Les raffineries européennes ont commencé à acheter de grandes quantités de pétrole à l’Arabie saoudite, écrit le journal en ligne russe Gazeta.ru, citant une source dans le secteur pétrolier. Selon l’agence Reuters, ces derniers mois, la compagnie américaine Exxon, l’anglo-néerlandaise Shell, la française Total et l’italienne Eni ont augmenté leurs achats de pétrole saoudien pour leurs usines en Europe de l’ouest et en méditerranée.
Le 13 octobre, Igor Setchine, dirigeant de Rosneft, la plus importante compagnie pétrolière de Russie, a déclaré que l’Arabie saoudite avait commencé à vendre son pétrole à la Pologne, et pratiquait un dumping sur les prix.
« Le pétrole d’Arabie Saoudite se trouvait déjà sur le marché européen. En 2010, environ 10% des exportations de pétrole saoudien se faisaient vers l’Europe, soit environ 30 millions de tonnes », commente, dans un communiqué destiné aux médias, Alexandre Passetchnik, responsable du centre d’analyses du Fond de Sécurité Energétique Nationale (FNEB). D’après lui, il est surtout question d’un nouveau corridor logistique.
« Le port polonais de Gdansk a commencé à recevoir des livraisons d’or noir saoudien. Il se peut qu’il s’agisse d’un prélude à une augmentation de leur coopération, et en conséquence, cela présente des risques évidents pour la Russie », affirme l’expert.
Les experts interrogés par RBTH considèrent que cette expansion sur le marché européen est l’une des décisions les plus logiques pour l’Arabie saoudite, car les pays membres de l’OPEP n’ont pas l’intention de réduire le volume de leurs livraisons. « Pour ne pas saturer un marché déjà restreint, il est beaucoup plus simple de l’élargir », explique Youri Prokoudine, analyste du portail Fx Bazooka.
« Dès que les sanctions juridiques contre Téhéran seront levées, le pétrole iranien affluera sur le marché européen. Il n’est pas impossible que ce soit la raison pour laquelle l’Arabie saoudite ait décidé de renforcer dès maintenant ses positions en Europe », affirme Alexandre Pasetchnik.
« Les conditions précises des livraisons ne sont pas encore connues, mais on peut supposer d’après la situation actuelle sur le marché qu’un baril de pétrole en provenance d’Arabie saoudite coûtera aux acheteurs européen entre 48 et 49 dollars, c’est-à-dire de 4 à 5 dollars moins cher qu’un baril de pétrole russe de marque Urals », affirme Youri Prokoudine. Il ajoute également que l’Arabie saoudite pourrait potentiellement proposer une réduction supplémentaire de 0,5 à 1 dollar.
À l’heure actuelle, la Russie couvre environ 25% des besoins de l’Europe en pétrole. Au cours de l’année écoulée, les volumes ont augmenté de plus de 5,5%, à 97,6 millions de tonnes. Selon M. Prokoudine, la Russie pourrait perdre un tiers de ce volume au cours de l’année à venir.
Cependant, Alexandre Passetchnik suppose que la croissance des livraisons saoudiennes est plus un signal d’alarme adressé à la Russie qu’une véritable menace. « Pour que les usines européennes se réorganisent de façon à fonctionner avec le pétrole saoudien, des investissements seront nécessaires dans les raffineries et les changements de logistique, et cela représente des délais supplémentaires. Et même des prix plus bas pour ce pétrole peuvent ne pas couvrir les investissements nécessaires », fait remarquer l’analyste du FNEB.
Si la Russie commence à perdre ses parts du marché européen des hydrocarbures, les livraisons à la Chine pourraient théoriquement remplacer ce volume perdu, car les prévisions indiquent que le volume des achats augmentera de 3,2% par an.
Par ailleurs, il existe le risque qu’à long terme, la Russie soit confrontée à un manque d’investissements dans le secteur et à une chute de sa production pétrolière. C’est l’un des scénarios envisagés par le ministère russe de l’Energie. Une baisse de la quantité de pétrole exploité menacerait la capacité du pays à répondre à la demande asiatique.
« De plus, nos partenaires asiatiques ne sont pas encore techniquement prêts pour les exigences supérieures du pétrole russe », fait remarquer Alexandre Passetchnik, « et de ce fait le marché européen reste crucial pour la Russie ».
La source du journal Gazeta.ru considère que « la concurrence des prix sur le marché européen mènera finalement, soit à une baisse des prix de l’Ural russe, soit à une perte de parts de marchés par la Russie ».
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.