Carsten Kritscher, directeur commercial de Vice Media Germany. Source : FIPP
Dès ses premières jours d’existence, l’équipe de reporters et de rédacteurs de Vice s’est rendue en Russie et n’a jamais caché être sous le charme du pays. Shane Smith, fondateur et directeur général de la boîte, a voyagé de Moscou à Khabarovsk en 2011, avant d’entrer en Corée du Nord et de sortir le film documentaire en sept épisodes « Les Camps de travail nord-coréens ».
C’est d’ailleurs ce récit qui a rendu le groupe célèbre au niveau national, lui permettant d’obtenir un contrat avec la chaîne câblée américaine HBO, qui diffuse actuellement ses films.
RBTH a demandé à Carsten Kritscher, directeur commercial de Vice Media Germany, d’où venait cette obsession pour les Russes.
« Eh bien, nous aimons la Russie ! Le premier DVD que Vice Media a sorti parlait d’un voyage sur le Transsibérien. Nous avons ensuite réalisé des reportages sur les animaux radioactifs dans les forêts de Sibérie, ainsi que sur les comportements dans les trains russes. Notre style de narration n’a pas changé avec les années. Si les reportages sur la Russie sont devenus plus politiques, c’est pour répondre aux évènements qui se déroulent dans le monde. Vice Russia existe maintenant depuis deux ans. Quinze personnes travaillent pour nous à Moscou. Nous y proposons une large gamme de services, des investigations journalistiques aux créations comme le développement de stratégies, la photographie et la publicité ».
Le public de Vice est très jeune : il a entre 13 et 38 ans et est principalement composé d’hommes. Le site humoristique « The Onion », une autre source d’informations américaine proche de vous dans l’esprit, caricature les Américains en les présentant comme des gens qui en connaissent peu sur l’Ukraine et ne s’intéressent pas au conflit en Crimée. Leurs lecteurs sont à peine plus âgés que les vôtres. Qu’est-ce qui vous fait penser que le public de Vice s’intéresse à l’Ukraine ?
Notre approche des reportages se différencie de celle de « The Onion ». Nous avons « Vice News ». Début mars, les journalistes de l’équipe moscovite ont passé deux semaines en Ukraine pour réaliser ce que nous appelons une vidéo dans le style « expérience personnelle ». Les gars ont été à la rencontre des gens et leur ont demandé de raconter leur histoire, sans rien interpréter ou ajouter. Ils ont franchi la frontière qui s’est levée entre la Russie et l’Ukraine.
La photo « à la Vice ». Source : FIPP
Nous ne comprenons pas mieux la Russie que les autres médias étrangers. J’ai l’impression que les Russes ne se comprennent en quelque sorte pas eux-mêmes. Ce qui nous distingue cependant des autres, c’est notre désir de donner la parole aux Russes et aux Ukrainiens afin qu’ils puissent raconter leurs propres histoires. Voilà pourquoi nous sommes les meilleurs.
Il est frappant de voir à quel point votre style de narration dans les reportages sur la Crimée se différencie du Wall Street Journal ou du Washington Post. Ces derniers ont clairement choisi leur camp, alors que vous restez neutres. Ne désirez-vous pas prendre part à la « guerre de l’information » ?
Ha ! C’est une question facile. Nous ne sommes pas une source d’informations politiques. Nous ne sommes ni de droite, ni de gauche, ni du centre. Nous sommes Vice, avec notre propre philosophie. Je sais que ça peut sonner faux mais c’est la vérité. Nous voulons simplement trouver des histoires intéressantes. C’est comme cela que nous travaillons et c’est pour cette raison que nous pouvons encore dire ce que nous pensons.
Avez-vous connu des problèmes avec les personnalités politiques et les autorités russes, ou encore de la pression juridique et économique ?
Pas que je m’en souvienne. Mais si tu as vu les reportages sur la Crimée de Simon Ostrovski, tu auras compris que nous rencontrons des obstacles durant les tournages: refus de caméras, cris, insultes, jets de pierres, et j’en passe.
Exactement les mêmes difficultés que pour tous les autres journalistes. OK ! Imaginons que la Russie devienne un État comme la Corée du Nord. Vice resterait-il en Russie ?
En voilà une question intéressante ! Écoute, nous ne vous quitterons pas, nous ferons toujours des reportages en Russie et continuerons à raconter des belles histoires en provenance des quatre coins du monde. Mais je ne pense pas que le scénario que tu viens de décrire se réalisera un jour. C’est mon avis personnel.
Pensez-vous sérieusement que les médias influencent considérablement les relations internationales ?
Il serait même insensé d’en débattre. Évidemment qu’ils ont de l’influence. Une série de films ont provoqué de graves « frictions » sur la scène internationale, et les médias ont réalisé et relayé ces productions pour faire parler. Ils ont toujours exercé et continuerons à exercer une grande influence. Au fond, les consommateurs de médias comme toi et moi représentent le résultat final.
Nous façonnons notre vision du monde en fonction de ce que nous voyons dans les médias. Si tu ne crois pas ce qu’écrit ton journal, lis-en un autre. Ta chaîne dit des bêtises ? Zappe !
Comment choisissez-vous les sujets sur la Russie ?
Nous disposons d’un rédacteur en chef dans chaque pays qui prend ces décisions localement. Ils doivent toutefois suivre les principes de Vice : proposer au public des sujets actuels et captivants, le respecter, lui donner toutes les cartes en main, lui rendre la vie plus intéressante, lui permettre de tout voir avec ses propres yeux. Le public nous remercie en permanence pour notre approche et répand le mode de vie « à la Vice », ce qui nous rend très heureux.
Vice Media, ce sont des magazines, mais aussi des reportages, des documentaires, des agences publicitaires, des festivals de musique et un soutien actif aux jeunes artistes. Le groupe compte engendrer 1 milliard de dollars (726 millions d’euros) d’ici 2016 et entrer en bourse, comme l’a déclaré Carsten Kritscher, directeur commercial de Vice Media Germany, lors du Sommet des innovateurs numériques à Berlin.
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