Les «Sorcières de la nuit» aux trousses de l’aviation allemande

Maria Dolina, commandant par intérim d'un escadron du 125e régiment.

Maria Dolina, commandant par intérim d'un escadron du 125e régiment.

Domaine public
Les nazis les appelaient «les sorcières de la nuit», les Français du régiment Normandie-Niémen «les magiciennes de la nuit» et les Russes «les sœurettes». Les escadrilles du régiment féminin étaient composées exclusivement de jeunes femmes et pourtant, elles inspiraient une peur bleue aux Allemands.

Durant les premiers mois après l’attaque surprise de l’Allemagne nazie contre l’Union soviétique (en juin 1941), le gouvernement du pays a reçu une grande quantité de lettres de la part de femmes pilotes d’écoles et de clubs aériens et de structures de l’aviation de transport. Elles ne demandaient toutes qu’une chose : les envoyer en mission afin de combattre comme les hommes.

Marina Raskova, détentrice du titre Héros de l’Union soviétique, célèbre pour son vol sans escale depuis Moscou jusqu’aux régions extrême-orientales du pays à bord d’un Tupolev ANT37 « Patrie », a avancé l’idée de mettre en place un régiment féminin. Les fonctionnaires l’ont écoutée et ont promis de réfléchir. Toutefois, la pratique mondiale de l’aviation ne connaissant aucun précédent, l’idée a été largement contestée. Or, les lettres ne cessaient d’affluer…

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Marina Raskova a finalement réussi à obtenir l’autorisation de Staline de former un régiment aérien féminin. Les demandes des volontaires ont commencé à être acceptées dès l’automne 1941. À l’issue d’une formation accélérée, il fut possible de former le 46e régiment, qui est devenu l’unique régiment féminin au monde de bombardiers de nuit.

Le premier ordre donné aux jeunes femmes était de se faire faire « une coupe garçonne », en laissant dépasser les cheveux devant « jusqu’à la moitié de l’oreille ». Pour garder les cheveux longs, il fallait obtenir l’autorisation personnelle de Marina Raskova. Cependant, personne ne s’est adressé à elle pour une telle « futilité ».

Le 27 mai 1942, le régiment des Sorcières de la nuit comptant 115 jeunes femmes de 17 à 22 ans est arrivé au front. La première sortie a été accomplie le 12 juin. 

«Pour Liouba!», «Pour Véra!»

Les jeunes femmes avaient à leur disposition de petits biplans Polikarpov Po2. Du fait de l’emploi de ces appareils comme avions agricoles, on les surnomma « koukourouznik » (terme dérivé du mot koukourouza qui signifie en russe maïs) ou encore « étagère » (en raison de leur forme rappelant ce meuble). Avant la guerre, c’était aussi un avion d’entraînement.

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La cabine, ouverte et munie seulement d’un pare-brise en plexiglas transparent, ne pouvait protéger son équipage ni contre les balles, ni même contre le vent. Il n’y avait aucune liaison radio. L’avion volait à une vitesse de 120 km/h seulement et à une altitude de 3 km. L’unique arme était un pistolet TT. Les appareils n’ont commencé à être dotés de mitrailleuses qu’en 1944.

Les bombes étaient directement suspendues sous l’avion qui ne pouvait pourtant pas en emporter beaucoup. Toutefois, elles étaient larguées avec une haute précision. Les bombes plus petites étaient placées directement sur les genoux du copilote qui les lançait par-dessus bord.

Les jeunes femmes effectuaient les attaques en pleine nuit, jusqu’à dix par nuit. À l’approche des positions allemandes, elles coupaient le moteur et réalisaient le bombardement en vol plané. Elles transportaient aussi des chargements pour les partisans : médicaments, munitions, produits alimentaires et courrier.

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Les Allemands qualifiaient ces avions de « contreplaqué » en raison de la fabrication de l’avion à partir de bois. Pour chaque avion abattu, tout aviateur allemand était décoré de la plus haute distinction, la Croix de fer.

Les pilotes réalisaient des inscriptions sur les bombes, telles que « Pour la patrie ! ». Après avoir perdu les premières camarades, elles préférèrent écrire les noms de celles-ci : « Pour Liouba ! » ou « Pour Véra ! » 

Qui étaient en réalité les Sorcières de la nuit?

L’équipage d’un Po2 était constitué du pilote et du navigateur. Pour ce dernier, il s’agissait principalement d’étudiantes d’écoles supérieures. Paulina Guelman étudiait en fac d’histoire, Irina Rakobolskaya en fac de physique de l’Université Lomonossov de Moscou, Raïssa Aronova s’était inscrite à l’Institut d’aviation de Moscou. Ces jeunes filles instauraient un climat particulier dans le régiment : elles organisaient des conférences, éditaient un journal et écrivaient des poèmes.

Le 46e régiment aérien était commandé par Yevdokia Berchanskaya, l’unique femme décorée de l’ordre militaire de Souvorov. Le régiment a combattu sous ses ordres jusqu’à la fin de la guerre. Les pilotes du 46e régiment de Taman décoré de l’ordre du Drapeau Rouge et de l’ordre de Souvorov ont effectué environ 24 000 missions de combat.

Les jeunes filles ont fêté le jour de la Victoire près de Berlin. Elles se sont souvenues de leurs camarades qui n’ont pas eu la chance de vivre jusqu’à ce jour. Trente-trois jeunes femmes ont trouvé la mort dans les combats pour la patrie. Neuf pilotes se sont vu décerner le titre de Héros de l’Union soviétique.

Prenez en outre connaissance des quatre opérations les plus impressionnantes du maître-espion de Staline.

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