Monuments en voie de disparition

La maison des Volkonski, rue Vozdvizhenka, construite à la fin du XVIIIe siècle, a été reconstruite après l’incendie de 1812 et rachetér en 1816 par le prince Nikolaï Volkonski, grand-père de l’écrivain Léon Tolstoï. Crédit photo : Gruszecki / wikipe

La maison des Volkonski, rue Vozdvizhenka, construite à la fin du XVIIIe siècle, a été reconstruite après l’incendie de 1812 et rachetér en 1816 par le prince Nikolaï Volkonski, grand-père de l’écrivain Léon Tolstoï. Crédit photo : Gruszecki / wikipe

Les monuments architecturaux de Russie disparaissent de plus en plus souvent par la faute de bâtisseurs peu consciencieux. Une légende démentie par une entrepreneuse de Pskov qui, en 2011, a acheté la propriété de Rosenberg, datant de la fin du XIXe et du début du XXe siècles, ayant fait avant l’achat, comme souvent, un engagement de protection. Mais après la conclusion de l’affaire, elle a détruit le monument pour y construire à la place un hôtel.

En Russie, peu de personnes seraient surprises par ce type de nouvelles, c’est autre chose qui laisse perplexe : la femme en question a été condamnée à payer une amende d’un montant total de 35 000 roubles (875 euros). Cela ne représente rien en comparaison avec les profits apportés par l’hôtel. En réalité, elle a agi en tout impunité, comme de nombreux autres preneurs. 

Le directeur départemental Vladimir Tsvetnov a expliqué qu'il n’existe pas dans la législation russe de système d’amende établi en ce qui concerne les actions non autorisées envers les sites culturels patrimoniaux.

Un tel système ne sera en vigueur qu’en août de cette année, prévoyant une amende allant jusqu’à 20 millions de roubles (500 000 d'euros) pour la démolition d’un patrimoine culturel de valeur fédérale, et jusqu’à 60 millions de roubles (1,5 millions d'euros) pour la destruction d’un monument inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

Mais mêmes ces sommes semblent déjà insuffisantes, puisqu’il est évident que sur le territoire russe il y a des lieux et des sites ayant cette valeur. Ne serait-ce que  la « maison du vieux Bolkonski », qui est devenue ces derniers mois l’épicentre de la bataille entre les preneurs à bail et des personnalités publiques. 

La maison des Volkonski, rue Vozdvizhenka, construite à la fin du XVIIIe siècle, a été reconstruite après l’incendie de 1812 et rachetér en 1816 par le prince Nikolaï Volkonski, grand-père de l’écrivain Léon Tolstoï. Il est devenu le prototype du vieux prince Bolkonski dans le roman Guerre et paix.

La demeure a survécu aux deux guerres mondiales et à l’époque soviétique, mais en 2009, elle a été supprimée du registre des monuments architecturaux, ce qui a marqué le début de sa fin. Deux ans auparavant, les autorités avaient entériné le projet de reconstruction du monument « dans le cadre de mesures spéciales orientées vers la régénérescence des milieux urbains historiques ».

Parmi la « régénérescence des milieux urbains historiques » se trouvait l’élévation de deux étages qui, selon ce que proposait le Centre de développement des relations humaines, propriétaire du monument, devaient être loués en tant que bureaux.

Pour la seule année 2012, la Russie a perdu 40 sites culturels de son patrimoine. Ces chiffres ont été donnés récemment par le département de contrôle, de surveillance et de délivrance de licence du service du patrimoine culturel du ministère russe de la culture.

Selon une évaluation de l’organisation sociale Arkhnadzor qui défend les monuments architecturaux moscovites, le prix de location de la maison des Volkonski après rénovation peut atteindre plusieurs millions de roubles (25 000 euros) par an : une broutille pour le preneur de bail. 

Le département du ministère de la culture de Russie explique qu’il n’a pas été fourni, pour la maison des Volkonski, de document justifiant la valeur culturelle du monument.

« Oui, nous comprenons comme vous que dans cette maison a vécu le grand-père de Léon Tolstoï, qu’elle a une histoire, mais il n’y a pas de justificatif écrit, c’est pourquoi nous ne pouvons rien faire. Nous ne sommes pas historiens », a expliqué Vladimir Tsetnov, pointant encore un autre problème concernant la défense des sites de patrimoine culturel. 

Il s’agit d’une polémique récurrente entre experts sur la tenue d’expertises alternatives. A cette polémique on peut ajouter le cas appelé « arrangement » de faits historiques, ainsi que les conclusions incorrectes des experts. Selon les membres d'Arkhnadzor, c’est précisément ces facteurs qui sont la cause de la destruction de ce type de sites culturels, comme le stade Dynamo ou le Detski Mir (Monde de enfants). 

« L’expertise déloyale, malheureusement, prospère. Ce n’est pas toujours un arrangement de faits, parfois ce sont des conclusions incorrectes, comme pour le cas du dépôt circulaire (de la gare de Léningrad) », considère le coordinateur d'Arkhnadzor Roustam Rakhmatoulline.

Il explique que les experts ont approuvé le projet de démolition du monument sous couvert de son « adaptation », constatant simultanément qu’une fois une partie démolie, il deviendrait un objet protégé.

L’arrangement historique, selon lui, est maintenue dans l’acte des experts historico-culturels étatiques, selon lequel trois quarts de murs du stade « Dynamo » construit dans les années 1920 ont été démolis à la veille des Jeux Olympiques de 1980. « C’est justement ces trois quarts de murs qui ont été détruits, non pas en 1980, mais en 2012. » 

Les spécialistes proposent de chercher un moyen de sauver les sites culturels. À part l’introduction d’amendes élevées, une des possibilités alternatives pourrait être la privatisation des monuments historiques avec l’élaboration de strictes conditions telles que l’obligation de les conserver et le droit des autorités de rompre le contrat en cas de destruction.

« Il faut confier les monuments à des personnes privées. Nous n’avons pas suffisamment d’argent pour tous les sites culturels. Il faut du capital privé », résume Vladimir Tsvetnov.

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