« L’Ajax » apprend aux enfants russes à jouer au football

Par principe l’on ne donne pas de consignes aux joueurs : les enfants ne doivent pas avoir peur de prendre l’initiative. Crédit photo : Vitali Belousov / RIA Novosti

Par principe l’on ne donne pas de consignes aux joueurs : les enfants ne doivent pas avoir peur de prendre l’initiative. Crédit photo : Vitali Belousov / RIA Novosti

La mode de l’organisation de camps d’été de football pour les enfants sous l’égide de marques bien connues a atteint la Russie. Cet été à Istra, dans les environs de Moscou s’installe « l’Ajax » d’Amsterdam. Les entraîneurs hollandais ont expliqué comment rentabiliser un tel projet et si l’on peut s’attendre à l’apparition en Russie d’une véritable académie du club d’Amsterdam.

La ville d’Istra se trouve à une heure de train de Moscou. Non loin de la gare se trouve le stade de football municipal sur lequel se produisait auparavant « Istra », et où désormais les dames de l’équipe féminine du même nom tapent dans le ballon.

Le stade municipal est implanté au milieu de terrains verdoyants pittoresques. Un quart d’heure avant le coup d’envoi, rien n’indique qu’ici se déroulera un match de démonstration avec la participation des enfants du camp d’été de «l’Ajax» et de l’équipe junior de la ville voisine. Mais voici que s’avancent deux autobus, desquels s’échappent en direction du terrain une file d’enfants en tenues de sport rouges et blanches.  

Tandis que les enfants de 11 ans se préparent pour le match, les autres s’activent à proximité des ballons. Pas de course folle autour du terrain, il s’agit uniquement de travailler la technique. 

« L’Ajax a remporté deux fois la ligue des champions, ok ?", précise un môme de l’entraîneur hollandais au cours d’une pause entre les exercices. Non pas deux fois mais quatre, il obtient en guise de réponse un soupir de satisfaction : « cool ».

Un gars aux cheveux longs navigue au milieu des enfants,  ponctuant les mouvements de jongleries de mots russes, anglais et néerlandais. Tom Sauer est le fondateur du camp. Le père de Tom est le magnat des médias Derk Sauer.

En 1989, il a hypothéqué sa maison aux Pays-Bas afin de récupérer des fonds pour le lancement de publications en URSS. Tom est déjà connu en tant qu’ancien traducteur ayant travaillé pour « Terek » de Ruud Gullit. Pour les questions stratégiques, il fait appel à Sauer senior, mais tout le reste du camp pour enfants de « l’Ajax » est son projet personnel.

« C’est ma première expérience de gestion d’une entreprise indépendante, explique Tom. Quand je l’ai conçu, je ne pouvais pas imaginer jusqu’où cela allait aller. Je n’avais jamais organisé de camps de football auparavant, mais il a bien fallu commencer quelque part ».

Le nom n’est pas la seule chose reliant « l’Ajax » au camp d’Istra. Tom a invité en Russie plusieurs entraîneurs de De Toekomst : la légendaire académie du club d’Amsterdam.

« Le plus grand défi en Russie se situe au niveau de la recherche de terrains, indique Tom. Je recherchais des stades à l’extérieur de la ville mais qui ne seraient pas liés à un club en particulier. J’ai envisagé de nombreuses options mais je me suis installé sur celui-ci. Ici il y a suffisamment d’espace, l’on est entouré par la verdure, l’air est pur. J’aime cet endroit. Le seul problème c’est que l’on est obligé de prendre le bus pour rejoindre la base. Dans l’idéal, j’aurais voulu pouvoir y aller en marchant. »

Dans les faits, envoyer un enfant au camp de « l’Ajax » est un luxe relativement abordable d’après les normes russes. Un séjour d’une semaine sous la supervision des Hollandais coûte 40,000 roubles (1000 euros), et un mois 160,000 roubles (4000 euros).

Malgré cela, dans le camp les Moscovites représentent moins de 80 % des effectifs. A l’appui de ce chiffre Tom énumère pratiquement toutes les régions de Russie et indique que chacune est représentée par quelqu’un. Dans chaque session l’on trouve quelques étrangers, essentiellement des enfants d’expatriés comme Tom lui-même.

A côté, papa Sergueï observe le déroulement du match : son fils de 9 ans a été autorisé en dépit de son âge à participer au match « senior ».

« C’est assez difficile pour lui cette différence d’âge de deux ans, explique Sergueï. Des connaissances ont envoyé leurs enfants en Italie pour l’été, au camp de « l’Inter de Milan ». Je voulais faire la même chose mais ça n’a pas été possible, c’est pourquoi je l’ai immédiatement envoyé ici pour deux semaines. Ca lui plaît. Oui je peux voir par moi-même que l’approche hollandaise est différente. Ils ne crient pas sur les enfants comme nos entraîneurs. La seule difficulté c’est qu’ils n’ont pratiquement pas de temps libre : il y a trois séances d’entrainement par jour. Mais c’est mieux que de traîner dans la rue. »

}

Pendant le match, Mario l’entraîneur de « l’Ajax » reste absolument calme. Il tient dans la main une feuille de papier avec le schéma de jeu des « Amstellodamois ». Avant chaque changement, il tombe sur un genou afin de s’approcher du jeune footballeur quittant le terrain et lui dit quelques mots en guise d’au revoir.

Par principe l’on ne donne pas de consignes aux joueurs : les enfants ne doivent pas avoir peur de prendre l’initiative. Pendant la pause de la mi-temps les jeunes footballeurs forment un cercle autour de l’entraîneur et…réfléchissent. Mario fait en sorte que les enfants ne cavalent pas simplement sur le terrain mais comprennent le sens de qui se passe.

Au cours de ce match, les rouges et blancs décrochent la victoire sans aucun problème : 1-0, et leur gardien de but portant le maillot du légendaire Edwin van der Sar n’a encaissé aucun but.

Bien qu’il s’agisse d’un projet commercial, Tom souligne l’importance de la composante sociale. Un tiers des 250 enfants passés par le camp au cours des 5 sessions sont issus de familles à faibles revenus ou d’orphelinats.

Les sponsors ont fait un geste, et 10 places pour les enfants des orphelinats ont été achetées par l’un des frères Berezoutski [les frères Vassili et Alexeï Berezoutski sont des joueurs du CSKA Moscou et de l’équipe nationale de football russe, ndlr].

Avec les séances d’entrainement qui restent dans les mémoires des enfants, la plus grande partie de la dotation de l’ « Ajax » est dépensée pour l’hébergement. Le sanatorium « Istra » dans lequel vivent les enfants produit une impression assez morose : il semble que l’élément le plus moderne du bâtiment soit les bannières portant les symboles de « l’Ajax » accrochées à l’entrée des dortoirs.

Du reste, cela ne dérange pas Tom. « Nous sommes tous venus ici pour jouer au football, et pas pour nous prélasser à la piscine, explique-t-il. Plus de 95% des enfants sont heureux. Les 5% restant, ce sont des enfants qui s’ennuient loin de chez eux, en général ce sont les plus jeunes ».

Pendant leur temps libre en dehors des entraînements, les enfants jouent à des jeux vidéo de football. Le deuxième étage du club de football local, situé à quelques minutes de marche du complexe a été spécifiquement aménagé pour cet usage. On y trouve des lits douillets disposés en cercle ainsi que des télévisions avec des consoles de jeu. Tom affiche fièrement le classement du championnat « virtuel ».

À côté se trouve la salle de réunion, dans laquelle se déroulent les séances de questions réponses sur le football. Sur les murs, on peut voir des tableaux avec les quatre premières lettres de l’alphabet anglais, vers lesquelles les enfants doivent courir pour déterminer la bonne réponse. En vérité, ils courent habituellement un peu n’importe où.

« Cette année, nous avons réussi à équilibrer les comptes, les dépenses ont pu être amorties, résume Tom, en sortant dans la rue. Le projet se poursuivra. Peut-être que quelque chose sera prêt pour les vacances d’automne. Nous essayons de trouver un bon site dans le sud du pays pour élargir la présence des hollandais. Il est également prévu d’ouvrir une école toute l’année. En aout je vais discuter de la question avec l’ « Ajax », nous verrons comment ça va se passer. »

Source : Moskovskie Novosti

Lisez plus sur sur le football russe

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies