Source : service de presse
Le 1er février, la commission scientifique et technique de l’Agence spatiale fédérale russe prévoit d’examiner le projet de vaisseau spatial habité, qui devrait remplacer le Soyouz actuel dans sept ou huit ans. L’avenir de cet appareil de nouvelle génération ne s'annonce pas simple : le projet de développement a dû tenir compte d’exigences grandissantes. Il a fallu transformer un engin destiné aux vols en orbite terrestre en vaisseau interplanétaire capable d’envoyer des cosmonautes sur la Lune. Nikolaï Brioukhanov, ingénieur en chef chargé de la construction des navettes spatiales pour l’entreprise RKK Energia, a parlé des avancées accomplies au correspondant d’Izvestia.
Monsieur Brioukhanov, quelles mesures ont été ajoutées au projet suite à la décision de l’année passée visant à préparer un voyage habité sur le Lune ?
Nikolaï Brioukhanov : Les changements d’objectifs techniques ont été décidés en avril 2012. Ils devaient être minimes, mais ont finalement bouleversé tout le travail accompli pour ce vaisseau depuis 2010. Premièrement, nous avons modifié la vitesse d’entrée dans l’atmosphère. Dans la configuration précédente, la vitesse de l’orbiteur était estimée à environ 8 km par seconde. Elle a dû passer à 11 km par seconde.
La différence est énorme : l’appareil aura ainsi besoin de deux fois plus d’énergie cinétique qu’un vaisseau en orbite près de la Terre. Toute cette activité se transformera en chaleur, ce qui nous a poussés à complètement changer le système de protection contre les hautes températures. Or, il n’y a pas eu de recherches et d’avancées dans ce domaine dans le cadre du projet Bouran, soit pendant un peu plus de vingt années. Nous avons donc été obligés de mener nous-mêmes des recherches pour accomplir dans un laps de temps très court ce que d’autres pays ont mis des décennies à développer. Nous avons notamment obtenus des résultats positifs dans le processus d’expérimentations des souffleries et des torches à plasma.
La deuxième plus grande difficulté concernait la balistique, beaucoup plus complexe lorsqu’il s’agit de se rendre sur la Lune. Notre pays se trouve loin de l’équateur et est mal placé pour le transport des charges utiles. Et notre situation géographique est encore plus désavantageuse pour le retour sur Terre. Afin que l’appareil puisse retomber sur les aires d’atterrissage russes, il faudra donc de grosses dépenses d’énergie sur des périodes de départ assez courtes.
Sur quelle partie du territoire russe l’aire d’atterrissage se trouvera-t-elle ?
N.B. : Elle devrait se situer dans la partie sud du pays. Le retour de la Lune s’effectuera via le Pôle Sud et plus le vaisseau se posera loin de l’équateur, plus la tâche sera compliquée. Nous devons dans le même temps analyser les différents cas d’urgence qui pourraient se produire, telles que ramener l’équipage sur Terre pour des raisons de santé. Cela doit rester possible à n’importe quel moment. Et avec si peu de périodes de retour, les risques sont élevés. C’est pourquoi le système de propulsion doit être capable de donner une impulsion suffisante en permanence, et ce afin de garantir le retour sur Terre. Or, les appareils voyageant vers la Lune ont besoin de bien plus d’énergie que les vaisseaux volant autour de la Terre, qui nécessitent déjà une impulsion de plusieurs centaines de mètres à la seconde.
Cet objectif a été difficile à atteindre, mais nous avons réussi à développer un schéma permettant de retourner sur Terre en cas d’urgence. Le moteur du vaisseau est un peu plus grand afin de pouvoir y stocker 8 tonnes de carburant. Le reste de l’architecture n’a pas été modifié, comme l’utilisation multiple du module rapatrié ou l’atterrissage sur des appuis d’amortissement, c’est-à-dire sans les culbutes caractéristiques au Soyouz.
Des sites prioritaires ont-ils été définis pour les recherches scientifiques sur la Lune ?
N.B. : Nous avons opté pour un objectif encore plus difficile à réaliser : voler vers l’orbite polaire de la Lune. Si nous y arrivons, nous pourrons à l’avenir nous poser sur n’importe quel point de l’astre. De plus, ses parties polaires sont plus intéressantes d’un point de vue scientifique, raison pour laquelle nous avons choisi une trajectoire plus universelle et qui permet d’accomplir plusieurs tâches.
Les équipements prévus pour le vaisseau ont-ils considérablement changé ?
N.B. : Une série de détails ont été modifiés. Les systèmes radio doivent ont été adaptés à la distance, par exemple. Le dispositif de support de vie doit également tenir compte d’autres facteurs. En effet, voler pendant maximum deux jours vers une station spatiale en orbite terrestre est une chose, préparer un vol sur la Lune en est une autre. La fiabilité des systèmes doit être renforcée car si un retour de la Station spatiale internationale est presque toujours possible, les voyages sur la Lune durent, eux, trois jours et demi. Des problèmes se sont également posés en ce qui concerne le système de régulation thermique, l’alimentation électrique et d’autres domaines. Nous avons été obligés de revoir la quasi-totalité du projet et de modifier presque tout ce qui avait été réalisé en 2011 et au début de l’année 2012.
Quand les premiers essais de vol du vaisseau sont-ils prévus ?
N.B. : Difficile à dire. Notre programme actuel prévoit plusieurs étapes. Nous allons maintenant entamer la partie la plus coûteuse. Dès que les documents relatifs à la construction seront prêts, nous devrons aménager des installations pour les tests, dont des vaisseaux expérimentaux, pour les évacuations aériennes, les activations des fusées, le perfectionnement des systèmes de sauvetage d’urgence, etc. Nous espérons développer un vaisseau pour les vols sans pilote vers 2018 au plus tard.
Paru sur le site d'Izvestia le 21 janvier 2013.
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