Les « expats » se cherchent une place sur le marché russe de l’emploi

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Les sociétés russes réduisent le nombre de salariés étrangers, tandis que les cabinets de recrutement constatent qu’il y a toujours plus de CV d’expatriés. Les raisons sont tant économiques que géopolitiques.

Depuis novembre dernier, le nombre de CV placés par des spécialistes étrangers d’échelon intermédiaire a augmenté de 10% à 15%, constate Youri Dorfman, partenaire de l’agence de placement Cornerstone.

Au cours de l’année écoulée, le nombre d’emplois destinés aux expatriés a baissé au sein des sociétés russes de 30% à 40% en moyenne, ce qui a débouché sur un accroissement de même ordre du nombre de CV : « environ de 20% », confirme le directeur général de Manpower Group en Russie et dans les pays de la CEI (Communauté des Etats indépendants), Galina Melnikova.

Economiser sur les étrangers

Aujourd’hui, les sociétés sont obligées avant tout d’optimiser leurs dépenses, affirme Youri Dorfman.

Selon le sondage The Expat Explorer Survey, effectué tous les ans par la banque HSBC, la Russie s’est classée l’année dernière 17ème sur la liste des 34 pays à grande attraction économique pour les expatriés. En 2009, le pays était le premier sur la liste d’HSBC pour les salaires versés aux hauts responsables étrangers : 30% des personnes interrogées touchaient plus de 225 000 euros par an.

« En comparaison avec les Russes, un expatrié revient en moyenne deux à trois fois plus cher à une société, poursuit Youri Dorfman. Car outre le salaire, il faut lui accorder un appartement de standing, assurer sa relocalisation avec la famille, lui payer une assurance étendue et organiser toutes les formalités juridiques ».

« Qui plus est, les salaires des expatriés sont libellés en devises, ce qui, avec le cours actuel de l’euro et du dollar, revient bien plus cher aux employeurs qu’il y a, par exemple, un an », fait remarquer Roman Chikine, directeur du développement des affaires de l’agence de placement Kelly Services.

Le facteur Crimée

Il y a également l’aspect politique, poursuit Galina Melnikova. Dans certains endroits, les expatriés ne veulent pas rester, dans d’autres, ce sont les sociétés qui refusent de leur confier des postes à responsabilités. Autre problème : l’éventuelle impossibilité pour un étranger, dans le cadre des sanctions occidentales, de travailler notamment avec la Crimée.

Les ruptures se font toujours de façon civilisée, souligne Youri Dorfman. Dans la plupart des cas, il s’agit du refus de renouveler un contrat et non de licenciement. En effet, un contrat est signé en règle générale pour deux ou trois ans. Si le spécialiste n’a plus qu’un an ou six mois à travailler, la société préférera honorer le contrat que payer une forte amende pour la rupture de celui-ci.

Remplacerlesexpatriés

Selon les experts de la Haute école d'économie, environ 46 000 étrangers occupaient en 2013 les postes de directeurs d’entreprises et d’organisations. Environ 20 000 autres étaient spécialistes hautement qualifiés et 21 000 autres spécialistes de qualification moyenne. « Si de 2000 à 2008, le nombre de spécialistes des pays occidentaux était en hausse – avec une augmentation de 150% pour les Etats-Unis et de 60% pour l’UE -, la crise a déclenché le mouvement inverse : de 2008 à 2011, plus de 66% des spécialistes américains et 64% des spécialistes des pays de l’UE ont quitté la Russie », constatent les auteurs du compte rendu, Vladimir Karatcharovski et Gordeï Yastrebov.

Sergueï Solntsev, du laboratoire des études du marché du travail de la Haute école d'économie, rappelle que de 2000 à 2009, le nombre d’expatriés oscillait en moyenne entre 11,9% et 15,6%. La part de haut responsables étrangers dans les sociétés russes oscillait entre 5% et 10%. Pour ce qui est des compagnies étrangères, les expatriés y constituaient d’abord quelque 37% des cadres supérieurs, mais lors de la crise de 2008-2009, leur nombre a diminué à 25,7%-27,1%. Sergueï Solntsev lie cette dynamique à la saturation des sociétés en termes de cadres d’échelon supérieur ou à une plus grande confiance accordée aux spécialistes russes.

Marina Tarnopolskaya, partenaire gérante du cabinet chasseur de têtes Agence Contact, confirme que la mode liée au remplacement des étrangers par des cadres russes est observée même aux postes traditionnellement occupés depuis les années 1990 par des expatriés. « Autrefois, une société pouvait compter seulement deux Russes sur douze cadres supérieurs. Aujourd’hui, la part des expatriés parmi les responsables n’atteint qu’entre 20% et 30% », affirme-t-elle.

« Malgré la réduction évidente du nombre d’expatriés, je ne pense pas qu’ils seront entièrement évincés dans un avenir proche », déclare Youri Dorfman. Galina Melnikova estime pour sa part à 30 000 le nombre d’emplois qui pourraient revenir aux expatriés.

Texte intégral en russe publié ser le site de RBC Daily

 

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