Crédit : Reuters
Moskovski Komsomolets : Comment avez-vous appris que votre frère était accusé d’avoir assassiné Boris Nemtsov ?
Ruslan Dadaïev : J’étais en route pour le travail et l’ai appris dans la presse. Je vous avoue que j’ai été choqué. Je ne crois pas que mon frère soit capable de commettre un tel crime ! C’est impossible !
MK : Pourquoi pensez-vous que c’est impossible ?
Assassinat de Boris Nemtsov : cinq interpellations, un aveu
Assassinat de Boris Nemtsov : premiers éléments de l’enquête
« Les héros ne meurent jamais » : marche en mémoire de Boris Nemtsov à Moscou
R.D. : Il a servi dans les forces du ministère de l’Intérieur pendant de nombreuses années ! Depuis 2001 ! Il protège la loi et l’ordre. Il a atteint le grade de lieutenant et n’a jamais couru après les titres. L’essentiel pour lui était de bien faire son travail. Ce n’était pas n’importe qui tout de même, il était commandant adjoint de son régiment ! Par ailleurs, il servait dans le bataillon Sever, subordonné directement à Poutine. Il consacrait tout son temps à son travail.
Parfois, il parvenait à s’accorder une journée de repos, mais dès qu’on s’installait à table, on l’appelait en renfort par téléphone. Pensez-vous qu’il se plaignait ou s’indignait ? Non ! Le devoir était pour lui au-dessus de tout.
Il laissait tout tomber et allait là où on lui ordonnait d’aller. Et vous voulez dire que mon frère pouvait aller abattre Nemtsov ? Il n’aurait jamais fait quoi que ce soit qui puisse nuire à la république. Il servait pour que la paix règne dans son pays et dans sa maison.
MK : Mais il a avoué lui-même au tribunal.
R.D. : Je n’y crois pas. D’après ce que je sais, il n’a fait aucun aveu. Il ne veut rien dire du tout aux enquêteurs. La seule phrase qu’il ait prononcée, « j’aime le prophète Mahomet », a été perçue comme un aveu. Nous aimons tous le prophète, mais cela ne fait pas de nous tous des assassins.
MK : Savez-vous ce qu’il faisait à Moscou ?
R.D. : Non. Je travaille actuellement à Piatigorsk [sud de la Russie, ndlr] où j’installe des fenêtres. Nous nous voyons rarement. Mais nous savions qu’il servait dans les forces de l’ordre, alors on ne lui posait pas de questions sur ce qu’il faisait, ni sur les endroits où il se rendait.
MK : Connaissez-vous les personnes désignées comme ses complices ? Les frères Chaguide et Anzor Goubachev ?
R.D. : Ce sont nos proches. Oui, ils travaillaient à Moscou. Mais ces gars-là ne feraient pas de mal à une mouche. Ils sont doux et gentils. Je doute même qu’ils sachent utiliser des armes. Ils n’ont jamais servi dans les forces de l’ordre contrairement à mon frère. Où auraient-ils acquis les compétences nécessaires afin de commettre un assassinat ?
MK : Quand avez-vous vu votre frère pour la dernière fois ? Quand avez-vous parlé avec lui ?
R.D. : Je l’ai vu aux alentours du 4-5 mars, il est venu nous voir. Il est arrivé, a dit bonjour à notre mère, et puis il est reparti. Deux jours plus tard, il a été arrêté dans notre quartier.
MK : Comment se comportait-il ? Donnait-il l’impression d’être inquiet, anxieux ?
R.D. : Pas du tout, il était parfaitement calme, comme toujours. Je n’ai rien remarqué d’anormal dans son comportement.
MK : Que pouvez-vous nous dire concernant sa famille ? A-t-il une femme, des enfants ?
R.D. : Pas encore. Mais c’est sans doute en partie de ma faute. Je suis son frère aîné et j’en suis à mon troisième mariage. Alors que lui n’arrive toujours pas à se marier. Ce sont nos traditions. Tant que le frère aîné n’est pas marié, le cadet ne se marie pas non plus.
MK : Qu’est-ce que vos proches, vos parents et les parents des frères Goubachev pensent de ces événements ?
R.D. : Nous pensons tous qu’il s’agit d’une erreur. Justement, nous avons récemment parlé de ces événements par téléphone. C’est très étrange. Nos voisins et ceux des Goubachev nous connaissent très bien, ils sont passés nous présenter leurs condoléances. Ils sont persuadés que cela finira par se résoudre. Tout le monde connaît bien notre famille et refuse de croire ce qu’on dit dans la presse.
Les habitants de la ville Malgobek [Ingouchie, Caucase russe, ndlr] qui connaissent bien la famille racontent qu’il y a environ un an, les Dadaïev ont déménagé ici du village Voznesenskaïa avec de nombreuses autres familles dans le cadre du programme de relogement. L’extraction intensive du pétrole dans cette zone à l’époque de l’URSS avait conduit à de forts glissements de terrain, ce qui a conduit à reloger en urgence les habitants.
Outre Zaour et Ruslan, les Dadaïev ont également un fils aîné et une fille cadette. Le père de la famille est décédé il y a plusieurs années. Chamsoudine Mamidov, un résident de Malgobek qui connaissait bien la famille, a raconté à MK que les Dadaïev étaient une solide famille de travailleurs. Ils n’ont jamais cherché la fortune et vivaient de leur travail. Aucun d’entre eux n’avait jamais attiré l’attention des forces de l’ordre.
Source : Moskovski Komsomolets
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.