L'équipage russe numéro 26 : le Russe Roman Rusinov, l'Australien John Martin et le Britannique Mike Conway. Crédit : Imago
La mort n'avait plus déployé son aile sur le circuit de La Sarthe au Mans depuis 16 ans, après la mort, lors d'un entraînement, du pilote français Sébastien Enjolras, et n'a pas contourné cette course commémorative. Même le Danois Tom Kristensen, vainqueur du Mans à huit reprises (Team Audi en LMP1, la plus forte classe de voitures de la course) ne pouvait se rappeler des changements de temps aussi brusques.
Pendant toute la journée du marathon, la pluie a succédé au vent, les nuages chassant parfois le soleil dans les stands célestes, les rayons illuminant parfois la piste. Pour un compatriote de Kristensen, le pilote de 34 ans de l'équipe Aston Martin (catégorie LM GTE Am) Allan Simonsen, le soleil du Mans est apparu pour la dernière fois au troisième tour de la course. Allan a perdu le contrôle de son véhicule dans un virage et a heurté une glissière.
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Sur le chemin du Centre médical, le pilote ensanglanté a répondu aux questions des médecins, mais ses blessures étaient incompatibles avec la vie. La vie, qui pendant ce temps sur le circuit battait son plein. Les parents de Simonsen ont insisté pour que l'équipe Aston Martin continue à participer aux compétitions. Le président de la FIA Jean Todt et le président de l'ACO Pierre Fillon ont exprimé leurs condoléances à la famille du défunt.
A la course du Mans, un décès ne peut malheureusement pas surprendre. Car le nerf des 24 Heures du Mans, c'est de tester la force d'âme des pilotes. Certes, aujourd'hui, chaque voiture participant à la course est conduite à tour de rôle par au moins trois pilotes, qui alternent au volant dans les arrêts ravitaillement... Mais à l'aube de la célèbre course automobile, les légendes du sport automobile Pierre Levegh et Eddie Temple avaient jeté un défi à la course en solitaire. Jusqu'à l'accident de 1955, qui a coûté la vie à Levegh et 80 spectateurs.
Plus de 300.000 spectateurs ont afflué du monde entier cette année au Mans pour scruter la compétition et s'enivrer du vacarme des moteurs. Le « sel » de la course du Mans attire. Ce sel, c'est le même qu'il y a 90 ans : la recherche par les équipes de l'équilibre entre la vitesse et la fiabilité des voitures qui doivent tenir pendant 24 heures de course.
Pour les Russes, le suspens était lié à la participation de l'équipe russe G-Drive Racing et du pilote russe Roman Rusinov, pour lequel le marathon actuel était le quatrième de sa carrière. La saison dernière, l'équipage de Rusinov avait montré le meilleur résultat de toute l'histoire de la participation de pilotes russes, avec une quatrième place en classe LMP2. « Et maintenant, nous comptons gagner », a assuré pendant la course le directeur sportif du projet G-Drive Racing Alexander Krylov.
Les chances de victoires étaient renforcées par le fait que G-Drive Racing avait lancé dans la course deux voitures : l'équipage numéro 25 (les pilotes britanniques Tor Graves, Archie Hamilton et le Japonais Shinji Nakano) et l'équipage numéro 26 (le Russe Roman Rusinov, l'Australien John Martin et le Britannique Mike Conway). Dans l'équipage n° 26, le premier à prendre le volant a été Conway, remplacé deux heures et demie plus tard par l'Australien, avant de céder la place au Russe, qui tuait le temps avant le départ en discutant avec les mécaniciens. Ces derniers ravitaillaient les voitures en carburant, et eux-mêmes à grand renfort de pâtes. Sur la piste, Rusinov a réalisé des prouesses de professionnalisme : sept heures après le début de la course, il a remis la voiture à son partenaire de nuit, se trouvant en première position (dans la catégorie LMP2).
Roman Rusinov, sautant de sa voiture, s'est plaint de l'asphalte glissant et des bris de voitures sur la piste qui provoquent des crevaisons de pneus. Après 15 heures de course, le classement global était dominé par l'équipage numéro 2 Audi (Tom Kristensen, le Français Loïc Duval, l'Ecossais Allan McNish), suivi de Toyota : c'est dans cet ordre qu'ils ont franchi la ligne d'arrivée. L'équipage numéro 26 de l'équipe G-Drive Racing russe (Rusinov, Martin, Conway) était à la cinquième place du classement LMP2, franchissant la ligne d'arrivée en troisième position. C'est la première fois depuis 90 ans d'histoire de la course du Mans qu'une équipe russe se hisse sur le podium. L'équipage russe de Rusinov a été devancé par deux voitures de l'équipe française Oak Racing.
La victoire au classement général est revenue à l'équipage n° 2 Audi, sur lequel le grand Kristensen a obtenu son neuvième triomphe au Mans. Sur le podium, le vainqueur n'a pu retenir des larmes, demandant au micro aux milliers de spectateurs d'honorer la mémoire de son ami par une longue ovation. Kristensen a dédié sa nouvelle victoire au Mans à son compatriote. La foule a résonné dans un tonnerre d'applaudissements. On a décidé de renoncer au champagne sur le podium - une autre grande tradition du sport automobile, inventée au Mans en 1967 - en raison de la tragédie survenue samedi sur la piste. On a en revanche sabré le champagne dans le paddock G-Drive Racing, où Roman Rusinov recevait les félicitations, à peine descendu avec ses partenaires du podium des équipes de classe LMP2.
Immédiatement après la cérémonie, le pilote russe a répondu aux questions des journalistes. « Nous avons réalisé un excellent résultat, a déclaré Rusinov. Notre voiture a affiché le meilleur temps sur un tour, mais les circonstances étaient contre nous. Nous avons commencé la course en deuxième position dans notre classe de voitures, puis nous avons eu un petit accroc en raison d'une crevaison, nous sommes tombés à la 18e place, puis on est grimpés à la quatrième place. J'ai alors pris la voiture et je l'ai amenée à la première place. La nuit, nous étions en tête jusqu'à ce que notre plaque d'immatriculation se casse. Nous sommes allés au stand, on a perdu trois tours d'avance, et il a fallu remonter de la 20e place à la troisième. »
Rusinov a également précisé que jusqu'à la fin de la course, il ne savait rien de la mort du Danois Simonsen. « Pendant tout ce temps, j'ignorais tout. Je n'utilise pas le téléphone pendant la course, et mon cercle de communication se réduit aux mécaniciens et aux ingénieurs de notre équipe. Je ressens de la douleur et de la tristesse suite à cette tragédie. Alan était un bon ami. Mais il faut penser à la préparation des prochaines 24 heures du Mans qui débuteront dans un an. »
Article original (en russe) publié sur le site de Kommersant le 23 juin 2013.
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