Crédit : Sergueï Karpov / TASS
Le président du « Parti du progrès », Alexeï Navalny, a donné son feu vert aux préparatifs de « la marche anticrise Printemps ». La manifestation doit se tenir le 1er mars 2015 à Moscou. « L’idée de cette marche est simple : ceux qui sont au Kremlin ne se sont pas acquittés de leur tâche et ne s’en acquitteront pas. Ils avaient 15 ans et 3 000 milliards de dollars tirés des ventes de ressources naturelles », a écrit Alexeï Navalny sur son site.
Aujourd’hui, alors que « le temps a été dépensé et l’argent croqué », alors que « la note souveraine du pays a été abaissée au niveau ordure, replongeant la Russie dans l’année 2005 », il appelle tout le monde à une protestation anticrise.
L’ordre du jour économique commence peu à peu à évincer les problèmes qui formaient les leitmotivs de l’opposition. L’inflation galopante et un avenir flou détournent l’attention de l’opinion publique de la lutte politique intérieure, poussant l’opposition à improviser, estime le président de la fondation « Politique de Saint-Pétersbourg », Mikhaïl Vinogradov.
« Le succès permettra d’unir ceux qui sont politiquement et socialement mécontents », a-t-il expliqué. Selon lui, la personnalité d’Alexeï Navalny ne provoque pas de rejet parmi la population, et les élections du maire de Moscou de l’année dernière l’ont prouvé (Alexeï Navalny avait totalisé 27% des voix, se plaçant en deuxième place). La question est de savoir si sa rhétorique est susceptible de mobiliser la population.
Le degré d’inconfort suscité par les turbulences économiques actuelles n’est pas encore capable de faire descendre les simples gens dans les rues, estime Olga Krychtanovskaya, collaboratrice scientifique du département d’analyse des processus sociaux et économiques de l’Institut de sociologie de l’Académie des sciences de Russie.
« Des facteurs économiques propices à la grogne existent, mais la population ne se lamente pas : « Nous soutenons la politique de la Russie et nous sommes prêts à endurer. Nous avons enduré beaucoup plus ». Le désespoir peut venir après, avec une possible faillite de sociétés publiques ou une brusque hausse du chômage », a-t-elle expliqué.
D’autant plus que la popularité d’Alexeï Navalny a été torpillée par sa récente condamnation, a-t-elle rappelé. « Pour élargir la base de ses partisans, il est absolument indispensable qu’un leader bénéficie de confiance. Mais comment peut-il conquérir la confiance s’il a été jugé et reconnu coupable ? », a ajouté Olga Krychtanovskaya.
Les revendications sociales et économiques que les organisateurs du meeting ont l’intention de formuler comportent la levée des « contre-sanctions » alimentaires russes, la réduction « des dépenses militaires et policières exagérées » et l’annulation « des décisions sur la saisie de l’épargne retraite ».
Cependant, à la différence des griefs politiques, les revendications économiques sont très floues, estime Alexandre Pojalov, directeur des études de l’Institut des études sociales, économiques et politiques (proche du Kremlin).
« Les sujets les plus sensibles sont tout autres aujourd’hui, a-t-il constaté. Ce sont les problèmes des services communaux, des personnes ayant contracté des crédits hypothécaires, notamment en devises, du soutien social aux couches les plus vulnérables et des transports dans les régions ».
Alexandre Pojalov reconnaît que la hausse des prix inquiète beaucoup de monde, « mais l’annulation des contre-sanctions ne changera pas la donne : même si les importations de produits alimentaires reprennent, les prix ne redeviendront plus ce qu’ils ont été ».
Néanmoins, l’opposition essaie de former une large coalition autour de cette marche : la liste de ses organisateurs comporte notamment des partis libéraux de sensibilités différentes. Sur son site, Alexeï Navalny appelle à participer à la marche tous ceux qui partagent les revendications anticrise. Toutefois, selon les interlocuteurs de RBTH, la consolidation est sans doute peu probable, car elle n’est possible que lorsque les émotions négatives sont au premier plan.
« Les participants à la manifestation pourraient alors oublier les contradictions qui les oppose », a fait remarquer Mikhaïl Vinogradov. Cependant, si la situation économique ne connaît pas de forte dégradation d’ici le jour de la marche, une union n’a aucune chance de voir le jour, a-t-il estimé.
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