Thierry Mariani
EPAUne délégation du parlement français arrivera jeudi en Crimée pour une visite de deux jours. Elle comprend dix députés de l’Assemblée nationale et un sénateur. Pour la Russie, ce voyage signifie une percée diplomatique : aucune délégation aussi représentative de parlementaires d’un des principaux membres de l’Union européenne ne s’est encore rendue dans la presqu’île depuis son intégration à la Russie. Les objectifs de la visite ont été formulés au journal Kommersant par Thierry Mariani, député Les Républicains des Français de l’étranger.
Kommersant : De qui est composée de la délégation ?
Thierry Mariani : Dix députés, notamment Nicolas Dhuicq et Jacques Myard, ainsi que le sénateur Yves Pozzo di Borgo. Huit sont membres du parti Les Républicains (centre-droit) de Nicolas Sarkozy, les deux autres représentant le centre et la gauche.
Quel est le programme de votre visite ?
Th.M.: Nous arriverons mercredi soir à Moscou. Jeudi, nous aurons des rencontres avec Sergueï Narychkine, le président de la Douma (chambre basse du parlement russe), puis à Yalta et à Sébastopol avec toutes les autorités locales, des associations représentatives des minorités pour savoir comment vit la population. Il y aura deux étapes franco-françaises : l’Alliance française de Sébastopol et le cimetière militaire français de Sébastopol (où reposent des militaires tués pendant le siège de la ville en 1854-1855, Kommersant), laissé à l’abandon et victime de la situation politique.
Avez-vous demandé l’avis des autorités ukrainiennes avant cette visite ?
Th.M.: Non. Et le Quai d’Orsay a fait savoir qu’il n’était pas favorable à cette visite. Mais les députés français sont libres de leurs décisions.
Avez-vous envisagé l’éventualité d’entrer en Crimée depuis l’Ukraine ou l’itinéraire vous arrange et vous vous rendrez dans la presqu’île directement depuis Moscou ?
Th.M.: L’itinéraire nous convient, on s’y rendra depuis Moscou. Pour ce qui est de la délégation, elle forme deux groupes : ceux qui, comme Yves Pozzo di Borgo, vont en Crimée pour y voir plus clair dans la situation, avoir des informations et parler à la population ; et ceux qui, comme Nicolas Dhuicq ou moi, reconnaissent les faits historiques, car pour nous l’adhésion de la Crimée est un fait étayé par le référendum et conforme à la réalité historique.
Le jour du référendum, plusieurs députés européens se sont rendus en Crimée, tout en soulignant qu’il s’agissait d’une initiative privée.
Th.M.: L’actuelle visite relève elle aussi de notre propre initiative. On ne parle ni au nom du gouvernement, ni au nom de l’Assemblée nationale.
Mais vous êtes des parlementaires français.
Th.M.: Les parlementaires français sont libres de leurs décisions. C’est dans la tradition parlementaire française. Les députés représentent une partie de la souveraineté nationale.
Cette visite constitue-t-elle un précédent ?
Th.M.: A ce que je sache, c’est la première visite d’une telle délégation. Nous avons évoqué la possibilité de l’effectuer avec Sergueï Narychkine et Leonid Sloutski (président de la commission de la Douma aux affaires de la CEI, Kommersant).
Etait-ce une invitation de la partie russe ?
Th.M.: Oui, nous avons été invités par la Fondation de paix de Russie à Paris et l’initiative a été appuyée par l’association Dialogue Franco-Russe qui est coprésidée par Vladimir Yakounine, PDG de Chemins de fer de Russie, et moi-même. Un soutien nous a été aussi fourni par la Douma dans le cadre de contacts interparlementaires.
Nombreux considèreront cette visite comme un symbole de la reconnaissance de l’adhésion de la Crimée par les politiques européens. Quelle est votre attitude ?
Th.M.: Je le souligne encore une fois, c’est une initiative privée de députés. On ne parle pas au nom de la France. D’autant plus qu’une partie de notre délégation s’y rend pour voir plus clair dans la situation. Cependant, l’autre constate la logique de cette adhésion : lutter contre l’histoire ne sert à rien. Autre point symbolique : c’est la première fois qu’une délégation aussi importante représente les forces politiques traditionnelles de France et non, par exemple, le Front National.
Propos recueillis par Galina Doudina, Kommersant
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