Emergence des entreprises à vocation sociale en Russie

Source : service de presse

Source : service de presse

D’après les chiffres de l’Agence russe des initiatives stratégiques, d’ici 2020, le chiffre d’affaires des entreprises sociales pourrait atteindre 335 milliards d’euros. Le gouvernement et les banques semblent prêts à soutenir cette dynamique.

Les Russes n’ont pas encore une notion précise de l’entreprenariat social. Il est encore courant pour eux de faire l’amalgame entre les « entrepreneurs sociaux » qui versent une partie de leur bénéfice à des actions humanitaires et ceux qui emploient des gens aux capacités de travail limitées. 

Mais on a tendance à observer de plus en plus de projets sociaux qui ne rentrent pas dans ces catégories.

Le Centre russe pour l’égalité des chances Vverkh (Vers le haut, en russe) existe à Moscou depuis plus de 10 ans et propose aux élèves des établissements spécialisés pour déficients mentaux et handicapés une remise à niveau de leurs capacités scolaires et une préparation aux examens d’entrée en formation professionnelle ou en université.

« Nous avons plus de cents élèves de 18 à 30 ans. Le problème avec les établissements spécialisés est que leur programme est insuffisant pour entrer à l’université ou trouver du travail. Et nous avons 25 enseignants qui travaillent avec eux », explique Daria Alexeeva, formatrice de Vverkh à l’atelier de travaux manuels « Roukiottouda » (Les mains poussent de là).

Le Centre Vverkh a le statut d’association caritative et les cours ne peuvent pas être payants. L’argent pour le salaire des enseignants provient des bourses et des dons, comme souvent pour ce genre d’organismes.

Mais les travailleurs et les bénévoles de l’association ont trouvé un autre moyen de gagner de l’argent. En participant à la vente de charité « Douchevnyi bazar » (Le marché de l’âme) et en y vendant des objets fabriqués par leurs élèves comme des mangeoires pour oiseaux, des magnets, des porte-clefs, etc.

« Nous avons récolté 200 000 roubles (4 550 euros), une somme astronomique pour nous. Lors de la préparation à cette vente caritative, nous avons eu l’idée d’exposer nos objets sur les réseaux sociaux et avons commencé à les vendre en ligne. Au final, il ne nous restait plus grand-chose pour la foire et il a fallu mettre les bouchées doubles la dernière semaine », se souvient Daria Alexeeva.

Au début, les élèves n’avaient aucune motivation financière, tout le bénéfice allait au développement de l’école. Mais très vite, la société Vverkh a décidé de rémunérer leurs efforts. Pour une mangeoire d’oiseau vendue 2 500 roubles (57 euros), une partie va à la location du stand et à l'achat des matériaux utilisés. Le reste est partagé à moitié entre l’école et l’élève.

« Nous aurions pu organiser des ateliers de thérapie par le travail et obtenir des bourses, comme beaucoup le font. Mais nous avons choisi une autre voie, en misant sur la valorisation du travail manuel des élèves et sur la rémunération de leur travail. L’important n’est pas dans les objets produits, ni dans le gain, mais dans l’implication et l’autonomie de nos élèves, leur capacité à gagner leur propre argent, les rapports professionnels auxquels ils n’avaient pas accès auparavant », explique Daria.

Le centre Vverkh est en grande partie financé par des grosses entreprises juridiques, financières et de conseil comme Merrill Lynch, PWC, Linklaters, Globus, Ernst&Young, ainsi que par des Fonds caritatifs russes et occidentaux.

Bien que le soutien financier soit essentiel au fonctionnement de l’école, qui a besoin de 700 000 roubles (15 900 euros) par mois. « On nous aide aussi au niveau de l’organisation. Par exemple, le local est mis à disposition à titre gratuit par l’église St Andrews, la seule chapelle anglicane de Moscou ».

C’est en voyant l’intérêt croissant du monde des affaires et des investisseurs, y compris étrangers, pour ces associations caritatives, que le gouvernement a commencé à s’y intéresser.

Récemment, la banque Ouralsib, l’organisation publique des petites et moyennes entreprises Opora Rossii (Appui de la Russie, en russe) et le Fonds Nache buduschee (Notre avenir, en russe) se sont engagés à aider les entrepreneurs sociaux, qui travaillent non seulement pour le gain mais aussi pour l’action humanitaire.

Ils se sont impliqués en modifiant la législation et en mettant en place des consultations juridiques et financières gratuites pour les jeunes entrepreneurs sociaux. Les banques, elles, proposent des crédits proches des taux de refinancement.

L’aide n’est pas théorique mais concrète : de l’argent est fourni sous forme de crédits mais aussi sous forme de bourses. Le Fonds Nache budushee, créé en 2007 par Vaguit Alekperov, le PDG de la compagnie pétrolière Loukoïl, a déjà soutenu des centaines de projets semblables à celui-ci pour un montant total de plus de 6 millions de dollars (4,5 millions d'euros).

« Les chiffres montrent que les investissements dans la sphère des entreprises sociales n’ont fait que croître ces derniers temps. C’est simple, dans beaucoup de grandes villes, il y a une réelle demande de services sociaux qui peuvent très bien être assurés par ce genre d’organisations. Les réformes, encore lentes, ne permettent pas pour l’instant au secteur de décoller mais il est probable que dans les années à venir notre pays fera un bond en avant », conclue Anton Soroko, analyste de la société d’investissement Finam.

 

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