Des généticiens sibériens espèrent « soigner » la déficience mentale

Crédit : Alamy / Legion Media

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Les scientifiques sibériens ont découvert une mutation génétique susceptible de provoquer des troubles intellectuels chez les enfants. Ils espèrent qu’il sera possible à l’avenir de mettre au point des médicaments capables de « soigner » la déficience mentale.

Les scientifiques de l’Institut de recherches de la génétique médicale de Tomsk (Sibérie occidentale) ont découvert de nouvelles mutations sur les gènes qui influencent les fonctions du cerveau et entraînent un retard du développement mental et nerveux de l’enfant.

Les résultats de ces recherches ont été publiés par le magazine Molecular Cytogenetics. L’article décrit pour la première fois la mutation du gène CNTN6 avec lequel les généticiens de Tomsk lient l’apparition et le développement de certains troubles du cerveau.

Les dangereuses mutations du gène CNTN6

« La déficience mentale atteint aujourd’hui dans une plus ou moins large mesure 3% des enfants. Mais seul un faible pourcentage des syndromes sont décrits et liés à des troubles génétiques connus », raconte à RBTH Igor Lebedev, chef du groupe scientifique et l’un des auteurs de l’article.

Selon lui, les experts ont exclu dans leur étude les facteurs contribuant au développement des troubles, mais qui ne sont pas liés à la génétique : biochimiques, métaboliques et autres. Ils ont concentré leurs observations exclusivement sur les enfants présentant une déficience mentale aux causes indéfinies.

En analysant les génomes de ces enfants, ils ont découvert chez trois d’entre eux des mutations ressemblantes du gène CNTN6. Dans une famille, chez deux enfants présentant une déficience mentale, un secteur avec ce gène était absent sur l’un des chromosomes. Dans une autre, au contraire, l’enfant avait une copie supplémentaire dudit secteur.

« Le gène étudié influence la croissance des axones, ces longs prolongements fibreux du neurone qui conduisent l’influx nerveux, poursuit Igor Lebedev. Les mutations du gène CNTN6 n’étaient liées jusqu’ici qu’au développement de l’autisme, mais jamais aux troubles du cerveau. Chez les patients victimes de cette mutation, la déficience mentale atteint un degré différent, mais les données que nous avons obtenues laissent supposer l’importance de ces modifications du gène pour le fonctionnement du cerveau. »

Le projet d’étude de la génétique de la déficience mentale chez les moins de 18 ans a été réalisé à l’Institut de recherches de la génétique médicale de Tomsk de 2009 à 2012 avec le soutien du Septième programme cadre de l’Union européenne. Aujourd’hui, les études se poursuivent aux frais de la Fondation scientifique de Russie.

Comment « soigner » la déficience mentale ?

Ces trois enfants présentant une mutation ressemblante du CNTN6 avaient des troubles de la parole et des problèmes de perception, éprouvaient un ralentissement psychomoteur. Le frère et la sœur ont un squelette sous-développé et présentent certaines déviations, comme une tête non proportionnée ou un grand nez.

Le troisième enfant est physiquement presque normal, mais les médecins lui ont diagnostiqué en bas âge une capacité réduite de concentration et un retard de développement du langage.

« Fait intéressant : dans la deuxième famille, nous avons constaté le même mutation génétique chez le père et la grand-mère, explique Igor Lebedev. Seulement, chez ces deux adultes, la mutation du gène n’a entraîné aucune conséquence. Selon nous, il est important de savoir de qui est hérité le secteur concret du chromosome, du père ou de la mère. Malheureusement, le frère et la sœur de la première famille sont orphelins et nous n’avons pas eu l’occasion de vérifier si la mutation était héréditaire. »

Les scientifiques sont d’ores et déjà prêts à prévenir en pratique le développement de troubles liés à la mutation du gène chez l’embryon en cas de grossesse. « L’un des principaux objectifs de notre étude est de trouver les moyens de prévenir les changements génétiques conduisant à la déficience mentale », souligne Igor Lebedev. Actuellement, il est possible de le faire pour les familles qui ont déjà des enfants ayant des troubles intellectuels.

Pour cela, il faut faire une fécondation in vitro. « Si une telle famille souhaite avoir un enfant en bonne santé, nous pourrons prévoir d’éventuels troubles du fœtus, voire de l’embryon, avant l’implantation », fait-il remarquer à RBTH.

Les généticiens de Tomsk se penchent actuellement sur le fonctionnement des neurones lors des mutations génétiques. Pour ce, ils prévoient de cultiver, à partir des cellules souches obtenues des fibroblastes de la peau, des neurones afin de suivre la modification de leurs fonctions lors de « l’activation » du gène qui a muté.

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