L'inscription dit : "La Crimée est la Russie". Crédit photo : Reuters
D'une durée de 144 minutes, le film du journaliste russe Andreï Kondrachov sur le coup d’État en Ukraine et l’adhésion de la péninsule de Crimée à la Russie contient une série de révélations allant de l’aide fournie au président déchu Viktor Ianoukovitch afin de quitter le sol ukrainien aux détails de l’opération ayant permis le retour de la Crimée dans le giron russe. En passant, on note les aveux du président russe qui indique avoir été « prêt » à mettre en alerte le dispositif nucléaire.
La diffusion du film Crimée. Retour à la Patrie a provoqué une vive réaction en Ukraine : le premier président du pays, Leonid Kravtchouk, a déclaré que M. Poutine voulait tester la réaction de la communauté internationale et de la Russie face à une éventuelle « poursuite de l’agression ». Quant au premier ministre ukrainien, Arseni Iatseniouk, il a estimé que ce film devrait faire l’objet d’un examen de la Cour pénale internationale de La Haye.
En Russie, le film, visualisé par près de 40% de la population adulte rien qu’à Moscou, a suscité des réactions variées.
Selon le directeur de l’Institut de développement contemporain de l’État, Dimitri Solonnikov, la révélation de M.Poutine sur sa disposition à mettre en alerte le dispositif nucléaire au printemps 2014 constituait l’objectif même du tournage et de la diffusion de ce film.
« À l’heure actuelle, le monde se trouve dans une situation assez complexe, à un nouveau point de dislocation où se décide la question soit de sa progression vers une nouvelle étape d’évolution, soit du déclenchement d’une crise mondiale totale », a-t-il indiqué dans une interview au sitepravda.ru.
Selon lui, cette crise mondiale a été ajournée à la fin des années 1980 par le biais de la chute de l’Union soviétique. Optant pour un compromis, le président Mikhaïl Gorbatchev a alors accepté l’intégration de la Russie aux règles du jeu internationales et a détruit le pays qu’il dirigeait.
Selon le politologue, le message du film est de prévenir que la Russie n'hésitera pas à engager une confrontation nucléaire pour défendre ses intérêts.
L’aspect nucléaire est par ailleurs retenu par l’auteur d'un commentaire publié sur le site de gazeta.ru. L’opposition russe, l’Occident et l’Ukraine, chacune de ces parties trouvera dans ce film les réponses aux questions qui les préoccupent, dit l’auteur de l’article. Selon lui, le message du président à l’Occident serait suivant : « Nous sommes prêts à une guerre d’envergure. (…) Il vaut mieux ne pas se mêler de nos affaires », est-il indiqué.
De son côté, le rédacteur en chef du quotidien russe Nezavissimaya Gazeta, Konstantine Remtchoukov, considère que la diffusion de ce film est dictée par la nécessité de substituer la thèse « Poutine est le garant de la stabilité » par un autre « mythe ».
« L’ancien mythe consistant à dire que « Poutine = stabilité » étant détruit (par la crise financière, ndlr), un nouveau mythe s’impose (…) pour maintenir sa cote de popularité. Le nouveau mythe est « Poutine est le vainqueur dans la défense des intérêts des Russes » et l’exemple de la Crimée le prouve », a-t-il déclaré dans une interview à la radio Écho de Moscou.
M. Remtchoukov souligne qu’en 15 ans de pouvoir, Vladimir Poutine a toujours été très discret quant à son « moi ». Mais dans ce film il emploie l'expression « moi, j’ai pris la décision », il indique que le succès de l’opération résidait dans le fait que c’est le commandant en chef des Forces armées en personne qui s’en occupait. Cependant, nous savons que d’habitude Vladimiar Poutine filtre ce genre de déclarations.
Le quotidien Vedomosticonsidère pour sa part qu’avec ce film, Vladimir Poutine a défini une nouvelle étape de l’auto-isolement de la Russie. La revue rappelle qu’il y a un an, le président russe était plus prudent dans ses déclarations, car il espérait pouvoir réussir à arranger la question de l’adhésion de la Crimée et tablait sur le fait que les sanctions occidentales décrétées à l’égard de la Russie ne perdureraient pas. « Mais l’Occident a refusé et a préféré adopter le rôle de l’ennemi. (…) On a alors décidé de couper avec l’Occident. Avec ses déclarations, le président Poutine montre que l’avis des États-Unis et de l’Europe ne l’intéresse plus », lit-on dans le quotidien.
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