Les expatriés ne craignent pas les sanctions

Crédit : Getty Images/Fotobank

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Dans l’économie russe, il y a une place pour les spécialistes étrangers. Le conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine peut donner l’impression que l’atmosphère dans le pays n’est pas très favorable aux expatriés. Toutefois, après avoir discuté avec les étrangers qui travaillent en Russie, nous avons constaté qu’ils sont plus préoccupés par l’écologie de Moscou que par la situation politique.

Exploiter un nouveau marché

Avant d’arriver en Russie, Milan a travaillé dix ans en République Tchèque puis a été transféré au bureau russe de la même entreprise. Il travaille dans une grande banque et n’avait jamais imaginé qu’il pourrait se retrouver en Russie. « Si quelqu’un m’avait annoncé il y a quatre ans que j’irais en Russie, je leur aurais répondu qu’ils étaient fous. La proposition d’aller travailler en Russie a été inattendue, mais je l’ai rapidement acceptée. Au début, je voulais refuser, puis j’en ai discuté avec ma femme et j’ai décidé d’y aller », raconte-t-il. « Aujourd’hui, trois ans plus tard, je peux confirmer que c’était la bonne décision. On m’avait parlé de l’URSS à l’école, dans les années 1980, mais je connaissais très mal la Russie contemporaine et je ne maîtrisais pas bien la langue. Je savais que, pour le commerce de détail, la Russie était un marché assez nouveau, et j’ai décidé que c’était une bonne opportunité pour acquérir une nouvelle expérience qu’on ne peut pas acquérir sur les marchés européens établis. »

Milan doit toutefois prendre en compte l’avis des autres membres de la famille. Son contrat se termine dans un an, après quoi il pense rentrer chez lui. « Je pense que ce qui importe ici est de savoir si vous êtes seul ou en famille. Pour les célibataires, Moscou est un excellent endroit pour vivre et travailler, la ville offre de superbes opportunités pour sortir, sa vie nocturne est animée… Mais si vous êtes en famille, avec des enfants en bas âge, vous êtes préoccupé, par exemple, par la situation écologique qui n’est pas très bonne ici », explique Milan.

Son collègue italien travaille en Russie depuis deux ans et pense y rester encore deux ans au minimum. « J’ai choisi la Russie en raison de son énorme potentiel pour les affaires. À l’époque, je ne connaissais pas bien le pays, j’avais quelques bribes d’information sur son passé et son histoire récente », raconte le jeune homme. « Pour le moment, je voudrais rester ici et travailler en Russie pendant quelques années encore ». Comme Milan, il n’a pas rencontré de problèmes pour ses papiers, car leur employeur s’est occupé de toutes les formalités administratives.

Embouteillages et long hiver

Pour Anton Greiler, les Russes ont un esprit plus large que les habitants d’autres pays. Crédit : service de presse

Le directeur général de l’entreprise de café Julius Meinl Russland Anton Greiler vit en Russie depuis 2010, mais sa première visite date d’il y a dix ans, lorsqu'il est tombé amoureux du pays. « J’ai pris la décision de partir en Russie en une nuit », raconte-t-il. « J’aime vivre ici, j’ai commencé à comprendre les particularités de la mentalité russe. Au début, j’étais choqué d’être entouré de personnes qui ne voulaient pas assumer leur responsabilité : tout le monde rejetait la faute sur l’autre. Surtout les gens de 40-45 ans qui avaient commencé leur carrière en URSS. Les jeunes sont plus ouverts et responsables. J’ai compris que, dans les organisations russes, le mode de prise de décision est, généralement, hiérarchique. C’est tout le contraire du mode de gestion démocratique en Autriche. »

Pour un Autrichien, les Russes ont un esprit plus large que les habitants d’autres pays. « Si au premier abord, les Russes paraissent hostiles et fermés, en réalité, ce sont des gens très agréables qui aiment vivre l’instant présent, ce sont des hédonistes. Les Russes ont une incroyable flexibilité de l’esprit », dit Anton. « En Russie, il est difficile de planifier, car à tout moment, une décision politique inattendue peut radicalement affecter les entreprises. »

Pourtant, les principales difficultés pour lui sont la bureaucratie, les embouteillages, les longs hivers et l’attention insuffisante aux clients dans les services. Anton a rencontré quelque difficultés pour ses papiers, mais uniquement dans la première année, et elles ont été rapidement résolues.

Concernant les sanctions, Anton est persuadé qu’elles affectent la décision de travailler dans un pays, mais les spécialistes déménagent tout le temps, indépendamment des événements internationaux. « Il y a toujours du mouvement : quelqu’un arrive, quelqu’un part. Les sanctions liées à la situation en Ukraine ont contribué à ce mouvement. Globalement, la Russie a une grande lacune en matière de relations publiques : généralement, ceux qui arrivent sont agréablement choqués. Malheureusement, souvent on pense, que la situation en Russie est pire qu’elle ne l’est en réalité », conclut-il.

Mikhaïl Joukov, directeur du cabinet de recrutement HeadHunter, nous a expliqués que les étrangers sont souvent embauchés dans le consulting, les banques, l’industrie, le secteur pétrolier et, mois souvent dans la distribution. En 2013, HeadHunter a placé plus de 4 000 spécialistes et gestionnaires hautement qualifiés. « Dans les pays occidentaux, de nombreux processus ont été lancés un peu avant la Russie. Par conséquent, les étrangers disposent d’une expérience pertinente et demandée que les Russes sont prêts à payer », explique le spécialiste. « Les expatriés anglophones sont les plus nombreux en Russie ; les professionnels germanophones arrivent en deuxième position, les francophones en troisième et les hispaniques en quatrième. »

Mikhaïl Joukov précise que l’intérêt à l’égard des étrangers est en baisse à cause des coûts élevés appliqués à ces spécialistes. Par ailleurs, les top managers russes ont rattrapé leur niveau. « Embaucher un étranger est toujours un processus compliqué et couteux. En outre, la Russie n’a presque pas d’entreprises qui nécessitent absolument les gestionnaires étrangers les plus onéreux, explique-t-il. L’intérêt vis-à-vis des étrangers est pragmatique et forcé. On embauche ceux qui sont capables d’appliquer leurs connaissances et expérience ici et les enseigner à leurs collègues russes. Concernant les gestionnaires, leur principal avantage est l’expérience de gestion efficace dans les situations qui sont toutes nouvelles en Russie et pour lesquelles il n’y a pas de spécialistes locaux. Pour les entreprises qui souhaitent accéder au marché international, c’est également une question de relations et de réputation du manager. »


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