Le designer russe qui rêvait de voitures volantes

La torche des JO de 2014, l’avion Soukhoï Superjet-100, le nouveau vaisseau spatial « Rus », ainsi que des dizaines d’automobiles circulant pratiquement partout dans le monde : ce ne sont que quelques-unes des réalisations du « designer du futur » russe Vladimir Pirojkov. Ce dernier, aujourd’hui à la tête d’un centre de conception et d’innovations industrielles à Moscou, rêve de développer un projet de voiture volante.

Vladimir Pirojkov. Crédit : Daria Kezina

« Les objectifs en matière de design industriel en Russie et en Occident sont différents. La Russie vise à atteindre un niveau compétitif pour que nos produits soient demandés dans n’importe quelle partie du monde. En Occident, les producteurs sont plus avancés technologiquement et leur but est de vendre plus d’articles de pointe que les autres », explique Vladimir. Il sait de quoi il parle : il a travaillé sur un nombre incalculable de projets aux quatre coins de la planète.

En Occident

Vladimir Pirojkov est né en 1968 dans la ville soviétique de Chisinau (aujourd’hui capitale de la Moldavie) dans une famille d’ingénieurs de père en fils, et a entrepris des études de design industriel à Sverdlovsk (actuelle Ekaterinbourg). Lors de sa quatrième année, Vladimir et un ami ont vu dans le journal la photo de Luigi Colani, bio-designer suisse connu dans le monde entier, posant devant une Chevrolet Corvette totalement blanche. Ils se mettent alors à rêver de suivre un stage auprès du maître. Ils y arrivent finalement en décrochant une lettre d’invitation de Colani et se rendent en Suisse.

À la fin de son stage, Vladimir a continué ses études à l’Art Center College of Design en Suisse, avant d’être engagé pour travailler dans le design d’intérieur au sein groupe automobile français Citroën.

Les Citroën C3 et C6 sont considérées comme ses travaux les plus réussis durant cette période. La C6 a été avant tout conçue pour le président français : l’équipe avait la tâche ardue de dessiner une super-voiture capable de faire mieux que la légendaire Citroën DS, utilisée par tous les présidents précédents et au bord de laquelle Fantomas, le plus génial des bandits des romans et films français, roulait et volait.

En 2000, il rejoint l’entreprise Toyota Europe Design Development à Nice en tant qu’expert. Vladimir y dirigeait la conception des futurs modèles pour la période 2020-2025 et a travaillé sur la création de voitures très populaires comme la Yaris, l’Avensis, la Corolla, la Celica, la Prius, le RAV4, ainsi que les concept-cars MTRC et UUV. Parmi les réussites personnelles du Russe, il faut notamment souligner ses best-sellers dans le domaine des « petites familiales » avec l’Auris et l’iQ (petit cube sur roues très sûr malgré son petit gabarit).

Retour au pays

Le retour de Vladimir Pirojkov au pays en 2007 a été rendu possible grâce à Guerman Gref, ministre russe du Développement économique et du commerce de l’époque (actuellement président et membre du conseil d’administration de la Sberbank). Le haut-fonctionnaire s’était rendu dans les bureaux de Toyota à Nice et a proposé à son compatriote de s’installer à Moscou, promettant de créer pour lui ni plus ni moins qu’un environnement de développement de pointe. Vladimir a donc fondé et pris la direction du centre de design et d’innovations industriels multisectoriel AstraRossa Design dans la capitale russe.

Crédit : Daria Kezina

« Lorsque je suis revenu en Russie, j’ai compris qu’on ne pourrait rien faire dans le secteur automobile car les principales entreprises ont été vendues à l’étranger ou se limitent à monter une série de modèles occidentaux. C’est d’ailleurs mon père qui a construit le producteur automobile AvtoVAZ. Mon grand-père, ingénieur également, avait créé une usine de couture à Ivanovo : lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, elle a multiplié sa productivité grâce aux manteaux et couvertures qu’elle confectionnait et qui étaient destinés au front. Aujourd’hui, c’est à mon tour d’apporter ma pierre à l’édifice », estime-t-il.

En Russie, Vladimir Pirojkov a développé le style de la marque et la couleur de l’avion civil Soukhoï Superjet-100, ainsi que l’intérieur du nouveau vaisseau spatial à six places « Rus ». Aujourd’hui, il construit en collaboration avec le l’Institut de Moscou de l’acier et des alliages un prototype de laboratoire unique et hautement complexe, qui permettra de créer quasiment n’importe quel objet, et même du matériel spatial ou cybernétique. L’objectif est d’accueillir les promus des meilleurs établissements russes de l’enseignement supérieur spécialisés dans les technologies, et ce afin qu’ils y étudient et obtiennent des diplômes reconnus mondialement.

Le designer industriel possède encore une myriade de projets en tête comme, par exemple, la maison autonome permettant de vivre confortablement sans infrastructures et communications extérieures, ou encore le projet de système personnalisé de purification de l’eau en forme de petit tuyau et destiné à l’Asie du Sud-Est.

Le rêve de Vladimir est de lancer la production de masse de « véhicules du futur » : des voitures volantes individuelles. « L’aéromobile pourrait devenir notre idée nationale : un produit compétitif au niveau international capable de renforcer la position de la Russie parmi les leaders mondiaux », pense Pirojkov.

Durant ses cours, Vladimir Pirojkov montre souvent à ses étudiants une photo du bureau de Sergueï Korolev, éminent ingénieur soviétique communément considéré comme le père du programme spatial et de la construction de fusées en URSS. On y voit une table discrète recouverte d’une simple nappe, un téléphone et une lampe.

« Aujourd’hui, les oligarques ne font que vendre ce qu’ont construit nos prédécesseurs : l’héritage de nos héros », déplore Vladimir. Le plus important, selon lui, est de faire comprendre à la nouvelle génération des designers russes qu'à elles seules, la vente et la consommation ne mènent nulle part : il faut impérativement proposer du nouveau et aller de l’avant.

 

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