Les agressions de journalistes seront sanctionnées plus sévèrement

Crédit photo : ITAR-TASS

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Suite à un nouvel assassinat d'un journaliste dans le Caucase du Nord, les députés proposent de rallonger la peine d'emprisonnement maximale pour violence envers les journalistes de six à dix ans. Cette loi permettra-t-elle réellement de renforcer la sécurité des journalistes en Russie ou s'agit-il d'un nouveau texte difficilement applicable comme certains le pensent?

Si le projet de loi est adopté, la peine pour violence envers les journalistes sera identique à celle pour violence envers les représentants des autorités. La peine maximale pour violence sans danger pour la vie ou la santé ainsi que pour menaces de violence envers les journalistes ou leurs proches, dans le cadre de l'exercice de leur activité professionnelle sur le terrain, s'élèvera à cinq ans d'emprisonnement.

Alors que la violence représentant un danger pour la vie et la santé sera passible de dix ans d'emprisonnement maximum. 

La liste des circonstances aggravantes sera compétée de la phrase « dans le cadre de l'exécution par la victime de son activité professionnelle » en complément de l'exécution du service public ou de l'activité professionnelle. 

« Le Code pénal ne mentionne que l'activité professionnelle au sens large, sans parler du terrain », - explique l'un des auteurs du projet de loi, le député du parti social-démocrate La Russie juste, Mikhaïl Serdiuk.

« Lorsque vous exercez votre activité professionnelle dans le bureau de la rédaction, personne ne viendra vous agresser, du moins on l'espère. Alors que lorsque vous êtes agressé en bas de chez vous, même si l'agresseur est arrêté et traduit en justice, il est difficile de parler de l'activité professionnelle, l'agresseur peut dire qu'il n'a juste pas aimé votre tête. Activité professionnelle terrain est un terme plus large ».

L'objectif du projet de loi, selon Serdiuk, est de protéger la vie et le travail des journalistes. Par ailleurs, il considère que la loi ne pourra être efficace que si l'agresseur comprend qu'il ne pourra échapper à la sanction. « On peut les punir de 100 ans d'emprisonnement, cela ne changera rien », - admet-il tout d'un coup. 

Il estime que les pouvoirs doivent donner un signal clair qu'ils se soucient de la sécurité des journalistes et font tout pour éviter tout nouveau crime contre les journalistes. 

« Nous pouvons faire notre devoir, – déclare Serdiuk. – Ensuite, il faut la volonté politique du Président, du chef du Comité d'instruction, du Ministre de l'Intérieur »

L'un des principaux avocats russes, chef du Conseil des droits de l'homme auprès du Président de la Fédération de Russie, Mikhaïl Fedotov qualifie la proposition de Mikhaïl Serdiuk, économiste de formation, et de son collègue à la Douma, un tourneur avec 50 ans d'expérience, Valery Trapeznikov, d'excessive et d'inutile. 

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«L'article 144 du Code pénal [« Entrave à l'exercice des activités professionnelles légitimes des journalistes», visée par le projet de loi], qualifie déjà, dans sa troisième partie, d'entrave à l'exercice des activités professionnelles légitimes des journalistes toute utilisation de violence et menace de violence, elle est passible d'une peine sérieuse de six ans d'emprisonnement, – explique Fedotov. –  La proposition des députés fait doublon avec la loi existante »

Selon Fedotov, conformément à l'article 144 dans sa rédaction actuelle, le moment de l'agression des journalistes n'a pas d'importance.

« Pour être poursuivi en vertu de cet article, l'agresseur n'a pas besoin d'attaquer le journaliste pendant qu'il travaille derrière son ordinateur. Ce qui compte est bien le lien entre l'agression et l'activité professionnelle, – explique-t-il. –  Si le journaliste a été blessé lors d'une bagarre dans un bar, par exemple, cela n'a aucun rapport avec son activité professionnelle. Ses agresseurs ne peuvent pas savoir qu'ils ont affaire à un journaliste »

Vsevolod Bogdanov, chef de l'Union des journalistes russe, note que le vrai problème est le faible taux d'élucidation des crimes contre les journalistes. « Cette loi est inutile si les agresseurs ne sont jamais arrêtés », – dit-il. 

Il rappelle qu'en juin 2012, à Daghestan, s'est tenu une réunion terrain de l'Union des journalistes avec les représentants des pouvoirs locaux. Le Caucase du Nord est considéré comme l'une des régions les plus problématiques en termes de la sécurité des journalistes. 

«La conversation a duré longtemps, – se souvient-il. – Finalement, les pouvoirs nous ont assuré qu'ils viendront à Moscou six mois plus tard avec des résultats des investigations des meurtres des journalistes. Les six mois sont passés, personne n'est venu, nous n'avons pas reçu de résultats ». 

Selon Bogdanov, l'Union des journalistes apporte une aide indépendante aux 300 familles des journalistes assassinés en Russie durant ces 15 dernières années.  Il ajoute que toute initiative qui puisse améliorer le statut social des journalistes est bienvenue. « Pour l'instant, cela ne donne rien », – dit-il. 

Il note que l'Union des journalistes a adressé plusieurs propositions au Parlement, mais celles-ci ont été ignorées. À la question si Bogdanov a été consulté par les auteurs du nouveau projet de loi, celui-ci répond par la négative. 

Le député Serdiuk assure : « Je suis prêt à écouter tous les arguments supplémentaires ».

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