Evguenia Kanaeva : "Le résultat sportif dépend de la personnalité. Si tu es quelqu’un de positif, avec des pensées saines, que tu évites les conflits (sauf cas exceptionnels), tu auras une carrière sportive harmonieuse". Crédit : Vladimir Pesnya/RIA
Evguenia, vous pratiquez un sport très subjectif.
La plupart des disciplines sportives le sont. Au footbal ou au hockey, il y a aussi ses chouchous. Parfois, l’entraîneur apprécie davantage telle gymnaste, une autre, même sans qualités particulières, arrive à compenser par sa motivation et sa détérmination... Mais ce qui vient en premier, c’est l’apparence physique. Ce que tout le monde voit en premier. Plus encore en gymnastique. Et il est très difficile intérieurement pour l’entraîneur de prendre une décision. Je me suis entraînée avec des filles très douées. Beaucoup plus douées que moi. Elle avaient de meilleurs antécédents, un corps, un visage plus expressif. Des gymnastes exceptionnelles. Mais le potentiel ? Personne ne sait ce que ça donnera au final.
Vous parlez du travail de l’entraîneur.
Il est très important de tomber sur le « bon » entraîneur, mais ce n’est pas essentiel non plus. Car, si quelqu’un est destiné au sport, s’il y met toute son âme, il sera forcément remarqué et intégré à une équipe. En gymnastique, il y a toujours des dizaines de très bonnes gymnastes en vue, mais quand la Russie gagne, les entraîneurs vont chercher des filles à la cinquantième, quarante-cinquième place.
On entend souvent dire que dans votre discipline l’entraîneur est un tyran. Avez-vous été confronté à cette situation ?
Je ne sais pas... (elle rit). Nous avons un travail spécial. Oui, nous passons beaucoup de temps aux entraînements mais nous ne sommes pas enfermées à clef. Oui, le régime quotidien est strict. L’entraîneur nous dicte les objectifs précis. Quand une gymnaste devient plus mâture, elle peut participer et proposer sa vision.
Pouvez-vous venir à l’entraînement une glace à la main ?
Non. Pas avec une glace, non. Pas parce que c’est interdit, mais car c’est un manque de respect envers l’entraîneur.
Et en cachette ?
En cachette, tout le monde le fait. Ce n’est pas un secret. Même moi. Pas vraiment en cachette, juste pour éviter de le faire devant l’entraîneur. Parfois, c’est lui qui me donne du sucré, quand je n’ai plus de force. Le sportif doit comprendre ce qu’il vise et ce qu’il est prêt à faire pour cela. Et aussi, la façon dont il va gérer son physique.
Oui mais, tout de même, dans les autres disciplines, il y a des éléments objectifs : les buts, les points, les secondes. En gymnastique, tout est subjectif. Il y a sûrement des critères, mais peu les connaissent.
Ils existent certes, mais si la gymnaste fait tout de manière excellente... Par exemple, sur la carte est indiqué une pirouette jambe tendue, et elle en fait deux. Personne ne dira rien. Et c’est ainsi tout le temps... Un saut où tu n’atteins pas le grand écart, tu le récupères ailleurs. Beaucoup dépend de l’expressivité, de l’âme que l’on y met. Dernièrement, on y fait plus attention. C’est un sport artistique. Pour moi, le principal est de ne pas trop en faire. Il faut rester sincère. C’est ce qui manque dans le monde, comme la générosité. Dans le sport, c’est la même chose.
Comment travailler un sourire sincère ?
Impossible. Il faut être droite, aimer les gens, ne pas juger, ne pas envier. Le résultat sportif dépend de la personnalité. Si tu es quelqu’un de positif, avec des pensées saines, que tu évites les conflits (sauf cas exceptionnels), tu auras une carrière sportive harmonieuse.
Difficile d’être constamment de cette humeur !
Pas tout le temps, mais il faut tendre vers le bien. Moi non plus je ne suis pas toujours de bonne humeur. Il y aussi des moments de stress, des larmes, des pensées négatives.
Mais quand vous entrez sur le tapis, on a toujours l’impression que respirez la joie. Ca ça ne s’apprend pas ?
Vous savez, en GRS depuis l’enfance on vous apprend à être expressive, quand tu es en compétition mondiale, tu ne peux pas l’oublier.
Beaucoup de sportifs envient les salaires élevés de leurs collègues footbalistes.
Moi, je ne suis envieuse, je suis heureuse et je ne travaille pas pour l’argent. Le foot, c’est un sport populaire. Comme le hockey et même le tennis. La question ne se pose pas... L’argent c’est important mais un sportif ne doit pas penser au gain. Il doit penser à son objectif.
Les gymnastes ont-elles un fan club de fidèles supporters ?
Oui, surtout en Espagne ! Il sont fous de GRS. Il mettent le feu. En France et en Italie aussi. Et en Russie, surtout les enfants. Lors du championnat du monde à Moscou, il y avait tant de monde qu’on n’entendait pas le top de départ. Je me souviens, je sors et je n’entends que mon nom... J’avais envie de voler, incroyable ! Il y a une fan de Taïwan qui est venue m’encourager jusqu’à Montpellier avec un énorme collage de mes photos. Elle a fait connaissance avec ma mère, est revenue aux JO de Londres.
Aujourd’hui, avez-vous des projets ?
Difficile de dire. Je m’occupe de ma santé, c’est l’essentiel pour moi. Le sport c’est très bien, mais je veux être maman. Pour une femme, c’est cela l’aboutissement. A mon avis.
Paru sur le site R-Sport le 7 mars 2013.
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