Crédit photo : Elnar Salakhiev / RIA Novosti
Comme le stipule la loi, les sanctions s’appliqueront à toutes « les oeuvres de littératures, artistiques et de l’art populaire, divulguant un contenu vulgaire pendant le déroulement de l’événement ».
Le langage obscène est aussi interdit dans le cas de « la projection de films, de représentations théâtrales, de vernissages d’expositions, de concerts, de shows », etc. Une « commission spéciale indépendante » a été chargée de déterminer les termes à bannir.
La loi pour les hommes, et non les hommes pour loi
Artiste russe, réalisateur et lauréat d’un Oscar (1994) dans la catégorie « Meilleur film en langue étrangère », Nikita Mikhalkov a déclaré que la loi sur l’interdiction d’un lexique vulgaire au cinéma demande à être révisée.
« La loi est faite pour les hommes, et non les hommes pour la loi. Cette loi a de toute évidence besoin d’être revue. La question du contenu doit être étudiéen fonction de chaque cas concret, y compris au cinéma. Notamment s’il s’agit de scènes de guerre. Impossible de les tourner sans un lexique approprié», a déclaré Nikita Mikhalkov, cité par l’agence RIA Novosti.
Le président du Festival international du film de Moscou a ajouté qu’à l’avenir, les organisateurs du FIFM vont devoir se démener pour pouvoir projeter des films qui n’ont pas encore reçu l’autorisation du ministère de la Culture russe.
« Les gros
mots sont une des grandes inventions particulièrement sophistiqués du peuple
russe. Il en existe des parfaitement ignobles lorsqu’on les
entend dans le métro et les
trains de banlieue, mais il en existe aussi un autre type, qui est le moyen d’expression
d’une
condition humaine retranchée
dans ses extrêmes: la
douleur, la guerre, les attaques, la mort. Dans ce cas, ils peuvent être justifiés. Je pense
que ce sont des choses qui doivent faire l’objet de discussion selon chaque cas
particulier », souligne Mikhalkov.
Cultiver l’inculture
A quelques jours de l’entrée en vigueur de la loi, le très provocateur Sergueï Chnourov, chanteur du groupe Leningrad connu pour ses chansons particulièrement vulgaires, s’est exprimé sur le sujet lors d’un de ses concerts.
« Mon pays est au bord d’une nouvelle guerre froide. Alors bien sûr, les autorités ont besoin d’un nouveau "catalyseur" », a déclaré Shnourov. A la question comment peut-on priver les gens de ce qu’ils ont de sacré, le chanteur a répondu qu’il « n’y a pas àdécider àla place des gens ».
Dans un même temps, le poète et docteur en philosophie Igor Volgin pense que la littérature et l’art ne connaitront pas de changements radicaux.
« Rien ne va vraiment changer. Les gros mots sont le phénomène d’un discours oral, mais pas public. La culture russe s’est toujours bien portée en évitant sans aucun problème ce type de lexique. Oui, Pouchkine et Lermontov, comme d’autres poètes, ont écrit des poèmes obscènes, mais c’était l’expression d’une culture marginale, en dehors de l’espace public », explique Volgin.
Le poète estime que cette nouvelle interdiction va devenir « le chiffon rouge que l’on agite devant le taureau »: les artistes sans talent vont profiter de cette loi pour attirer l’attention de la société vers leurs oeuvres, à travers le prisme de la « protestation ».
« J’ai toujours dit qu’il fallait sauver la littérature de la vulgarité, pas la vulgaritéde la littérature. Car le texte qui contient un lexique obscène devient en un clin d’œil bourgeois et indécent. Auparavant, personne ne pensait que cela aurait pu passer dans le domaine de l’espace public. Chez l’artiste et l’écrivain, régnait l’autocensure et une interdiction culturelle intérieure. C’est très dommage qu’aujourd’hui il faille mettre un tabou sur ce phénomène àun niveau législatif ».
Les amendes pour déclaration publique de gros mots atteignent entre 40 et 50 euros pour un citoyen lambda, entre 80 et 100 euros pour les fonctionnaires et entre 800 et 1000 euros pour les personnes morales. Des sanctions similaires sont prévues pour l’utilisation d’un lexique grossier dans les reportages médiatiques. Si les gros mots investissent le champ cinématographique, le film sera interdit à la location et ne pourra être diffusé sous peine d’amende.
La loi ne s’applique pas aux produits sortis avant l’entrée en vigueur de la loi.
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