Les nouveaux noms du cinéma russe à Honfleur

Encaisseur d'Alexeï Krassovski.

Encaisseur d'Alexeï Krassovski.

Kinopoisk.ru
Honfleur accueille du 22 au 27 novembre le 24e Festival du cinéma russe. Le jury, traditionnellement composé de Français uniquement, sera présidé par l’écrivain et réalisateur Frédéric Beigbeder. À la veille de cette manifestation, le critique de cinéma Valéry Kitchine évoque les films en compétition et les pellicules hors concours.

La 24ème édition du Festival du cinéma russe à Honfleur proposera aux spectateurs une large gamme de films modernes, appréciés tant en Russie qu’à l’étranger, ce qui témoigne de l’arrivée en force d’une « nouvelle vague ». Chaque année, plus de 30% des films de fiction sont des premières œuvres. Et 30% sont des films de jeunes réalisateurs venant de prendre leur élan. Le cinéma a vu débarquer une nouvelle génération, de nouveaux noms et de nouvelles voix dont certaines sont représentées au programme du festival.

Encaisseur d'Alexeï Krassovski. Crédit : Kinopoisk.ruEncaisseur d'Alexeï Krassovski. Crédit : Kinopoisk.ru

Parmi les films en compétition, il faut sans doute retenir L’Encaisseur du débutant Alexeï Krassovski, un monodrame de l’acteur Konstantin Khabenski qui est constamment présent à l’écran en faisant planer un véritable suspense psychologique.

Son héros est un spécialiste du recouvrement de dettes qui doit déstabiliser ses clients pour les contraindre à rendre l’argent. Jusqu’au jour où il devient à son tour la cible de la veuve de l’une de ses victimes qui s’est suicidée. La situation se retourne en quelques minutes et pour échapper au châtiment, il doit prendre l’unique bonne décision.

L’action se déroule en temps réel dans un bureau vide où le personnage reste seul avec son téléphone. Pourtant, le film ne semble pas désert, loin de là, car le caractère de chacun des héros que nous ne voyons pas est décrit de manière très expressive et précise.

Terrain d'Edouard Bordoukov. Crédit : Kinopoisk.ruTerrain d'Edouard Bordoukov. Crédit : Kinopoisk.ru

Un autre débutant, Edouard Bordoukov, a tourné sans doute le plus gros succès de l’année : son film orienté vers les jeunes Le Terrain a entamé une véritable marche triomphale à travers les festivals où il rafle les Grands Prix. Ancien sportif, Edouard Bordoukov a consacré son film au football de rue : deux équipes vont s’affronter, l’une locale et l’autre composée de migrants qui n’ont pas réussi à trouver leur deuxième patrie à l’étranger.

Le terrain d’un jeu pacifique devient celui de la confrontation interethnique. Le film sportif par sa forme tourne au drame par son contenu en présentant les défis du temps lancés aujourd’hui non seulement à la Russie, mais à toute l’Europe.

 Rag Union de Mikhaïl Mestetski. Crédit : Kinopoisk.ru Rag Union de Mikhaïl Mestetski. Crédit : Kinopoisk.ru

Le début du dramaturge Mikhaïl Mestetski en qualité de réalisateur est également un succès. Sa comédie Rag Union a fait son entrée à la Berlinale 2016. L’opus recense les souvenirs de l’auteur sur l’âge où l’esprit de rébellion prenait le dessus et où une bande d’adolescents s’inventait ses propres lois. C’est l’esprit d’extravagance charmante de cette époque.

Cette gaieté folle faisait naître le mouvement des « hippies russes » qui mêlait marxisme, anarchie et chrétienté, qui proclamait qu’une idée vaut la vie, une pensée paradoxale affirmant qu’il n’y a rien de sacré, mais où tout est sacré. Le film regorge de passages comiques et de gags.

Et si la vieille génération de réalisateurs a perdu pied dans les nouvelles conditions économiques au lendemain de la chute de l’URSS, les jeunes apprennent dès les premiers pas à rester à flot et à faire un film avec un budget minimal.

Poisson-rêve d’Anton Biljo. Crédit : Kinopoisk.ruPoisson-rêve d’Anton Biljo. Crédit : Kinopoisk.ru

La comédie noire Le Poisson-rêve (début d’Anton Biljo) est un exemple de film ambitieux mais à petit budget qui est partiellement le fruit du financement participatif. C’est l’histoire d’un correcteur d’édition qui quitte Saint-Pétersbourg et arrive dans une petite ville d’Estonie pour travailler tranquillement sur une encyclopédie de poissons de la mer Baltique. Cependant, une rencontre inattendue va tout bouleverser.

Les temps sont très difficiles pour le « chouchou » des critiques, le cinéma d’auteur : les ressources et les spectateurs se font rares. Les jeunes réalisateurs tentent de réconcilier les points de vues originaux et le désir du grand public d’un spectacle captivant, ce qui ramène le cinéma russe, lentement mais sûrement, vers les films de genre, et les trames approuvées dans le monde entier.

Jour d’avant. Crédit : Service de presse du festivalJour d’avant. Crédit : Service de presse du festival

Le sujet de la fin de notre civilisation est depuis longtemps présent dans le cinéma international et un groupe de six réalisateurs russes a décidé de tourner sa propre version de Melancholia de Lars von Trier. C’est le thriller fantastique Le Jour d’avant : une comète va percuter la Terre et les gens de différentes régions de Russie passent, chacun à sa manière, la dernière journée de leur vie.

Petit oiseau de Vladimir Bek. Crédit : Service de presse du festivalPetit oiseau de Vladimir Bek. Crédit : Service de presse du festival

Le réalisateur Vladimir Bek, 23 ans, rend optimiste par son humeur frais et un nouveau regard dans son film Petit oiseau qui évoque le premier amour dans une colonie de vacances.

Dislike de Pavel Rouminov. Crédit : Kinopoisk.ruDislike de Pavel Rouminov. Crédit : Kinopoisk.ru

Enfin, le film le moins évident de la compétition est Dislike de Pavel Rouminov, une tentative de greffer le film d’horreur sur le sol russe. Plusieurs vidéo-blogueurs, ou vlogueurs, du Web russe sont réunis dans une luxueuse villa sans aucune connexion avec le monde extérieur pour se voir poser une seule question : qui a commandité votre meurtre ? Le film a connu un accueil controversé avec une vague de critiques, mais a également vu naître une armée d’amateurs de slashers, un genre encore exotique pour le cinéma russe.

Dans le programme hors concours, il faut citer le film dérangeant et explosif de Kirill Serebrennikov Le Disciple, qui a été récompensé par le Prix François Chalais 2016, le documentaire d’Evguenia Tirdatova consacré à la star du ballet russe Rudolf Noureev, ainsi que Le Duelliste d’Alexeï Mizguiriov diffusé avec succès à la Semaine du cinéma russe de Los Angeles.

Andre&iuml; Roublev d&rsquo;Andre&iuml; Tarkovski.nCr&eacute;dit : Kinopoisk.ru<p>Andre&iuml; Roublev d&rsquo;Andre&iuml; Tarkovski.</p>n
Duelliste d&rsquo;Alexe&iuml; Mizguiriov.nCr&eacute;dit : Kinopoisk.ru<p>Duelliste d&rsquo;Alexe&iuml; Mizguiriov.</p>n
 
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Il convient de relever également le choix de films pour le programme Moscou mon amour qui présente un portrait de la capitale retracé dans des films de fiction par des auteurs russes et étrangers. Sans oublier les grands classiques restaurés comme La Ballade du soldat de Grigori Tchoukhraï, Andreï Roublev d’Andreï Tarkovski et la fantasmagorie de Karen Chakhnazarov La Ville Zéro.

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