Cette année, pour les élections du maire de la capitale russe, 3 411 bureaux de vote fonctionneront. Crédit : Pavel Lissitsyne/RIA Novosti
J’ai été l’un de ceux qui se sont rendus sur le boulevard Chistoproudny, au centre de Moscou, le lendemain des élections parlementaires de 2011. Beaucoup de Russes sont sortis dans la rue suite à la publication sur Internet de nombreuses vidéos, filmées par des observateurs, où l’on voyait des violations évidentes du processus électoral. Il s’agissait de bourrage des urnes, de provocations, du vote à plusieurs reprises de la même personne, et d’autres méthodes de falsification des élections. Peu se posaient alors la question de la véracité de ces vidéos, mais il était clair que, même si le dixième de ces vidéos était réel, alors que pouvait-il bien se passer dans les bureaux de vote où il n’y avait pas d’observateur muni d’une caméra ? C’est à ce moment que j’ai pris conscience du fait que le seul moyen d’influencer la légitimité des élections était de les défendre soi-même contre les falsificateurs.
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Afin de devenir observateur, j’ai utilisé le programme informatique Rosvybory. Sur ce service, vous pouvez vous inscrire sur une liste d’attente et obtenir ainsi la possibilité de devenir observateur pour le parti que vous voulez. La principale fonction du projet est de faire en sorte qu’il y ait, tant que possible, au moins un observateur indépendant. Chaque observateur doit être diligenté par l’un des candidats, et je suis devenu observateur pour un candidat à la présidence, l’homme d’affaires Mikhaïl Prokhorov. J’aurais pu devenir observateur pour le candidat communiste ou pour tout autre candidat, cela n’a aucune importance. Je voulais influencer non pas le résultat, mais l’honnêteté de la procédure.
Le jour de l’élection, je suis arrivé à 7 heures pile à mon bureau de vote, et j’ai fait connaissance avec la commission. Nous avons passé les 22 heures qui ont suivi (y compris les 7 heures de décompte des votes) en compagnie des autres observateurs et des membres de la commission, nous efforçant de communiquer et de faire en sorte que personne n’ait de doute quant à la légitimité des résultats sur notre bureau. Parmi les observateurs, la majorité était novice, comme moi, mais certains professionnels étaient venus déjà armés de formulaires de plaintes. Il y avait un risque de falsification : nous recevions de temps en temps des SMS nous alertant sur des groupes organisés louches ou des fraudes dans d’autres bureaux. Mais nous avons réussi à obtenir ce pourquoi nous étions venus : nous avons défendu la voix de notre bureau.
Cette année, pour les élections du maire de la capitale russe, 3 411 bureaux de vote fonctionneront. Seulement 1 035 d’entre eux possèderont des systèmes électroniques de traitement des bulletins de votes. Il est admis que le décompte automatique des voix est beaucoup plus complexe à falsifier. Restent plus de 2 000 bureaux qui ont besoin d’observateurs. Je ne pouvais pas manquer un tel événement. Cependant, cette fois-ci, j’occuperai un autre rôle : celui de membre de la commission électorale disposant d’un droit de décision.
Devenir membre d’une commission électorale est une démarche logique pour tous les observateurs. Il prend part à la commission électorale, il participe à toutes les délibérations liées à l’organisation, il ne peut pas être exclu du bureau de vote et il donne directement aux électeurs les bulletins, compte les voix et signe le protocole final. L’association d’un observateur et d’un membre doté d’un droit de décision forme le plus puissant instrument de contrôle des élections.
Je suis devenu membre de bureau de vote doté d’un droit de décision de la même manière que j’étais devenu observateur : au travers de Rosvybory. Le coordinateur de mon arrondissement moscovite m’a contacté. Cette fois, je suis passé dans le quota du parti Russie juste. De même que pour l’observation simple, le choix d’un parti lors de l’inscription n’oblige en rien à prendre en compte les intérêts du parti : chaque membre est indépendant.
Il est important de noter que, malgré la répartition formelle de tous les membres comme représentants de divers partis, nous travaillons in fine comme une équipe unique. La légitimité des élections est le but principal pour tous.
Cette année, les commissions sont formées pour les 5 années à venir, contrairement à auparavant, où elles étaient formées juste avant les élections. Elles vont travailler ensemble pour quatre élections : celles de maire, de président, du parlement moscovite et du parlement fédéral (la Douma).
Cependant, malgré le sérieux de cette tâche, il est possible de remplir sa demande sur Rosvybory en cinq minutes. En quelques jours, nous avons été formés à toutes les situations possibles, et quelques entraînements ont suffit pour se sentir sûr de soi. Afin de se préparer à toutes les éventualités, les entraînements se déroulent sous les formes les plus inhabituelles. Ainsi, pendant l’une des séances, tous les participants ont été séparés en deux groupes, d’un côté les expérimentés, de l’autre les novices. Ceux qui n’avaient pas d’expérience ont été priés de quitter la salle pendant quelque temps, alors que les autres avaient pour mission de falsifier les élections au moyen de provocations, de bourrage des urnes, de papiers d’identité falsifiés…
Une journée de travail intensif sur le bureau et quelques jours pour la préparation, c’est un prix peu élevé à payer pour le sentiment d’un devoir citoyen rempli. S’il y a une possibilité de rendre les élections plus ouvertes, plus légitimes et tout simplement plus organisées, il faut s’en saisir.
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