La police ouvre la chasse aux employeurs

Crédit : Tatiana Kravtchenko/RG

Crédit : Tatiana Kravtchenko/RG

L’immigration reste l’une des questions les plus débattues à l’approche de l’élection du maire de Moscou le 8 septembre prochain. La responsabilité d’y mettre de l’ordre repose sur les épaules du chef de la direction générale pour Moscou du Ministère de l’intérieur de Russie Anatoli Yakounine, qui a notamment supervisé la mise en œuvre de l’initiative controversée visant à placer les immigrés illégaux dans des camps « ghettos » créés à cet effet en périphérie de Moscou. Mais, comme l’a fait savoir RBC daily, l’action de la police de Moscou ne se limitera pas aux seules incursions sur les marchés et les chantiers de construction et à l’acheminement des immigrés illégaux vers ces camps avant leur expulsion du pays.

« Les mécanismes actuels de luttes contre l’immigration illégale, limités à la rédaction de rapports administratifs  et à la rétention des personnes, ne permettent pas de pleinement protéger les intérêts des citoyens. Nous devons repenser notre approche et concentrer nos efforts sur l’ouverture de procédures pénales, en particulier en ce qui concerne les employeurs sans scrupules », a déclaré voici quelques jours le chef  de la police de Moscou au cours d’une réunion des principaux hauts responsables.   

Selon les informations de RBC daily, des directives portant sur le ciblage des employeurs proposant du travail aux immigrés illégaux circulent déjà au sein des forces de police. « Les incursions vont se poursuivre mais la procédure suivant l’interpellation des immigrants illégaux va changer : si aujourd’hui les immigrants sont enregistrés dans les bases de données puis envoyés dans un camp et ensuite expulsés, désormais l’accent sera mis sur les moyens de découvrir où il travaille ainsi que sur la recherche de son employeur »,  a indiqué une source de RBC daily au sein de la direction générale de la capitale. S’ils permettent de faciliter le travail des forces de maintien de l’ordre, certains immigrés illégaux pourraient même être relâchés. « Il est bien entendu que cela se fera de manière informelle, mais un tel système d’incitation pourrait fonctionner », estime-t-on au sein de la police de Moscou.

Les premiers succès de cette nouvelle orientation dans le travail de la police sont déjà bien visibles. Récemment, les agents de police des arrondissements de Troitsky et de Novomoskovsky sont intervenus sur le marché Mejdounarodny. Il en a résulté l’inculpation pour organisation d’une filière d’immigration illégale du directeur du marché D. Djafarov, du sous-locataire d’un atelier de couture, M. Danilov et du directeur de cet atelier, S. Jouraev. Pour autant, tous les suspects n’ont pas été libérés sous caution comme le prévoyait auparavant les textes, mais placés en centre de détention.    

Le président du comité du travail et des politiques sociales de la Douma, Andreï Isaev a fait écho à l’initiative de la police de la capitale en affirmant dans les colonnes de la Komsomolskaïa Pravda la nécessité de « durcir les mesures contre les employeurs qui ont recours au travail illégal ». « Il faut se diriger vers la mise en place de sévères peines de prison ainsi que des amendes  qui soient non seulement importantes mais ruineuses. Cependant, il est ici important de faire la distinction entre ceux qui exploitent des immigrés illégaux à l’échelle industrielle, créant par là un régime esclavagiste à l’intérieur de notre économie, et les simples citoyens qui ont décidé d’employer des immigrés illégaux pour leurs datchas et leurs jardins potagers. (Dans ces cas, de telles mesures drastiques ne s’appliqueront pas) », a-t-il expliqué, en ajoutant que la Douma se penchera à l’automne sur les modifications législatives appropriées.

Le président du conseil social auprès de la direction générale pour Moscou du Ministère de l’intérieur, Olga Kostina, a déclaré que le Ministère de l’intérieur ne devrait pas attendre que les députés agissent, mais qu’il lui appartenait de mettre sur pied un projet de loi durcissant les sanctions à l’encontre des employeurs.

« Cette augmentation sans précédent des interpellations des immigrants clandestins, ces camps, tout cela ne permet pas véritablement de lutter contre les causes, mais traite uniquement les conséquences : la détention et l’expulsion des immigrants peut se révéler un procédé sans fin et passablement douloureux, estime-t-elle. Il est indispensable que les personnes réellement engagées dans cette traite aux esclaves se voient au minimum privées de leurs commerces et au maximum, de leur liberté ».

Les juristes soulignent que les membres des services de police ont des difficultés à rassembler des preuves concluantes. « La responsabilité pénale ne couvre pas seulement l’embauche d’immigrants clandestins, mais aussi l’aide apportée pour leur permettre de franchir la frontière, la mise à disposition d’un logement et d’autres services, (c'est-à-dire que cette dernière s’applique à l’intégralité du recours à un travailleur étranger sur la base de rotations », a indiqué le juriste senior du cabinet Yakovlev & partners, Anton Alekseev – rassembler tous ces documents sera problématique. » Mais si l’on parvient malgré tout à réaliser tout cela, alors d’après l’avocat du cabinet juridique Khrenov & partners Sergueï Klimenko, ces employeurs encourent jusqu’à 7 ans d’emprisonnement ainsi qu’une amende pouvant s’élever à 500 000 roubles. Au sein de la communauté d’affaires, l’on ne croit pas véritablement au succès de « l’opération spéciale » des forces de police. « Ce dispositif est à sens unique. Je ne crois pas qu’il pourra produire l’effet désiré. Il est indispensable d’avoir des règles du jeu transparentes, sinon  cela va seulement conduire à une augmentation de la corruption. Il est clair qu’il y a de nombreux problèmes liés aux immigrants. Mais nous avons mis en place des lois que l’on n’applique pas en pratique et qui ne fonctionnent pas. Par exemple, les exigences en matière de connaissances sont les mêmes pour les immigrants de langue russe et les autres », a déclaré le directeur d’OPORA RUSSIE, Alexandre Bretchalov.

Texte original (en russe) publié sur le site de RBC Daily

 

 

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