Les Pussy Riot, selon Maxim Pozdorovkin, ne sont pas de simples musiciennes comme le pensent les Occidentaux, mais de véritables artistes conceptuelles. Crédit : Itar-Tass
« En Russie comme en Occident, l’image des Pussy Riot n’est pas fidèle à ce qu’elles sont », explique Maxim Pozdorovkin, co-réalisateur du film. « En Russie, elles ont été présentées comme des vandales qui haïssent la religion. En Occident, on a dit que tout ce qui s’est passé a eu lieu seulement parce qu’elles avaient chanté une chanson contre Poutine dans la plus importante cathédrale de Russie et que pour cela, elles avaient pris trois ans de prison. Quel idiotie! Je voulais montrer que c’est beaucoup plus compliqué que cela, qu’elles font encore bien d’autres choses ».
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Dans ce film, il y a les parents qui s’inquiètent pour leur sort, les avocats qui donnent l’impression qu’ils ne sont pas là pour défendre leurs clientes mais pour appeler le peuple aux barricades. Quant aux fondamentalistes chrétiens, ils n’y voient qu’un complot des forces du mal et souhaiteraient presque faire sortir le démon qui sont en elles. Et puis il y a le groupe de soutien ultra-libéral mené par Piotr Verzilov, le mari de Nadejda Tolokonnikova, et son anglais parfait. Les réalisateurs épluchent l’histoire des Pussy Riot pour y démêler le vrai du faux et on s’aperçoit que leur performance ne portait en soi aucun message en tant que tel. Toute la résonance et l’importance que le monde lui a donné proviennent du gouvernement et de la société. Sans leur arrestation et tout le scandale autour du procès, leur chanson dans la cathédrale aurait été bien vite oubliée.
Les réalisateurs sont partagés quant au but principal du film. Le co-auteur britannique Mike Lerner pense qu’il s’agit d’une lutte contre le régime de Poutine : « La situation des Pussy Riot donne un aperçu exact de la nature du régime actuel et de son abus de pouvoir en Russie. Malheureusement, il y a beaucoup d’autres exemples qui montrent la façon dont l’Etat a violé les droits fondamentaux de ses citoyens et de comment il continue à renforcer l’intolérance et la discorde entre les Russes au profit de leur propre avantage ». Lerner avoue cependant que ce problème ne concerne pas uniquement la Russie : « En tant que citoyen britannique, je ne me fais pas d’illusions sur mon propre pays, trop souvent capable d’être l’ennemi de la liberté et de la justice sociale. C’est pourquoi le reste du monde s’est rallié aux Pussy Riot comme un exemple de vérité, un antidote à l’intolérance, des championnes de la justice sociale ».
De son côté, Maxim Pozdorovkin a une autre vision : « Avec ces films, nous essayons de déconstruire les médias. Pour moi, c’est très important. Je suis sûr que si l’on fait des films politiques, on doit faire des films sur les médias, car ce sont eux qui construisent notre réalité ».
En parallèle du documentaire sur les Pussy Riot, Pozdorovkin a réalisé (aux côtés de l’américain Tony Gerber) The Notorious Mr. Bout, qui retrace la vie du trafiquant d’arme Viktor Bout, condamné à 25 ans de prison ferme aux Etats-Unis.
Ces deux films ont en commun l’art et la politique. Comme un pont permettant de passer de l’art à la politique et vice versa. Les Pussy Riot, selon Maxim Pozdorovkin, ne sont pas de simples musiciennes comme le pensent les Occidentaux, mais de véritables artistes conceptuelles. Mais les artistes dans cette histoire ne sont pas seulement les Pussy Riot. Il y a aussi... Viktor Bout ! « Viktor disait qu’il aurait voulu faire du documentaire. Il rêvait de faire un film dans le style des documentaires de National geographic et il a fait plein de vidéos intéressantes. Mon film est constitué à 80% de vidéos sur Viktor Bout par Viktor Bout. Par dessus se greffe ensuite l’histoire de son arrestation ».
« Pourquoi j’ai voulu faire un film sur les Pussy Riot ? », demande Pozdorovkin. « Parce que tout le monde en parlait et j’ai senti qu’ils utilisaient cette affaire dans un but politique. La situation est identique pour Viktor Bout. Dans notre film, l’un des personnage dit : il devient de plus en plus difficile de dire quelque chose sur Viktor Bout sans glisser dans une confrontation idéologique simpliste entre les deux pays. Il est soit le méchant, soit le gentil qui s’est fait avoir. La privatisation de ce secteur et son rôle dans cet Etat ne me correspondent pas ».
Maxim Pozdorovnik est arrivé à New York depuis Moscou avec sa famille à l’âge de onze ans. Il a étudié à l’université Cornell et d’Harvard. A Havard, il soutient sa thèse en doctorat sur le thème « Khronika : Les Actualités Soviétiques à l’aube de l’ère de l’information ». Puis il enseigne l’histoire du cinéma. Il est le réalisateur de plusieurs films documentaire : Capitale (sur la capitale du Kazakhstan, bâtie en pleine steppe), Pussy Riot : une prière punk et The Notorious Mr. Bout.
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