La bataille pour Moscou, c'est David contre Goliath

À gauche, le maire sortant Sergueï Sobianine. À droite, l'opposant Alexeï Navalny. Crédit : Photoshot/Vostock-Photo

À gauche, le maire sortant Sergueï Sobianine. À droite, l'opposant Alexeï Navalny. Crédit : Photoshot/Vostock-Photo

Le Kremlin veut voir son candidat remporter l'élection dès le premier tour pour démontrer son écrasante supériorité. Mais l'opposition lui envoie son champion dans les jambes.

La course politique pour le contrôle de la capitale russe se résume désormais à un face-à-face entre le maire sortant Sergueï Sobianine, soutenu par le Kremlin, et le leader de l'opposition Alexeï Navalny. L’élection du maire de Moscou le 8 septembre prochain sera la première en 10 ans : celle de 2004 avait été remplacée par une nomination présidentielle.

Sobianine, 55 ans, a été nommé maire en 2010 pour succéder à Yuri Loujkov, limogé par le président de l’époque Dmitri Medvedev. Le nouveau maire a remplacé la quasi-totalité de l’équipe de son prédécesseur avec l’objectif affiché de moderniser la ville en redynamisant son système de transports et en améliorant les espaces publics, tâche à laquelle son équipe s’est activement attelée pendant la durée de son mandat.

Elle a dit

Olga Krychtanovskaya : « Le maire doit avant tout gérer les infrastructures. Il ne suffit pas d’être un bon orateur pour être un bon maire. Sobianine incarne la stabilité, il répare les infrastructures et construit de nouvelles routes. Au final, cela reviendra à choisir entre Poutine et l’opposition ».

Âgé de 37 ans à peine, son challenger Alexeï Navalny représente une nouvelle génération d'hommes politiques. Il a construit son ascension par son activisme sur le web et l'organisation de manifestations antigouvernementales.

La course à la mairie de cette ville de 15 millions d’habitants devait initialement démarrer en 2015, à la fin du mandat de cinq ans du maire actuel. Mais Sergueï Sobianine, auparavant gouverneur d'une région pétrolifère et chef de l’administration présidentielle, a chamboulé les cartes en avançant les élections. La raison ? « Le Kremlin et Sobianine craignent l'avenir », explique Lilia Shevtsova, analyste politique au centre Carnegie de Moscou. « Le gouvernement s'attend au mécontentement des moscovites dans un avenir proche, car la Russie entre en récession ».

Un récent sondage d’opinion conduit par Synovate Comcon montre que 63 % des moscovites souhaitent voter pour Sobianine, suivi par Navalny avec 20 % d’intentions. Les autres candidats sont loin sous la barre des 10 %.

Alexeï Navalny s'est fait connaître par son blog dénonçant la corruption au sein des sociétés publiques. En 2010, il a formé une plateforme d’avocats, financée par un réseau participatif, afin de mettre au grand jour les fraudes sur les commandes publiques. Il assure que les enquêtes de sa fondation ont conduit à l’annulation de contrats d’État à hauteur de 1,5 milliards d'euros.

Toutefois, au cours des 18 derniers mois, M. Navalny a été la cible d’une enquête criminelle jugée par beaucoup d'observateurs comme étant à caractère politique. En juillet, il a été reconnu coupable du détournement de 377 000 euros au détriment d'une exploitation forestière à Kirov, où il était conseiller du gouverneur de la région en 2009, et condamné à cinq ans de prison. Sa condamnation au terme de ce procès très controversé a conduit des milliers de manifestants à protester dans les rues proches du Kremlin à Moscou.

À la surprise générale, 24 heures seulement après la demande de son emprisonnement, les procureurs sont retournés devant la cour pour demander sa libération pendant la durée de son appel. Cette libération lui a permis de prendre part à la course pour la mairie de Moscou. Du moins provisoirement.

« C’est Sobianine qui a sorti Navalny de prison », affirme Igor Bounine, président du Centre des technologies politiques, basé à Moscou. « Le maire actuel veut montrer que ces élections sont transparentes et ouvertes pour que sa victoire soit légitime. C’est pour cela qu’il a libéré le principal blogueur russe ».

Habituellement persona non grata à la télévision publique, principale source d’information pour 87% des Russes, Navalny saisit chaque occasion pour porter son message : mettre fin à la corruption permettrait de récupérer des centaines de millions de roubles pour le budget de la ville, argent qui pourrait ensuite bénéficier aux Moscovites. Lors d’un débat télévisé entre les candidats auxquels Sobianine a refusé de participer, Navalny a parlé de la corruption publique omniprésente.

« La campagne de Sobianine est typique du gouvernement qui contrôle toutes les ressources, elle manque d’imagination et utilise la pression administrative, dit Mlle Shevtsova. Navalny utilise de nombreuses méthodes de campagne dynamiques, en ligne comme hors ligne, malgré ses ressources limitées ».

Il a recueilli un total de 1,3 million d'euros de dons pour sa campagne et peut compter sur 14 000 volontaires qui distribuent des brochures et des journaux à travers la ville. Chaque jour, Navalny organise jusqu’à cinq réunions avec les électeurs en plein air à proximité des stations de métro dans différents quartiers de Moscou. Ce qui a commencé comme une campagne visant à légitimer Sobianine en tant que maire de Moscou a, petit à petit, légitimé Navalny en tant que son principal opposant. Reste à savoir si l'opposant sera emprisonné après l’élection, ce qui pourrait le transformer en prisonnier politique aux yeux de nombreux Russes.

 

 

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