquidités augmente chaque année en décembre, avant de chuter à nouveau en début d’année.
Ainsi, en décembre 2014, le montant des liquidités a augmenté de 12,7 milliards d’euros, atteignant 122,9 milliards d’euros. Fin janvier 2015, ce chiffre est retombé à 107,5 milliards d’euros.
Vladimir Tikhomirov, économiste au sein de BCS Financial Group, explique l’augmentation des liquidités par l’accroissement des dépenses budgétaires. « Habituellement en décembre, le budget augmente de 40% », déclare-t-il. De plus, en prévision des fêtes, la population commence à retirer activement de l’argent des comptes bancaires.
« La nouvelle réduction de la masse monétaire peut s’expliquer par des sorties de capitaux, par la conversion de roubles en monnaies étrangères, et par des transferts de comptes », explique Sergueï Grigorian, chef du département analytique de l’Association des banques russes (ASB).
Quelles conséquences ?
Selon Elvira Nabiullina, les émissions de billets n’ont « aucun effet particulier » en termes d’indicateurs monétaires dès lors que le régulateur prend en compte les paramètres de la demande de liquidités.
Plus tôt, le service de presse de la Banque centrale annonçait qu’« il ne s’agit pas d’une augmentation de la masse monétaire » (le montant total de l’argent dans l’économie du pays, sous formes d’argent comptant et d’argent dématérialisé - ndlr).
Toutefois, les experts interrogés par RBTH pensent que cela est impossible.
« Imprimer plus de billets et les mettre en circulation sans augmenter la masse monétaire est possible uniquement si l’on retire une partie des billets, par exemple les vieilles coupures. Mais le rapport de la Banque centrale n’évoque pas ce sujet », commente Sergueï Grigorian d’ASB.
« Il s’agit probablement du remplacement de 1 000 milliards provenant de dépôts bancaires par des espèces », estime Vassili Solodkov, directeur de l’Institut supérieur des études économiques.
Pour autant, M. Grigorian note que l’augmentation de la masse monétaire (M2 - notation de la Banque centrale) pourrait être bénéfique pour l’économie russe.
« Plus il y a d’argent, plus l’économie est forte, et en Russie, le ratio de M2 par rapport au PIB est extrêmement faible », précise Sergueï Grigorian.
La masse monétaire représente près de la moitié du PIB, soit 448,4 milliards d’euros contre 99,3 milliards d’euros au début d’année.
A titre de comparaison, en Chine, la masse monétaire représente le double du PIB.
« La Banque centrale appréhende d’augmenter la masse monétaire, estimant que cela peut accélérer l’inflation. Cependant, des études de l’ARB (Association des banques russes) ont montré qu’en Russie l’inflation n’est pas monétaire, elle dépend des monopoles naturels », ajoute M. Grigorian.
Les banques ont-elles soif ?
Les experts interrogés par RTBH ont avancé d’autres explications. L’émission de nouveaux billets n’est pas liée à des lacunes en termes de trésorerie, mais bien à un manque de liquidités des banques, considère Alexandre Abramov, chercheur au Centre d’analyse des systèmes financiers RANEPA.
L’expert cite des statistiques de la Banque centrale. Au début de l’année, la base monétaire (les dettes bancaires) était de 158,2 milliards d’euros et au 1er novembre elle a rechuté à 135,7 milliards d’euros. « Jusqu’à présent, pour augmenter leurs liquidités, les banques empruntaient par le biais d’opérations de rachat d’actions (transaction avec une promesse de rachat ou de vente après une certaine période de temps et à un certain prix, ndlr). Toutefois, en raison de taux d’intérêts élevés (11 %), les banques ont cessé d’utiliser cet outil », ajoute l’expert. « Afin que les banques aient un fonds de roulement suffisant pour les dépôts et les prêts, la Banque centrale a décidé de mettre à disposition des fonds essentiellement libres », indique Alexandre Abramov. En mars, Ksenia Youdaïeva, premier vice-gouverneur de la Banque de Russie, notait que le régulateur ne voyait pas de risque d’accélération de l’inflation suite à la mise en route de la planche à billets.
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